J'entrais dans un bureau assez grand mais surtout très très classe. Le bureau était en bois ainsi que toute la pièce mais le tout restait dans les tons or. Il me présenta une chaise de la main pour que je m'y assieds. Une chaise? J'aurais plutôt dû dire un fauteuil, style dix-huitième siècle, rembourré de couleur rouge et or pour l'armature. Je faisais un peu tâche avec le design vu la tenue si légère et surtout banale que je portais, j'étais comme décalée avec le style. Maître Chambert s'assit derrière le bureau sur un siège encore plus stylé que le mien. Son air était grave, il prit le premier dossier sur la pile qui était à sa droite et l'ouvrit sans que je ne puisse en voir le contenu car son fichu pot à crayons était juste dans mon champ de vision. Il le regarda pendant deux bonnes minutes ce qui eut le don de m'agacer sérieusement, même si ce n'était pas ma nature. Il jouait avec mes nerfs, j'allais d'ailleurs lui demander ce qui se passait lorsqu'il prit la parole d'un ton assez grave.

« Bien, tout d'abord je voulais vous faire part de mes condoléances. »

Attendez! Condoléances? Je le regardais lorsqu'il me dit cela, ma bouche s'ouvrait et mes yeux commencèrent à créer des larmes qui vinrent vite couler sur mon visage. Laura était... Je fondais en larmes, mettant mes mains sur ma bouche et poussant des sanglots comme je n'avais pour l'instant jamais poussé depuis la mort de Marion. J'oubliais tout ce qui était autour de moi, ma vue se brouillait, ma poitrine me faisait mal et mon coeur se serrait. Laura, ma soeur de coeur, non, pas elle... Je criais toute la peine que mon coeur sécretait dans un sanglot long et interminable. Deux mains se posèrent sur mes épaules. J'entendis à nouveau la voix de Maître Chambert même si je ne pouvais le voir.

« Vous n'étiez pas au courant? »

Il voyait bien que non, l'imbécile. Je ne lui répondis pas et continuais de sangloter. Il me tendit un premier mouchoir qui devint vite utilisé, un autre, encore un autre... je vidais sa boîte de mouchoirs. La porte s'ouvrit, j'entendis la poignée grincer mais apparemment la personne repartit aussitôt, surement la secrétaire. Dans ma tête, le nom de Laura se répétait, pourquoi fallait-il que le monde soit ainsi? Qu'il tue des gens si jeunes? Et surtout pourquoi elle? Elle, mon amie la plus proche, la personne la plus chère à mes yeux. Celle qui me les avaient ouverts sur la vie, sur l'amour, sur l'amitié, et surtout sur ce que cela vaut d'être vécu. Je prenais une grande bouffée d'oxygène et levais la tête pour voir Maître Chambert, un peu déboussolée et surtout mal à l'aise. Il ne savait pas quoi faire, penché vers moi avec une main sur mon bras et une autre sur le dossier de mon fauteuil. Mes yeux étaient encore embués par les larmes et devaient être rougis sous l'effet de celles-ci mais je me forçais un peu et réussi à lui faire non de la tête. Non, bien sur que je n'étais pas au courant, sinon je n'aurais pas craqué comme ça. Il me tendit une grosse boîte de mouchoirs, j'en pris un et la lui rendis mais il me fit signe de la garder. Il posa ses mains sur la table alors que ses doigts se croisaient, il ne parla pas, attendant que je me calme ou que je fasse le premier pas surement.
Ma respiration revenait de plus en plus à la normale alors que les questions continuaient de se bousculer dans ma tête. Laura...

A coté de ces deux jeunes femmes, se tenaient deux autres personnes. Un vieux monsieur ayant dans la soixantaine sans avoir perdu la vitalité malgré son âge. Ses cheveux gris étaient coiffés en arrière avec du gel surement et il avait une petite moustache très fine qui s'arrêtait à la commissure de ses lèvres. Il me fit un petit sourire avant de me tendre sa main.

« Moi c'est Jacques, le grand-père de la maison et surtout l'homme à tout faire... »

Laura et Marion pouffèrent de rire à côté de moi. Je les regardais, incrédule et surtout surprise par la bonne entente qui semblait régner dans cette écurie, mais surtout dans cette famille. Je serrais la main de Jacques avant de baisser les yeux et de regarder mes pieds. Le fou rire avait envahi les deux femmes et elles ne semblaient plus s'arrêter. Il était même contagieux car je me surpris à sourire moi-même alors que Jacques faisait semblant de bouder. Après avoir essuyé les débuts de larmes qui perlaient aux coin de ses yeux, Marion m'adressa à nouveau la parole.

