Je courais. Pour garder une bonne condition physique, pour avoir un corps présentable mais aussi et surtout pour me changer les idées. Non pas que j’aie de gros soucis, c’est juste que la fille que j’aimais le plus au monde était en couple avec un tatoué au passé douteux qui n’avait juste pas l’air digne de confiance du tout. Bon, c’était subjectif puisque je ne l’appréciais pas des masses, mais pour ce qui en était du passé, non, c’était bel et bien un vrai mec de la rue, Parisien qui plus est. Tous les Parisiens n’étaient pas des abrutis finis, j’en conviens, mais certains avaient le don d’être vraiment insupportables quand ils s’y mettaient et le fait qu’Elisha soit en couple avec un mec comme ça… non, ça ne m’allait juste pas du tout. Elle m’avait raconté – je m’étais forcé à l’écouter mais ça avait été une vraie torture – qu’il avait fait beaucoup de conneries en étant plus jeune avec son meilleur pote, le dénommé Florent qui s’était marié à l’été si je me souvenais bien, dans les rues de Paris. Il avait fait à peu près toutes les conneries imaginables dans sa jeunesse mais, comme si elle avait lu dans mes pensées, puisque c’était exactement la question que je me posais, il n’avait jamais touché les filles. Jamais, au grand jamais. Et c’était peut-être bien le seul côté positif que je lui trouvais.

Pour ceux qui n’ont rien suivi et qui ont besoin que je leur explique pourquoi je tenais autant à Sha, je vous fais un petit résumé très court sur le sujet. Elisha, c’était une amie d’enfance, et même plus que ça. C’était mon ex petite amie que j’aimais toujours et que je n’avais jamais arrêté d’aimer, même si entretemps, j’avais eu plusieurs copines mais seulement pour le plaisir d’en avoir. Nous avions passé des années avant de se parler et elle m’avait toujours fui, mais j’avais tenu bon… Parce que cette fille, c’était la fille la plus sublime à mes yeux et je tenais à elle, d’une façon ou d’une autre, sans même la connaître. Alors je n’avais pas abandonné, j’avais continué à essayer de lui parler, jusqu’au moment où je m’apprêtais à abandonner. Mais là, comme par miracle, elle a cédé et nous avons passé les plus belles années de nos vies, ou en tout cas de ma vie, en couple. Nous deux, elle et moi. Elisha et Aurélien. Ca avait été magique, ou en tout cas pour moi. Puis elle avait disparu du jour au lendemain, voulant à tout prix réaliser ses rêves, et moi j’étais resté seul, comme un con. Nous nous étions appelés mais les appels s’étaient raréfiés au fil du temps, si bien qu’à un moment donné, ayant perdu tous mes contacts suite à un changement de portable, je n’avais plus eu l’occasion de lui parler ne serait-ce qu’une fois. Mais je ne l’avais jamais oubliée. Jamais. Elle restait la seule et l’unique à mes yeux, celle qui comptait le plus, celle avec qui je voulais vivre ma  vie et avoir un futur. Mais elle était en couple avec son Parisien à la mord-moi le nœud et je devais l’accepter. J’essayais. Vraiment, j’essayais. C’est juste que j’avais tout le mal du monde à passer à autre chose, et c’était d’ailleurs même mission impossible pour moi. Même si les filles me voyaient comme le mec enchaînant les one-night, draguant à tout va et profitant des filles, non, je n’étais pas du tout comme ça. Pas dans le fond, tout du moins. Dans le fond, j’étais juste le mec au cœur brisé qui n’arrivait pas à faire de la place pour les autres tellement il n’y avait qu’une personne dedans.  

Donc je courais. Les cheveux dans le vent glacial, complètement décoiffé mais pour une fois, je m’en fichais royalement. J’avais beau être mannequin dans la vie, pour une fois, je n’en avais rien à faire de mon apparence. Sans me vanter, je n’avais malgré tout pas à me plaindre et à part les cheveux en bataille, tout allait pour le mieux. Vêtu d’un pantalon de jogging noir avec une ligne blanche sur les côtés, d’un t-shirt blanc un peu moulant et d’un pull gris foncé à inscriptions turquoises, le même que j’avais porté lors de mes retrouvailles avec Sha’, je me dirigeais en courant vers la plage d’un pas régulier, tentant de respirer librement. Ma condition physique n’était pas des pires mais il fallait que je continue à courir pour encore l’améliorer, parce qu’il y avait toujours moyen de faire mieux et j’allais jusqu’au bout des choses. J’étais parti de mon studio à l’académie et j’avais fait tout le chemin jusqu’à la plage avec son sable blanc devenu beige et encore humide de la pluie et de l’air froid, pour finalement m’arrêter en plein milieu de la plage, face à la mer, le vent soufflant encore plus fort et ébouriffant complètement mes cheveux.

