Audrée-Maude venait d'arriver il n'y avait à peine que quelques heures. La jeune Parisienne adorait déjà l'endroit, ses parfums naturels, son activité dynamique... Elle reconnut le son d'une remorque à chevaux et d'un camion qui s'engouffraient dans l'allée principale du centre qui menait à l'accueil. Le cheval qui était dedans était plutôt paisible, puisqu'on entendait aucun son. Curieuse, la jeune fille se tassa sur le côté pour laisser passer le van. Elle n'avait pas encore pu interagir avec aucun cheval depuis son arrivée et elle était impatiente d'en voir un vrai devant elle. Ça faisait bien longtemps, il faut dire. Les gars qui étaient dans le pick-up descendirent du véhicule. Ils se dirigèrent vers la rampe à l'arrière du van. Audrée-Maude rajusta sa position pour assister au spectacle. Un jeune cheval y descendait, plutôt élancé, de couleur évoquant les douces effluves du soleil. Elle admira silencieusement la belle tête de l'animal et ses membres bien dessinés. Les hommes parlaient maintenant avec un autre qui devait être dans les cinquantaine. C'était le directeur, à ce qu'il paraît. L'homme était plutôt grand et avait une bonne carrure d'épaule, il faut l'avouer. Son regard était perçant et sa démarche, gracieuse. Ils règlaient la paperasse liée au cheval. Audrée-Maude essaya de deviner la race de ce dernier. Elle supposa qu'il s'agissait d'un Quarter Horse, cheval américain, en vue de son corps plutôt massif et de sa grande tête, avec de longues oreilles. La france aimait bien les chevaux français et les chevaux de traits, mais celui-là ne ressemblait à aucun. Il faut dire aussi que le centre était connu mondialement, il était normal que des chevaux et des jeunes gens de partout à travers la planète viennent y séjourner.

Le directeur ne l'avait pas remarqué, aussi leva-t-il un sourcil lorsqu'il la regarda. Elle lui adressa un regard plein de défis. S'il pensait qu'elle n'était pas capable de rien faire à cause de sa condition, il se mettait le doigt dans l'oeil! Il ne répliqua pas à cette attaque muette, aussi se contenta-t-il de prendre la laisse que lui tendait le gars de gauche. L'animal inconnu semblait plutôt docile, puisqu'il ne rouspéta pas ni ne s'affola. Il devait être un cheval très bon qui avait été manipulé beaucoup avait d'arriver ici. Le van fut fermé, les hommes réembarquèrent dans leur camion et le moteur vrombrissant retentit à contact de la clé. Ils disparurent après quelques minutes de progression lente pour ne pas effrayer les chevaux. Le seul homme restait la dévisageait pensivement. Audrée-Maude fronça les sourcils. Elle n'aimait pas être dévisagée, car elle avait horreur de savoir qu'on l'évaluait. Était-elle assez bien pour ce type? Elle ne pouvait pas le savoir. Agacée, elle se détourna, même si elle sentait le regard du directeur vrillé sur elle. Il s'avança vers elle et lui dit une phrase du genre.

«Tiens, un nouvelle recrue! Vous savez que le centre n'accepte que des élèves qui sont en état de s'occuper d'un cheval, mademoiselle? Comme vous avez été admise, je pense donc que vous pourrez veiller à ce que ce cheval soit bien accueilli ici. Il s'appelle Texan Storm.»

Sur ce, il lui tourna le dos et disparut à l'intérieur d'un bâtiment en quelques enjambées. Bouche bée, Audrée-Maude entourra machinalement la laisse dans ses mains. Cet homme-là avait du cran, et elle aimait ce genre de personne. Elle allait lui montrer qui elle était et justement qu'elle pouvait parfaitement remplir sa mission avec aisance. Elle caressa la tête du cheval à la robe dorée, même si une question vitale s'imposait à elle. Le cheval était grand et assise dans sa chaise roulante, elle arrivait à peine une demie-tête plus haute que son ventre. Allo la joie pour l'emmener dieu sait où! S'il voulait la traîner, elle ne pourrait pas résister. En plus, comment faire pour le conduire quelque part? Elle devrait l'attacher à son siège et se servir de ses mains comme à son habitue. Elle supplia intérieurement dieu de s'assurer que la bête qui lui avait été confiée pour l'instant n'était pas trop agitée.

Audére-Maude sourit tranquillement à Texan Storm. Elle sentait la nervosité et l'indécision qui embrouillaient l'esprit du jeune cheval. Ses yeux brillants étaient confus et semblaient chercher quelque chose qu'elle ne savait pas. Après quelques secondes, il décida de se laisser convaincre par les manières de la femme. Elle ne savait pas s'il le faisait par résignation ou pour lui faire plaisir. Que se soit pour la première raison ou la deuxième, ce n'était pas bien. Il ne devait pas craindre les humains. Vivre dans la peur était intolérable pour tout être vivant. La blonde se fit apaisante, ses gestes encore plus doux qu'auparavant. Plus rassurants. Ses doigts caressaient gentiemment la robe lisee de l'équidé, sentait les muscles forts et puissants. Le corps était imprégné d'une douce chaleur qui apportait réconfort. Autour de l'humaine et de la bête, une quiétude sereine régnait. Un silence d'or s'était installé, semblant respecter ce premier contact unique pour ces deux êtres. Enfin, la magie fut brisée par un claquement de porte, un hennissement, des pas. L'agitation qu'avait le milieu du centre équestre avait repris de plus belle, évidemment.

«Mlle, Favreau, vous vous occuperez de Texan Storm à l'avenir, et non pas juste pour aujourd'hui. On vous fera parvenir son dossier pour que vous puissiez mieux le connaître.»

Sur un hochement de tête, le directeur s'éloigna encore une fois.
*Particulier le monsieur*, pensa-t-elle. Mais elle se réjouit. Ce cheval serait bel et bien sous sa charge. Audrée-Maude en était fière, il faut dire. Un sourirre satisfait aux lèvres, elle reporta son attention sur Texan Storm.

«Tu vas être pris avec moi, mon beau»,

dit-elle, une nuance d'affection dans la voix.

Elle aimait déjà ce cheval et se voyait en prendre soin, le gâter, un jour le monter même. Mais pour l'instant, il était capital de gagner sa confiance avant d'imaginer la suite. Elle sortit de sa poche un morceau de bonbon à la menthe et l'offrit à son protégé. Elle vit alors un jeune homme, à peine plus jeune qu'elle, qui sortait de l'écurie. Elle l'apostropha en lui faisant signe de la main, puis le demanda.

«Pourrais-tu préparer un boxe pour Texan Storm, s'il te plaît? Tu serais vraiment gentil si tu pouvais m'apporter un sceau d'eau et une boîte de pansage. Je suis sûr que ce beau grand à soif.»

Le palefrenier aquiesça et pris congé, tandis que la Parisienne lui adressa un regard reconnaissant. Elle regarda encore une fois le cheval, qui s'agitait. Elle décida d'essayer de le faire marcer pour le désennuyer. Elle attacha la laisse après le dos de sa chaise roulante.

«Je vais te faire marcher, mais tu dois me suivre. On va essayer doucement.»