Maintenant je suis censée vous raconter mon histoire? Mmh ça ne me plait pas du tout. Ne vous ai-je pas dis que je n’aimais pas me dévoiler au premier venu? Alors raconter mon histoire en détail et la laisser à la vue de tous, non merci ! Pour ce qui est de mon arrivée dans ce haras, eh bien je m'y suis inscrite pour monter à cheval car l'équitation est ma passion. J'avais deux chevaux qui ont tragiquement disparu.

Mais je peux quand même vous en raconter un bout, histoire de piquer votre curiosité..

Une petite fille se faufile dans l’ombre. Ses pieds moites collent au sol, l’obligent à faire des grands pas pour limiter le bruit. Il fait froid, sombre et humide. Ce n’est pas un temps pour trainer dehors. Le sang bat contre ses tempes trempées de sueur, ses cheveux s’y collent et s’emmêlent. Elle a peur, elle pue la peur. Tout d’un coup la pluie s’abat. Elle tambourine dans son dos, trempent son débardeur laissant apparaître sa colonne vertébrale. « Tu es bientôt à la maison » se dit elle pour se donner du courage. Elle court maintenant, de plus en plus vite. Son souffle est bref, sa respiration rapide. Elle court, elle court, plus que quelques mètres, allez.
Une douleur aiguë lui déchire le pied. Mais elle ne peut s’arrêter maintenant, si près du but. Déjà sur l’asphalte se dessine un chemin d’empruntes rougeâtres minuscules ne pouvant appartenir qu’à une gamine de son genre. Enfin elle y est. Submergée par une vague de bonheur intense, elle s’écrase contre la lourde porte en bois et se laisse glisser sur le rebord d’une marche. Les larmes sont incontrôlables, elles roulent sur ses joues rondes d’enfant, se glissent au coin de sa bouche. Elles ont un goût amère et la petite crache sur le seuil de la porte.

« - Bande de lâches ! »

Mais personne n’est là pour entendre les jurons d’une gosse de 11 ans, laissée seule au milieu de cette ville qu’elle ne connaît pas, de ces visages inconnus, seule, sans repères. Où est papa Noa? Et Raphaël alors?