Perdu dans mes pensées, je réfléchissais à tout ça. A Elisha, à Alexandre, à son ami Florent. Au fait que Sha’ m’aie dit qu’Alex avait changé, qu’il s’était posé pour devenir plus réfléchi. Je n’y croyais pas trop. Et je ne voyais pas pourquoi elle avait craqué pour lui, qu’est-ce qu’il avait de si spécial ? Pourquoi avait-elle aimé son caractère, ou alors son physique, tout simplement, même si je savais que Sha n’était pas comme ça ? Qu’est-ce qui faisait son charme au point à ce qu’elle en devienne raide dingue ? Et… qu’est-ce qu’il avait que moi je n’avais pas ? Je n’en savais rien. Et j’aurais aimé lui faire comprendre le fond de mes pensées, à ce tatoué qui ne valait rien. Mais de toute façon, même si du haut de mon mètre quatre-vingt-huit je le dépassais sûrement de quelques centimètres, il n’aurait aucun mal à me mettre à terre en moins de deux. Il n’avait pas dû faire grand-chose d’autre quand il vivait encore sur Paris, de toute façon. Nonchalamment, je passai une main dans mes cheveux, tentant de les remettre à leur place, en vain.

« Je t’aurai un jour, Leroy. » soufflais-je doucement, laissant le vent emporter mes mots.

Je posai mon regard sur la mer et, dans un geste dont j’avais l’habitude maintenant, je sortis une cigarette de la poche arrière de mon jogging et glissai ma main dans la poche avant pour y trouver mon briquet. Sauf qu’il n’y était pas. Je jurai intérieurement et vérifiai dans mes autres poches, avant de réaliser qu’il n’était vraiment pas là et que je l’avais sûrement laissé sur la table de la cuisine, chez moi. Je regardai autour de moi et mon regard se posa sur une magnifique brune aux cheveux bouclés que je n’avais pas aperçue plus tôt, trop concentré sur la mer et sur mes pensées, pour ça. Elle faisait sûrement un peu plus de vingt centimètres de moins que moi mais elle avait l’air d’être de mon âge, peut-être à un ou deux ans près. Je m’approchai donc d’elle d’un pas assuré mais pas très rapide pour ne pas l’oppresser dès le début. En me retrouvant à côté d’elle, je m’assurai qu’elle m’ait remarqué et je lui montrai ma cigarette, un sourire adorable aux lèvres tout en demandant :

« Excusez-moi… vous n’auriez pas du feu ? »

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Quel idiot d’avoir pris mes clopes mais oublié de quoi les allumer chez moi. C’est clair que là elles allaient énormément me servir ! J’avais beau avoir plutôt les pieds sur terre en général, dès que je me mettais à penser à Sha je ne savais plus trop ce que je faisais, et heureusement que je n’étais pas sorti en pyjama sans le savoir, sinon j’aurais vraiment eu l’air con. Mais bon, y’avait moyen de sauver le truc parce que non loin de moi se trouvait une jolie brune qui semblait elle aussi un peu perdue dans ses pensées, et avant d’aller la voir, je m’accordai un petit temps d’observation. Cheveux bruns bouclés mi-longs, regard sombre, elle ramassait avec enthousiasme les plus beaux coquillages qu’elle trouvait. J’eus un léger sourire aux lèvres en la voyant faire, puis j’entrepris d’aller lui parler et lui adressai mon plus beau sourire en lui demandant si elle n’avait pas du feu. C’était une phrase franchement banale et assez nulle mais c’était un réflexe de fumeur, ça… Tout de suite, elle me répondit tout normalement que non, qu’elle ne fumait pas et qu’elle n’avait pas envie de mourir jeune. Je haussai un sourcil et la vis remettre ses écouteurs en place et recommencer à fredonner la chanson qui passait actuellement. Les écouteurs avaient le don de faire chanter faux le plus doué des chanteurs et ce n’était pas différent maintenant, mais c’était plutôt mignon, à vrai dire. Toujours le sourcil levé, je la vis s’éloigner, un peu surpris, pour le coup. Elle n’avait même pas pris le temps de me parler ni rien… Je ris légèrement en secouant la tête et la regardai s’éloigner, ne pouvant empêcher de baisser un peu le regard l’espace d’une petite seconde. Bon… euh… oui ! Je regardais ses fesses, et vous avez un problème avec ça peut-être ? Là c’était le réflexe masculin qui jouait, j’y pouvais absolument rien, bande d’esprits mal tournés