« Tout ce qu'il sait faire c'est la cuisine...
-Et encore... »

Enchaina Laura, ce qui nous valu un autre fou rire. Finalement, je ne me sentais pas si mal ici... La quatrième et dernière personne se trouvait être un chien. Bon, j'avais dit personne car je pensais qu'ils devaient surement le considérer comme un membre de la famille. C'était un magnifique Bouvier Bernois, assez jeune peut-être six mois seulement, qui s'approcha de moi. Une tête de nounours qui me fit fondre, il jappait un peu en tournant autour de mes jambes. Je lâchais ma valise et me baissais pour lui donner une petite caresse mais tout ce que je récoltais, c'était une léchouille sur le visage. Surprise, je sentis le rire m'envahir, oubliant tout ce qui se passait autour de moi. Mes yeux étaient plantés dans ce petit regard rempli de joie, d'amour et surtout d'envie de jouer.

« Il s'appelle Samouraï mais ici tout le monde l'appelle Sam. Viens Eve, je vais te montrer ta chambre. Je suppose que tu as envie d'installer tes affaires... »

Je fis un hochement de tête et suivit Marion, Samouraï et les autres membres de la famille derrière moi.

« Comment cela est-il arrivé? »

Je venais de poser la question fatidique à Maître Chambert. J'avais quelque part besoin de savoir ce qu'il s'était passé. Je redoutais le pire, en fait, j'étais prête à m'enfuir de peur. Mais je devais affronter la réalité et assouvir cette petite curiosité qui pointait en moi. Certains de mes cheveux étaient collés sur mon visage, fixé par le sel des larmes qui commençait à durcir sur ma peau.

« Elle a eu un accident de voiture. Elle partait rendre visite à un ami, un certain Daniel Frangeois qui séjourne à l'hôpital suite à un accident. Le Taxi dans lequel elle était a voulu doubler un camion citerne sans voir qu'une autre voiture arrivait sur sa gauche. Le choc a été rude mais si le camion citerne n'avait pas transporté d'essence... eh bien... elle aurait survécu. »

J'assimilais avec difficulté toutes ces informations. Alors elle a brûlé, sur l'autoroute... Je fondais de nouveaux en larmes en repensant à mon amie, ma soeur de coeur. Les mouchoirs que m'avaient donné Maître Chambert défilaient devant mes yeux et mon nez. Une autre demi-heure passa avant que je ne me calme, la fatigue commençait à s'emparer de moi, je sentais que j'avais besoin de dormir après tout cela mais ce n'était malheureusement pas fini car je ne savais absolument pas pourquoi j'étais là. Voyant que je m'étais calmée, Maître Chambert reprit la parole, en fait je me rendais compte qu'il était très aimable parce que ça faisait presque une heure que j'étais dans son bureau à pleurer et il n'avait rien dit, il avait même surement dû repousser ses rendez-vous.

« Laura vous a laissé un, appelons ça comme ça, héritage.
-Ah bon? Elle avait un testament?
-Oui, depuis la mort de sa mère, elle était venue me voir car je m'étais moi-même occupée de ces problèmes à la mort de Marion. Surtout qu'entre les deux soeurs...
-Deux soeurs?
-Nous nous égarons Mademoiselle Montreuil. Je disais donc que Laura vous avait laissé un héritage. Il s'agit d'un poste de travail, d'une chambre et de deux chevaux dans une prestigieuse académie en Normandie. »


Alors là, c'était trop. Déjà la mort de Laura, le mystère de Maître Chambert sur les « deux soeurs » et l'héritage de Laura! Je me sentis défaillir.
Je sentais du froid sur mon front et me réveillais pour me retrouver nez à nez avec la secrétaire de Maître Chambert, enfin surtout avec ses petites lunettes. Mon premier réflex fut de me relever mais elle m'appuya sur le buste pour me faire signe de me rallonger. Où étais-je?

« Mademoiselle Montreuil, vous devez reprendre votre souffle et votre pouls normal. »

Me lança la secrétaire. J'attendis donc quelques minutes avant de me relever et de retourner dans le bureau de Maître Chambert. La pièce où j'étais auparavant était en fait la chambre de Maître Chambert m'expliqua la secrétaire, il dormait ici quand il avait trop de dossiers. Je rentrais à nouveau dans son bureau et m'assis sur le même fauteuil. Maître Chambert me regarda et me tendit un dossier.

« Tout est dedans mademoiselle Montreuil, je vous laisse le parcourir avant de me donner une réponse. Je vous ai également mis mon numéro pour que vous me contactiez en cas de besoin. Je pense qu'il est temps pour vous de rentrer vous reposer.
-Oui, je pense aussi
-Au revoir mademoiselle Montreuil.
-Au revoir Maître. »

Je sortis de son bureau, du bâtiment et entrais dans ma petite clio. Je posais le dossier sur le siège passager en ayant qu'une envie : rentrer chez moi dormir, me reposer. Je démarrais et rentrais à la maison, bien que sur la route, tout me rappelait Laura même si je tentais de l'oublier au moins pour rentrer saine et sauve... Laura...

Ben écoute, je n'ai qu'une chose à dire: M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E
J'adore, l'histoire est vachement bien. Hâte de voir la suite ^^