Nouveau départ, encore une fois. Qu'est-ce que je fichais à Etretat? Et bien, boulot, appartement, bref, j'étais venu m'installer. Drôle d'idée? Absolument pas, il fallait bien que je vive ma vie! Le truc, vous voyez, c'était que j'avais un fond instable et que ça pouvait à la fois être une bonne et une mauvaise idée. Mais à part ça, c'était une bonne idée, j'étais bien. Bref, Etretat. Vingt-trois heures à la boîte de nuit. Je prenais mon service. Les gens commençaient tranquillement à arriver. Pour le moment, c'était tranquille, on déconnait entre collègues en servant deux ou trois personnes, mais pour le moment, ce n'était pas l'affluence. Alors si vous voulez mon avis, c'était le moment où jamais pour lier un peu le truc dans l'équipe. Non mais parce que c'était bien beau, mais ils avaient toujours l'air d'être à un enterrement, les collègues, sauf que les clients venaient s'amuser donc c'était pas top. Et puis ce soir-là, j'amusais la galerie. La musique claquait jusque l'arrière et donc j'étais dans la pièce des employés occupé à danser et à faire marrer tout le monde. Même le boss avait un léger sourire, jusqu'à l'heure de prise de poste, puisque tout le monde enfila la tenue de travail et partit bosser, moi compris. Non mais oh, on était sages et sérieux! Sauf que là, il y avait carrément plus de monde d'un seul coup quoi. Bref, moi, mon taf, c'était d'aller en salle prendre les commandes, et go, c'était parti. Un sourire charmant, et basta, c'était parti, ça marchait rudement bien avec les filles ça. Je me dirigeais vers une table sans commandes.

Y'avait un peu d'ambiance dans la salle, c'était top ça quand même. C'était un super poste que j'avais, parce que bon, il y avait quand même plutôt moyen de s'amuser même quand on bossait et c'était bien amusant comme idée. Je me déplaçais avec aisance, un plateau à la main, le carnet de commandes sur ledit plateau. Il y avait une table féminine non servie et c'est d'ailleurs là que je me dirigeais. Un sourire charmant, et voilà, je prenais la commande de... deux splendides jumelles. Mais alors pour être jumelles, elles étaient copies conformes ces deux-là. A croire que j'avais bu et que je voyais double. Mais non non, 00,00 grammes d'alcool dans le sang!

« OK, je reviens avec ça! »

Demi-tour, direction le bar pour récupérer la commande. Mais bon sang, il y avait quelque chose qui me dérangeait. Une singulière impression de déjà vu. Non je ne fais pas de l'humour cette fois-ci. Mais j'étais assez perplexe. J'étais certain d'avoir déjà vu une des jumelles. J'eus donc le temps d'y réfléchir entre la prise de la commande et l'arrivée au bar, et encore pendant qu'on servait les boissons et que je les emmenais de nouveau aux jumelles.

« Et voilà mesdemoiselles! »

J'étais encore troublé, et cela se lisait dans mon regard bleu.

J'avais un bon métier, on rencontrait souvent des filles plutôt canon. Et si je vous disais que c'était pas mal, parce que parfois les cocottes attendaient la fermeture de la boîte pour rentrer chez elle et qu'elles aimaient bien quand quelqu'un de sobre et craquant - pourquoi pas un serveur? - les ramenait chez elle, vous me croyez? Non mais ce n'était pas mon style, mais ça existait quoi. Enfin bref, aucun rapport, j'avoue, c'était pour faire des lignes.

Non mais les jumelles, elles me troublaient. Parce que bon, déjà, c'était des vraies de chez vraies jumelles, genre copier / coller et c'était plutôt rare, d'ailleurs assez déroutant comme ressemblance. Je leur servis les boissons, tentant de deviner ce qui allait à qui et devinez quoi ? Et bien j'avais bon. Et ouais, très fort le mec. Tout à fait perturbé parce qu'elles se ressemblaient trop et que j'avais une impression de déjà vu alors je ne vous dis même pas, mais bon, toujours très professionnel. Lorsque l'une des jumelles posa son regard sur moi, je tiquais. Non, pas possible! Je venais d'avoir un flash mais c'était genre pas possible.

Elle me faisait penser à une sœur d'un mec de la bande. Mais cela aurait été compliqué, parce que mine de rien, elle était seule la nenette, elle n'avait pas de jumelle! En tout cas, j'étais persuadé de la connaître alors... Je pris mon courage à deux mains et je posais la question, j'étais à la limite de mettre les deux pieds dans le plat si c'était nécessaire, mais le tout très soft.