Pourtant, je relevai assez rapidement le regard pour ne pas passer pour le pervers de première parce que même si elle avait le dos tourné, si jamais elle se retournait… ça ne le ferait pas trop. Même pas du tout. Alors je me contentai de poser mon regard sur ses cheveux qui flottaient au vent et lorsqu’elle tourna la tête vers moi, je ne pris même pas soin de détourner le regard parce que ce n’était pas du tout mon genre. Je n’étais pas gêné avec les filles et ce n’était pas nouveau, alors je faisais face et j’assumais le fait de les observer. Je souris légèrement lorsqu’elle, par contre, s’empressa de se retourner, comme prise au dépourvu. C’était plutôt mignon ça, et c’était un réflexe qu’avaient beaucoup de femmes et je ne comprenais pas pourquoi. En quoi c’était gênant d’être surpris en train de regarder quelqu’un, alors que justement, pour cette personne, c’était plutôt flatteur ? Oui enfin, moi je le prenais comme ça… peut-être qu’il y en avait d’autres que ça dérangeait. Mais moi, ça me donnait plutôt confiance alors, un léger sourire aux lèvres, je me mis à regarder le sable autour de moi, mon regard se posant alors sur un magnifique coquillage blanc avec un peu de rose autour. Plutôt satisfait, je le ramassai et le regardai pendant quelques instants, enlevant doucement le sable de mes doigts afin d’obtenir un joli coquillage tout beau, tout propre. Je souris et, vu que j’étais en mode jogging, je me dirigeai tranquillement en courant vers la jeune femme pour la rattraper et, une fois arrivé à sa hauteur, je la dépassai calmement, ralentissant et me retournai de sorte à lui faire face, marchant en arrière à la même vitesse qu’elle. Toujours ce sourire adorable aux lèvres, je lui tendis le coquillage tout en lui disant d’une voix très douce, comme pour éviter de la faire fuir :

« Vous n’avez pas de feu… mais peut-être un peu de temps à m’accorder ? »

Ca, c’était du grand moi. Tentative d’approche mignonne, sourire chaleureux et craquant, petit haussement du sourcil qui va bien… C’était ma petite technique à moi et elle marchait plutôt bien en général, j’avais déjà eu pas mal de succès avec tout ça. Sauf que mine de rien, là, c’était venu assez naturellement et j’avais réellement envie de passer un peu plus de temps avec elle parce que rien que dans sa manière de répondre, je l’appréciais plutôt bien au premier abord. Bon, après, ce n’était peut-être qu’une impression et si ça se trouvait elle avait un caractère horrible de fille asociale et peu amicale, mais ça m’aurait vraiment étonné, à vrai dire. Toujours en marchant en arrière, je jetai quand même un petit coup d’œil à ce qui se trouvait derrière moi, avant de me reconcentrer sur la jeune brune et de lui dire, toujours tout sourire :

« Moi c’est Aurélien. En espérant que je ne vous dérange pas… » Je lui souris amicalement et me remis à marcher normalement à ses côtés, jetant un coup d’œil au sable humide au passage. Je me baissai une nouvelle fois pour ramasser un coquillage et en essuyai à nouveau le sable, avant de le tendre à la jeune femme tout en lui disant d’un air malicieux : « Je pourrai même vous aider à ramasser des coquillages tellement je suis un gentil garçon ! » je ris légèrement et la regardai en coin, me taisant finalement pour la laisser parler un peu. Ben oui quand même, pas bavard à ce point le petit… grand Aurélien !  

