Du genre humeur massacrante. Comme si on allait faire mieux que moi. Je relâchai un soupir monumental en me regardant dans un miroir. Je n’avais guère bonne mine. J’avais l’air… Soucieux, sûrement. En effet, la période était dure. Entre Camilla et moi, ça n’allait pas fort. Enfin, c’était un euphémisme surtout. Nous étions séparés, à cause d’une suite d’événements. L’incompatibilité d’humeur avec ma mère, le garçon qui était venu chez elle lorsque j’y étais, la distance qu’elle avait semblé vouloir garder à mon retour… Bref, c’était assez intenable pour moi, bien que je ne veuille pour rien au monde qu’elle ne remarque qu’elle me manquait et que, au fond, je l’aimais toujours.

Après avoir enfilé une chemise, je sortis de chez moi en fin d’après-midi, direction l’académie. Il y avait beau temps et ce serait une agréable distraction. Pour peu que je ne croise pas celle que je ne me résolvais pas à appeler mon ex. J’allais pouvoir passer m’occuper des chevaux, bavasser des derniers potins… C’était encore mieux que les magazines people ! Plus passionnant, au fond, car plein de rebondissements soudains et incroyables. J’allais sans doute apprendre la dernière des poulains, ou la chute d’untel qui faisait le malin à monter le cheval de machin pour x ou y raison. En général, j’en riais.

Sur les coups de dix-huit heures, après une bonne heure à trainasser joyeusement dans les allées, je préférais rentrer chez moi que de risquer de croiser Cam’. C’est alors que je croisais une connaissance positive, abordée par une inconnue. Cette connaissance était embêtée car, apparemment, l’inconnue voulait visiter l’académie et elle n’avait pas le temps de lui faire visiter. J’allais la saluer en m’efforçant de sourire ; une facilité lorsqu’on est acteur.

« Salut Chri’ ! Pas encore partie à cette heure-ci ? Oh, salut. »

Continuais-je à l’intention de l’inconnue. On allait bien voir.

Cette inconnue fasse à moi semblait super timide. J'aurais pu, en d'autres circonstances, m'amuser de cela, jouer dessus, m'en servir pour pouvoir faire ce que je faisais le mieux: enquiquiner mon monde. J'étais un casse-pieds professionnel. Mais vous savez le pire? C'est que je le vivais excessivement bien. C'est pourquoi, lorsqu'elle me salua, je lui servis mon sourire en coin, mon sourire de tombeur. Bon, d'accord, le cœur n'y était pas trop mais je pourrais bien m'égayer un peu comme ça... Si j'étais occupé? C'est ma voix chaude et juste à tomber, mais ma voix naturelle surtout, qui sortit.

« Apparemment non. Pourquoi? »

Parce qu'après tout je n'en savais rien moi! D'accord, mon accent américain ressortait comme pas deux. Mais je n'avais pas le cœur à le cacher derrière des phrases que je maîtrisais à la perfection. Je m'en foutais royalement en fait, de ce que les gens penseraient du célèbre Jacob Fletcher, le type qui avait tourné dans une saga où loups-garous et vampires se battaient puis s'alliaient. Après tout, je vivais mais vie pour moi, pas pour eux. Zut, je m'égare. Pour changer tiens. Les difficultés de la première personne...

Et en plus elle ne marchait pas au charme! J'étais servi. Enfin, après tout, elle ne savait peut-être même pas qui j'étais. Bien qu'au fond ça ne change rien - personnellement je ne m'attendais pas à d'exceptionnels ronds de jambe ou quoi que ce soit d'ailleurs -, certaines filles changeaient généralement d'attitude face à des acteurs ou des chanteurs connus. Alors, franchement, j'en avais strictement rien à fichtre. Même si j'avoue sans détours que cela ne m'arrivait pas souvent. Bref. J'étais quand même dans ma période je me fous de tout et surtout de la vie alors bon... Bref².

Alors comme ça elle voulait visiter l'académie? Ben... Comment dire... La dernière fois que j'avais fais visiter l'académie, j'avais poussé quelqu'un au suicide sans le vouloir. C'est sûr, ça refroidit. D'accord, ce n'était pas pareil... Les données n'étaient pas les même... Finalement, après avoir regardé autour de moi, l'air de rien, j'entendis la fille me demander si j'étais bien moi. Enfin, je me comprend. Je lui souris avec un certain amusement, il fallait l'avouer. Est-ce que j'étais bien moi? Telle était la question. Je risquais de faire le malin après avec mes phrases toutes faites et mon cynisme qui ne cherchait qu'à poindre, mais une chose était sûre: je n'allais pas me vanter. Je n'en avais pas besoin. Je pris le temps de répondre. Pour commencer, j'étais légèrement ironique. Cela pouvait passer pour du simple amusement.

« En personne. Et tu es..? »

Parce que je ne la connaissais pas moi! Bon, d'accord, il y avait des personnes que je ne voulais pas prendre le temps de connaître en général mais là j'allais lui faire découvrir l'académie alors bon... Ce serait toujours intéressant de savoir son nom. Je finis par reprendre un peu plus sérieusement:

« Bon, allez, viens, je te fais visiter. »

Et le tout assez vite s'il vous plait! Je pris donc la direction du premier bâtiment de boxes. Les étalons, de A à I. Je le lui dis aussitôt. J'allais repasser devant mon cheval. Bangarang, 9 ans... Un chouette cheval! Au passage, je lui caressais les naseaux doucement. Ben oui, je l'aimais bien! J'avais une question avant de continuer:

« On t'a attribué qui? »

Vous aurez peut-être remarqué que je n'étais pas très vouvoyant. Mais bon... Aux Etats-Unis - et j'en viens, je vous le rappelle - tout comme en Angleterre, il n'y a pas de distinction entre le vouvoiement et le tutoiement alors... Bon, vous avez compris quoi.