« Excusez-moi mais... Vous n'auriez pas vécu à Paris? »

Les deux pieds dans le plat je vous dis! Mais au moins, j'étais direct et au pire, et ben je faisais erreur, ça s'arrêtait là.

Mais la voilà la réponse! L'une des jumelles avait vécu à Paris cinq ans. D'après mes souvenirs - bons, puisqu'ils précédaient de peu mon départ - c'était une sœur d'un ami, Kate. Et bien voilà qui me rassura, je n'étais pas totalement fou, c'était bien mieux ainsi! Alors que je m'apprêtais à m'excuser - encore une fois - de la curiosité de mon propos - il ne faut pas froisser le client ou le faire fuir - une collègue arriva et me bouscula d'un coup d'épaule tout sauf sympathique. Il devait être jaloux, songeai-je immédiatement.

« Hey Alexandre! Y'a deux demoiselles qui insistent pour que tu ailles les servir! Tiens, oui, il était jaloux.
-J'y vais, pas la peine de me bousculer! Je me retournais vers les jumelles. Excusez-moi encore de mon indiscrétion. »

Sourire rapide avant de me fondre dans la foule dans la direction indiquée par mon agréable collègue. Et en effet, les deux minettes avaient l'air de m'attendre de pied ferme. Sauf que je ne les connaissais pas moi, et que bon, ici j'étais censé rester professionnel. Je pris donc leur commande, j'allais la chercher, je retournais la leur livrer, puis bon, c'était pas tout ça mais mon trouble se retrouva à l'arrière plan puisque je dus continuer à servir les clients. Une petite heure - même pas - passa ainsi et je n'arrêtais pas. Je continuais quelque peu de cogiter à cette fille que je connaissais. Non mais sûr, c'était Kate, elle avait été adoptée par la famille d'un ami. Mais elle ne m'avait pas reconnu. Tant pis avais-je envie de dire. Je continuais mon travail, cherchant quelqu'un voulant prendre une commande sans aller jusqu'au bar.

Non mais bon, fallait le faire, à croire qu'ici les clients choisissaient leurs serveurs, non mais genre ça se fait pas quoi. Mais moi j'étais payé pour fermer ma gueule et faire plaisir à tout le monde. Et j'avais plutôt intérêt à me tenir à carreaux, à faire profil bas et surtout à ne pas faire d'esclandre parce qu'avec mon super CV - et surtout mon casier judiciaire, si vous voulez mon avis, tout comme le néants des diplômes à mon actif - j'aurai du mal à retrouver le moindre emploi si jamais j'étais viré d'une grosse structure comme celle-ci. Devrais-je préciser que je serais grillé à vie dans le domaine? Non, ça, vous vous en doutez. Bref, tout cela pour dire qu'il fallait que je bosse sévèrement. Mais de temps en temps c'était plutôt sympa de bosser, quand même. C'était mieux que de pas avoir un rond et finir à la rue, ou continuer de vivre au crochet de mon paternel, comme c'était le cas dernièrement. Bref.

Je vis de nouveau une des jumelles m'interpeller et je jetais un regard dissuasif vers le collègue qui m'avait sympathiquement évincé avant. Vous savez, mon regard est bleu, presque glace, et lorsque je suis énervé, ou pseudo, et bien ce sont des lames de glaces. Surtout avec mon expression fermée, bref, j'eus la paix quoi. Mon sourire avenant s'afficha de nouveau sur mon visage et je me dirigeais vers la jeune femme qui m'avait appelé. Il s'avérait qu'elle voulait un coca et j'allais donc rapidement le lui chercher avant de revenir et de lui tendre sa boisson. C'est alors que la demoiselle me demanda si je ne connaissais pas Andrew. Tu parles que je le connaissais.

« Si, c'est bien moi. Et vous êtes Kate, sa sœur adoptive. »

Cela sonnait comme une constatation de ma part. Dis sur un ton clair, égal, respectueux parce que bon je risquais ma place dans le cas contraire... Bon, je remettais les pièces du puzzle en place tranquillement. Et cela me fit repenser aux quatre cents coups que j'avais bien pu faire avec Andrew, mon dieu, c'était horrible ce que deux gamins pouvaient faire quand ils déconnaient! D'ailleurs, c'était un peu pour éviter à Andrew de très gros pépins que je m'étais battu avant de plonger en détention. J'étais pas un enfant de cœur, mais tu touches à ceux à qui je tiens, je te tue. Enfin, vous voyez le topo quoi.