D’accord, je n’étais pas possible. Dès qu’il y avait une belle fille, je me sentais obligé de l’aborder et quelque chose m’y poussait, faisait que je ne pouvais tout simplement pas l’ignorer et passer mon chemin. Surtout que cette jeune fille rencontrée sur la plage était vraiment sublime et que j’allais le regretter si jamais je ne faisais rien, donc au lieu d’abandonner, je m’étais dirigé en courant vers elle avant de lui offrir un coquillage et de lui demander si elle avait un peu de temps à m’accorder. Sans vraiment attendre de réponse, je me mis à marcher normalement à côté d’elle et je me présentai donc très rapidement, lui annonçant simplement mon prénom, avant de ramasser un autre coquillage et de le tendre à la jeune femme, ajoutant une petite phrase toute mignonne au passage. Pourtant, je me tus après, la laissant parler parce que mine de rien, elle ne m’avait encore rien répondu et même si ça montrait que je ne la dérangeais pas plus que ça, ça me changeait de d’habitude. Parce que soit les filles commençaient à me parler comme si ça faisait des années qu'on se connaissait, soit elles m’envoyaient bouler et les choses étaient claires. D’ailleurs, cette dernière option m’était arrivée plus d’une fois, mais je m’en fichais pas mal, en réalité. Elle rangea les deux coquillages dans son sac à main et se décida alors à me répondre, se présentant elle aussi en disant que je ne la dérangeais pas du tout. Elle avait une voix douce et son sourire témoignait de sa bonne humeur, chose qui m’allait vraiment bien parce qu’elle ne me renverrait pas d’où je venais tout de suite. Je lui fis un nouveau sourire mignon, avant de lui répondre, tout simplement :

« Enchanté. Et parfait alors. »

Elle s’était arrêtée en me parlant et regardait la mer, à présent, tandis que je suivis son regard, pour finalement le poser sur elle, doux et admiratif. Je me répète si je dis qu’elle était magnifique ? Y’avait d’autres belles filles dans le coin, mais elles étaient presque toutes trop fières pour m’accorder ne serait-ce qu’un regard, et ça m’agaçait profondément. Mais là, je ne semblais pas la déranger et elle m’avait répondu gentiment, visiblement sans se méfier d’éventuelles arrière-pensées que je pourrais avoir, et c’était très bien comme ça, puisque cette fois, je n’en avais aucune. Pour ne pas être trop oppressant, je fis basculer mon regard d’elle à la mer et inversement, jusqu’à ce qu’elle regarde ses trouvailles ainsi que les miennes et elle annonça qu’elle en aurait assez pour les aquariums du chenil – ce qui m’apprit son boulot au passage, enfin plus ou moins en tout cas – et pour le sien au passage. Elle ajouta que Corail serait content et je haussai à nouveau un sourcil, avant de lui dire, un léger sourire aux lèvres :

« Corail ? Votre poisson ? »

Pour une fois, je n’étais pas très bavard et je ne sais même pas pourquoi. En général, je m’amusais à discuter avec les filles que je rencontrais mais là je me faisais plutôt discret en essayant d’être le moins oppressant possible, puisqu’étrangement, je voulais qu’elle ait une bonne image de moi. Pas celle du tombeur qui faisait du charme à chaque fille qui lui passait sous le nez, mais plutôt celle du gars mignon qui s’intéressait à elle sans pour autant penser à d’autres choses à côté. Parce que ça, c’était le cas, maintenant, figurez-vous. Elle posa son regard sur moi et prit visiblement le temps de m’observer un peu, tandis que je détournai le regard afin qu’elle n’ait pas trop l’impression de m’oppresser non plus. Oui, j’avais mes petites techniques et je savais comment m’y prendre, ça aidait. Un sourire aux lèvres, elle me demanda alors si je venais souvent apporter mon aide aux jeunes filles en quête de coquillages et je ris, amusé, avant de laisser un petit sourire en coin étirer mes lèvres. Je plantai mon regard dans le sien, puis lui répondis du tac-au-tac, sans une once d’hésitation :

« Non, seulement aux jolies filles en quête de coquillages. »

Pour donner plus d’effet à ma phrase, je me tus juste après, laissant un léger silence s’installer. Le pire c’était que j’étais tout à fait sérieux et que je ne disais pas ça juste pour l’impressionner, contrairement à d’autres fois. Je me remis à marcher, calmement, le regard passant de la mer au sable à mes pieds, puis je demandai à la dénommée Ariane :

« Alors comme ça, vous travaillez au chenil ? Vous aimez les animaux alors. Je vous avoue que je n’en ai pas… j’ai tout de suite moins de chances de vous faire de l’effet, du coup, non ? »

Je lui lançai un petit regard malicieux accompagné d’un petit sourire qui allait bien avec, tout en posant mon regard sur elle pour voir sa réaction. Là, ça commençait à ressembler à mon comportement habituel, avec les petites phrases lancées comme ça dans le but de la draguer, mais pourtant, je faisais plus attention à mes mots que d’habitude. Je cherchais quoi dire, je pesais le pour et le contre, tout ça en deux temps trois mouvements pour quand même paraître naturel. Ayant arrêté de courir et réalisant qu’il faisait un peu trop froid pour la tenue que je portais, je croisai les bras et frissonnai un petit coup lorsqu’une bourrasque de vent vint nous décoiffer tous les deux. Saleté de temps pourri à la con. Je reposai mon regard sur elle, un tout petit peu inquiet, avant de lui demander :

« Vous n’avez pas froid ? » 

Oh que oui je la draguais. Et oh que oui j’aimais ça, parce que ses réactions étaient vraiment trop adorables et elle était loin d’être comme toutes ces autres filles que j’avais déjà abordées dans ma vie : superficielles et sans surprises. Toutes les mêmes. Sauf Sha, bien évidemment, mais ça c’était complètement une autre histoire et ça n’avait absolument rien à voir. Ariane, elle était franchement mignonne et au lieu de passer directement à l’action, si je puis dire, je préférais largement apprendre à la connaître avant. Je voulais discuter et rire avec elle, lui faire bonne impression pour avoir une chance de la revoir après. Parce que les one-night, je les avais enchaînés à un moment mais là j’étais loin d’en avoir envie parce qu’ici, le sentiment que j’avais était vraiment différent. Ce n’était pas quelque chose de très puissant pour l’instant mais ça pouvait le devenir, alors j’allais me tenir à carreaux. C’était vraiment différent, et c’en devenait presque déstabilisant. La seule chose qui ne m’allait pas vraiment, c’était que je parlais sans qu’elle ne me réponde, je parvenais à peine à comprendre ses expressions du visage puisque je ne la connaissais pas et puis il était vraiment dur de deviner ce qu’elle pensait. Donc je restais sur mes gardes, sans pour autant abandonner. C’est lorsqu’une bourrasque de vent nous fit frissonner tous les deux et que je lui demandai si elle n’avait pas froid qu’elle me répondit enfin, en disant que si et qu’on devrait aller se mettre au chaud. Elle se mit en route en cinquième vitesse et même si j’aurais bien voulu passer un bras autour de ses épaules pour la réchauffer, elle ne m’en laissait pas le temps et j’oubliai rapidement l’idée pour éviter qu’elle ne me trouve collant ou trop insistant. Je la suivis donc en silence, un léger sourire tout doux aux lèvres et l’observai lorsqu’elle s’arrêta pour remettre ses chaussettes, ses chaussures et reprendre ses affaires.

Elle reposa alors son regard sur moi et reprit la parole, répondant à ma question et sa réponse me fit sourire. Alors comme ça, il fallait être doux, s’entendre avec elle, être sportif et aimer les animaux ? Oh eh bien c’était pas trop mal parti alors. Parce que je n’avais peut-être pas d’animaux mais je les aimais beaucoup et j’avais eu un chien quand j’habitais encore chez mes parents. Ca compte ? Mais oui, ça compte ! Je finis donc par lui répondre, le regard malicieux et un sourire amusé aux lèvres :

« J’ai eu un chien et je suis cavalier… Y’a de quoi satisfaire madame ? » Je lui fis une fausse petite révérence en riant doucement, avant de continuer à marcher à ses côtés avec le même petit sourire mignon qu’au début.

Oh oui, je la charriais un peu. Beaucoup, même. Mais ce n’était aucunement méchant, ni moqueur alors il n’y avait pas de quoi en faire toute une histoire. Elle avait le droit de me le dire si ça ne lui plaisait pas mais c’était tout gentil alors elle n’avait vraiment pas de soucis à se faire. Finalement, je la suivis direction les bâtiments les plus proches, jusqu’à arriver sur la digue et je jetai un petit coup d’œil autour de moi, puis à ma montre. Presque une heure de l’après-midi. Et même si j’avais prévu de manger tout seul chez moi en rentrant de mon jogging, une idée me traversa l’esprit et j’en fis tout de suite part à la jeune femme en lui montrant un resto que j’aimais plutôt bien du doigt.

« Je vous invite là-bas, c’est un de mes restos préférés ici. » Je souris et continuai : « Au moins on pourra se réchauffer et ça creuse, de courir ! »

Oh, l’excuse ! Non mais c’était totalement vrai en plus, mon ventre commençait réellement à crier famine. Alors vous avez le droit de penser ce que vous voulez, mais je n’y allais pas seulement pour rester en compagnie de la jeune femme. C’était la raison principale mais pas la seule, disons. Finalement, je la guidai donc jusqu’à l’entrée du resto et saluai le serveur, avant de le suivre jusqu’à une petite table un peu à l’écart qu’il nous avait choisie. Oui enfin bon, en espérant qu’Ariane veuille bien se mettre là avec moi parce que c’était un peu délicat mine de rien. Pourtant, je fis comme si de rien était et avant qu’elle ne s’asseye, je lui pris sa chaise et l’invitai à s’y asseoir, en mode gentleman. Oui, j’avais mes petites techniques et mes petites habitudes et je ne me privais pas d’en faire usage ! Une fois la jeune brune installée, je partis m’asseoir de mon côté et pris le menu en main, faisant passer mon regard sur les différents plats. Pourtant, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil à la jeune femme au passage, très discrètement, et un petit sourire s’afficha sur mon visage. Faut que t’assures, Aurélien ! Pas le temps de faire n’importe quoi. Après quelques minutes, le serveur revint et je lui passai ma commande, laissant Ariane faire de même.

« Les pâtes au saumon, s’il vous plaît. »

Ce truc était une merveille. Je vous jure. Un délice ! Je le prenais à chaque fois que je visitais ce restaurant et cette fois-ci, je n’allais pas faire d’exception. Je commandai encore un coca avec pour éviter l’alcool à midi – non, en général je ne respectais pas cette règle, mais là j’étais avec une jeune femme alors il fallait que je me tienne bien – et lorsque le serveur s’éclipsa, je reposai mon regard sur Ariane, les bras croisés sur la table. En penchant légèrement la tête sur le côté, je lui demandai :

« Ca ne te dérange pas si on se tutoie ? Je t’avoue que j’ai du mal avec le vouvoiement. Mais je suis prêt à faire une exception s’il faut. »

J’eus mon petit sourire mignon, avant de jeter un coup d’œil autour de moi. Il y avait pas mal de monde ici, Etretat était une ville assez touristique et en écoutant bien, on pouvait entendre les gens parler italien, espagnol, anglais… Tout ça quoi. Mais bon, pas la peine de trop s’attarder dessus, y’avait bien plus intéressant qu’eux ! Une jeune femme tout à fait charmante en face de moi, par exemple. Lorsque le serveur revint avec nos boissons, je pris une gorgée de coca avant de sourire et de prendre la parole.

« Tu parlais de ton poisson, tout à l’heure… Tu as d’autres animaux ? »

Puisqu’elle les adorait, pourquoi ne pas en parler ? C’était toujours mieux que de faire le gros lourd en la draguant sans cesse, n’est-ce pas ? Fallait pas abuser non plus, surtout que je voulais avoir toutes les chances de mon côté, cette fois. Alors je préférais lui poser quelques questions innocentes afin de mieux la connaître et puis de la faire parler un peu aussi, parce qu’elle était assez silencieuse, même si une fois qu’elle parlait, elle faisait de longues phrases. Je bus une autre gorgée de coca en l’écoutant, posant un regard doux et bienveillant sur elle et plongeant mon regard dans le sien de temps en temps. Il paraît que ça en faisait craquer quelques unes, alors fallait bien que je sois fidèle à moi-même. Mode mi-tombeur mi-innocent activé !
 

Je lui avais annoncé que j’étais cavalier et elle sourit en me répondant qu’elle aussi l’était. Ca tombait trop bien ! Ah non mais j’adorais les chevaux et puis on avait déjà un point en commun alors qu’on se connaissait à peine, c’était merveilleux. Au moins, j’allais trouver un sujet de conversation, avec tout ça ! C’était top, top, top. Je me contentai d’exprimer ma joie en lui souriant à pleines dents, le regard brillant. Inutile de trop parler parce qu’elle ne semblait pas être très bavarde non plus et puis le calme et le bruit des vagues, ça faisait vraiment du bien aussi. Finalement, vu qu’on se les gelait tous les deux, je l’embarquai direction un restaurant que je connaissais assez bien et où j’avais l’habitude d’aller, sans pour autant le visiter toutes les semaines. Très peu pour moi l’idée de rester là, dehors avec elle surtout qu’elle m’avait dit qu’elle avait froid et puis je ne me voyais pas trop passer mon bras autour d’elle puisqu’elle avait l’air assez timide et je ne le sentais pas trop, ce geste. Alors je m’étais tenu tranquille et je l’avais simplement invitée au restaurant sans vraiment le faire, en fait. Je l’y avais emmenée sans le lui dire et sans vraiment demander son avis, disons. Mais Ariane me suivait alors c’était très bien et je ne doutais pas trop de moi-même.

En arrivant au restaurant, je laissai le serveur nous guider jusqu’à une petite table un peu à l’écart et avant qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, je lui tirai sa chaise, un adorable sourire aux lèvres et elle s’y assit calmement, pour mon plus grand plaisir. Parce qu’il y avait vraiment moyen qu’elle refuse de passer du temps avec moi et qu’elle me trouve lourd comme mec hein, même si j’avais le don d’être bien plus lourd que ça parfois et qu’elle me changeait beaucoup, cette fille. Mais elle me changeait dans le bon sens, alors je n’en étais que trop heureux, voyez-vous. Finalement, alors que je voulus me rasseoir, elle m’attrapa à la manche et je me retournai donc, un sourcil haussé, comme souvent. C’était un peu mon expression du visage à moi, ça, et je le faisais presque sans m’en rendre compte. Lorsqu’elle me glissa un petit merci à l’oreille, j’eus un sourire attendri, le regard doux et je lui répondis d’une voix toute aussi douce :

« Y’a pas de quoi. »

C’était pour le resto qu’elle me remerciait ? Je ne savais pas trop. Je ne voyais pas pourquoi elle me remercierait d’autre, en fait, alors ça devait bien être pour ça. Et franchement, y’avait vraiment pas de mal puisque j’aimais être en compagnie de jolies filles et celle-ci était bien différente des autres. Plus spéciale. Moins superficielle, beaucoup plus sincère. Ou en tout cas c’était ce que je pensais, après tout les filles c’était trop compliqué pour tout comprendre dès le début. Mais avec elle, j’avais un bon pressentiment. Vraiment. Je me rassis donc, un léger sourire heureux aux lèvres, avant de prendre le menu en main. Finalement, le serveur arriva et je commandai des pâtes au saumon, puis laissai Ariane faire  son choix. Pâtes carbonara et verre d’eau ? Elle faisait dans la simplicité, visiblement ! Ce n’était pas plus mal puisque rien que ça, ça démontrait qu’elle était différente. Les autres filles aimaient commander des trucs complexes lorsqu’elles étaient avec un mec, en général, et le fait qu’Ariane ne le fasse pas, j’aimais beaucoup. Oui, il en fallait peu pour que j’apprécie quelque chose mais je faisais vraiment attention à tout ça, aux habitudes des filles et tout ça. Ca me permettait de réussir à leur faire plus d'effet, en fait. Sauf que jusque là, rien n’avait encore été sérieux à part ma relation avec Sha. Mais ici c’était différent, je vous dis ! Et je vous assure que je le pense vraiment, c'était loin d’être pareil.

Finalement, le serveur s’éclipsa et je me reconcentrai sur mon interlocutrice, lui demandant si on pouvait se tutoyer puisque c’était quand même beaucoup plus simple. J’avais l’habitude de le faire dès le début et puis je détestais vouvoyer, même si c’était essentiel à la première rencontre. Pour mon plus grand plaisir, Ariane accepta et je souris donc franchement, vraiment heureux, pour le coup. Cette fille avait tout pour plaire ! Mais il fallait surtout que j’apprenne à la connaître encore un peu plus, alors je lui posai une autre question, quant à ses animaux. Là, pour le coup, elle prit la parole, le regard planté dans le mien et je l’écoutai sans l’interrompre, complètement attendri par sa façon de parler. C’était tout à fait innocent, presque enfantin. Mais c’était vraiment adorable et j’adorais l’écouter. Elle termina et posa sa tête sur ses mains, un sourire aux lèvres qui me fit craquer. Non, je ne vous le cache pas ! Je vous l’avoue ouvertement, elle était adorable. Finalement, je repris la parole à mon tour, tout gentil.

« J’aimerais aussi reprendre un chien ici, comme quand je vivais encore chez mes parents, mais je vis aussi dans un petit studio qui ne permet pas ce genre de choses. » Je soupirai et continuai : « Un jour j’en aurai un. Mais pas pour l’instant, j’en ai bien peur. »

Je fis la moue, puis me remis à sourire lorsqu’elle reprit la parole. Alors comme ça elle voulait en savoir plus sur moi ? Plus encore, elle voulait tout savoir ? C’était bien gentil mais ma vie n’allait pas l’intéresser des masses, à mon avis. Et puis… est-ce que j’allais lui parler de Sha ? Parce que c’était quand même une des choses les plus importantes dans ma vie, enfin une des personnes les plus importantes alors il fallait peut-être qu’elle sache, non ? Je n’en savais trop rien. Parce que j’évitais soigneusement d’en parler aux inconnues que j’approchais, mais je pouvais peut-être faire une exception pour Ariane, tout comme elle l’avait fait pour moi. Enfin bon, chaque chose en son temps. Je souris et commençai d’une voix douce :

« Oh, je n’ai pas une vie très passionnante. J’ai emménagé à Horse Beautiful, l’académie équestre d’Etretat, en août. Avant je vivais chez mes parents à Lille et j’y ai fait des études en droit, que j’ai arrêtées à vingt ans. J'en ai vingt-et-un maintenant. » Je souris et secouai la tête, tout en continuant : « J’ai fait quelque chose que mes parents ne me pardonneront sûrement jamais. Je suis devenu mannequin après avoir posé dans un magasine, un truc peu connu mais qui a fait mon succès quand même. J’ai posé pour plusieurs magasines de mode et dans des catalogues, aussi, et puis j’aime bien faire ça. C’est peut-être dommage d’avoir abandonné mes études au passage mais je ne regrette pas parce que ça me laisse pas mal de temps pour faire ce que j’aime. » Je souris, avant de continuer tout en regardant Ariane : « Sinon à part ça, j’ai mon galop cinq en poche et j’essaye de monter le plus possible, d’ailleurs à HB les infrastructures sont superbes et y’a de magnifiques chevaux. Je m’y plais vraiment bien, même si les studios sont vraiment petits. Mais confortables, alors je n’ai pas à me plaindre. »

Aurélien mode pipelette on ! Mais elle m’avait demandé de parler de moi alors je n’avais pas hésité une seconde à le faire. Surtout qu’avec tout ça, je résumais assez bien le truc, sans pour autant dévoiler toute mon histoire. Pas encore, ce n’était pas la peine qu’elle le sache. Pour le moment. Peut-être qu’un jour, on en viendrait à parler de nos passés respectifs ou que tout simplement, l’occasion de parler d’Elisha se présenterait, mais cette fois, je voulais avoir toutes les chances de mon côté alors je me tus, bien sagement. En penchant la tête sur le côté, je lui posai une nouvelle question :

« Et toi, t’es ici depuis longtemps ? Tu habites où ? » Je pris une nouvelle gorgée de coca lorsque le serveur arriva avec nos plats – ils étaient rapides ici, c’était une bonne chose – et je ne me fis pas prier pour en prendre une bouchée. « Bon appétit ! » Lançais-je joyeusement à Ariane, un sourire malicieux aux lèvres.

Finalement, je me tus, mangeant mon plat en silence, perdu dans mes pensées. J’avais une question à lui poser que je n’avais encore jamais posée à personne puisque je ne m’étais jamais senti prêt et puis ce n’était jamais le moment. Je voulais juste savoir ce qu’elle en pensait, si elle avait déjà vécu pareil. Alors je déposai mes couverts dans mon assiette, avalant la bouchée de pâtes au saumon pour pouvoir mieux me concentrer sur la jeune brune en face de moi.

« Je peux te poser une question ? » lui dis-je doucement, une once de sourire aux lèvres. « Ca t’est déjà arrivé d’être incroyablement jalouse de quelqu’un et d’avoir envie de tuer cette personne, ou au moins de lui faire du mal ? »

Une question étrange, j’en conviens. Mais j’avais besoin de la poser, puisque j’avais accordé une partie de ma confiance à Ariane et qu’elle semblait être la mieux placée pour me répondre, même si je la connaissais à peine. Je repris mes couverts en main et attendis sa réponse, patiemment.


 

• -Je viens de Nantes, je suis arrivée ici il n'y a pas si longtemps que ça... J'habite à Etretat moi aussi, a l'academie de Horse Beautifull plus précisément, mais je n'ai pas encore eut l'occasion de monter... Peut être un de ces jours...

• "-A vrai dire, je n'ai jamais été jalouse au point de faire du mal... Mais dans une autre circonstance, j'ai déjà songée à faire répondre une personne de ses actes... Mais je n'ai jamais cédée, cela ne m'aurais pas conduit à grand chose.. Je ne suis donc pas une spécialiste, mais si tu veux un conseil... Mmh... Désolé, je suis nulle en conseil... Mais sache que surpasser la haine demande beaucoup de maîtrise de soi... Parfois un peu de douceur peut appaiser cette colère..."

• "-J'ai un ours en peluche à te prêter si tu veux ! Vu que nous sommes voisins, il faut bien s'entraider non ?" Continua t'elle dans un clin d'oeil complice