Sujet: TAKE THE RISK OR LOSE THE CHANCE | PV. Ven 27 Fév 2015 - 18:52
Take the risk or lose the Chance
Quand certains rêvaient de victoires, de triomphes ou de conquêtes, d’autres, plus mesurés, n’aspiraient qu’à vivre. C’était le cas de Carthago. Du moins, c’était ainsi qu’il avait vécu jusqu’à présent. S’il avait déjà tendu toute son âme et tout son être à satisfaire les excentriques demandes de son cavalier sur les pistes de concours pour jeunes chevaux en mal d’expérience, le bai n’en avait toujours pas éprouvé la sincère satisfaction, le plaisir de bien faire et de souffrir avec un être qu’il aurait su mieux que tous les autres. Formé et dressé désormais, le jeune mâle ne se développerait plus qu’en s’exerçant et en concourant, en foulant tous ces terrains parsemés d’officiels dont le regard était toujours sévère mais souvent juste, aussi. Du reste, l’on pensait sans doute que les résultats viendraient d’eux-mêmes et s’il avait été acheté, il était tenu d’en avoir. C’était ce que les gens attendaient d’un tel animal : bien né, puissant déjà et surtout, importé. Ils ne l’avaient pas acheté pour le plaisir de payer des frais colossaux de transport. Ils l’avaient acheté en nourrissant ce même espoir : celui de le voir gagner. C’était d’ailleurs pour cela qu’il avait été vendu, c’était pour cela qu’on l’avait arraché à sa terre natale, qu’on l’avait retiré de son pré qui ne se terminait jamais. On l’avait vendu parce que l’on avait pensé que l’Europe n’attendait que lui, dans une moindre mesure. Mais que valait un cheval si aucun cavalier ne parvenait à s’en faire son indéfectible allié ? Que valait un poulain champion si aucun homme ne parvenait à le faire s’épanouir entre ses doigts, dévoilant l’animal adulte ?
Si son avion s’était posé depuis bientôt plus d’une semaine, Carthago venait à peine d’arriver aux écuries, gardé jusque-là en quarantaine. Les douaniers avaient d’abord été sceptiques à son égard, se méfiant généralement de toutes marchandises qui provenaient de Russie. Son enregistrement au Stud-Book des Trakehners avait rendu son identification plus simple et finalement, il s’était vu installer dans un box assez spacieux et plutôt calme. Bien que jeune et entier, le bai avait ce caractère stable et équilibré de cheval allemand. En somme, il se comportait comme s’il était toujours de bonne humeur. Les quelques douaniers qui passaient là s’étaient habitués à lui et rapidement, il reçut carottes et caresses. Il se fit sans mal à la température plus douce de l’hexagone et au final, la semaine passa rapidement. On vint ensuite le chercher et il ne put sortir du van que de longues heures après, posant un premier sabot dans les écuries. Carthago était facile à vivre et en l’espace d’une journée, il semblait s’être acclimaté à ce qui deviendrait sa nouvelle maison. Bien sûr, il était impossible de savoir s’il pensait rester là ou s’il pensait n’être que de passage mais le résultat restait le même : il n’était plus fatigué de son voyage et il avait même besoin de sortir, de détendre son corps mis à rude épreuve pendant son voyage. Souvent, il avait redressé l’encolure en fixant l’extérieur de ses grands yeux bruns, ses naseaux se dilatant comme il respirait plus fort. Chérissait-il encore ce rêve de liberté et de longues galopades comme quand il était poulain ? Sans doute. Il n’avait pas six ans et il était sûr de lui : le monde se pliait à ses désirs et dans son innocence animale, il se rêvait roi. Ce qu’il ignorait c’était que les cavaliers confirmés des écuries avaient été invités à le sortir et ce, dans les plus brefs délais. Il fallait le remettre au travail mais surtout, il fallait le tester. De cette première sortie en découlerait la première impression qui serait capitale. Perdraient-ils déjà tout espoir ou, au contraire, leur rêve serait-il moins irréel ?
Quand le jeune homme l’avait appelé par son nom, il s’était grandi et il l’avait regardé, les oreilles en avant, intéressé. Il n’avait pas tressailli non plus quand l’étranger lui avait tendu la paume de sa main, le laissant l’effleurer de ses lèvres sombres. Le joli trakehner était resté serein sans être entreprenant ni défiant. Il l’avait laissé lui passer un licol et docile, il l’avait suivi pour sortir de son box. S’il avait vivement redressé l’encolure ce n’était que de l’excitation et de l’impatience : la voix douce de l’homme l’avait d’ailleurs rappelé au calme. Patient, il s’était laissé brosser, portant de lui-même ses sabots et ce, bien volontiers. Il avait fait claquer sa queue plusieurs fois mais plus par jeu que par méchanceté. Quand le jeune homme s’était éloigné, il était resté tranquillement là, fixant seulement l’extérieur. Ni le tapis, ni l’amortisseur ni même la selle ne le firent tressaillir. Il ne coucha jamais les oreilles et il alla jusqu’à gober son mors. Il savait bien ce qui l’attendait : l’extérieur. Equipé d’un collier de chasse, de guêtres et de cloches, son cavalier le guida vers l’extérieur pour mettre le pied à l’étrier. Ce fut à cet instant que tout changea ou que tout devint différent. Pour Carthago, sentir le poids de son cavalier ne voulait dire qu’une chose : il allait sortir, travailler et il avait hâte. Il était tout excité et c’était cela qui se sentait : son corps était contracté, il était mobile sur ses membres et son allure était précipitée, frôlant le trot. Son cavalier avait la main ferme mais douce et l’étalon ne fit pas de trop gros écart. Il marchait simplement la tête haute, perchée au bout d’une encolure droite. Il regardait tout autour de lui et si son cavalier le concentrait parfois, il avait l’intelligence de le laisser regarder un minimum.
Quelques mètres plus loin, ils arrivèrent dans une clairière. Elle était plane, verte et large : un endroit parfait pour détendre un cheval. Comme s’il comprit que les choses allaient enfin sérieusement commencer, l’animal tressaillit, ses membres se bandant sous sa peau.
Alexandre L. Leroy Admin Bloody; La plus méchante (a)
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Sujet: Re: TAKE THE RISK OR LOSE THE CHANCE | PV. Lun 4 Mai 2015 - 11:15
« TAKE THE RISK OR LOSE THE CHANCE. »
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C'était toujours la même agitation à l'arrivée d'un nouveau cheval ; tout le monde se mettait au branle-bas de combat une heure avant qu'il n'arrive. Il fallait que les écuries soient propres et rangées au cordeau. Osvald mettait un point d'honneur à faire la meilleure première impression avec l'académie, et pour ça, tout le monde était mis à contribution. Tout le monde sauf les moniteurs et moi, parce que bon, c'était tout de même les vacances, et les stages, il fallait les encadrer. Tout comme j'avais mon piquet de cavalerie à monter, qui dès le soir même s'agrandirait au moins pour deux ou trois jours, avec le nouvel arrivant. Un russe, avec des origines allemandes, qu'ici on rêvait assez bon pour aller sur le cross. Et secrètement on devait le rêver futur champion, puisqu'il deviendrait aussitôt qu'il se remettrait en selle le cheval du second moniteur, Killian. En attendant, qui s'y collait ? Jesse, comme toujours. Si celui-là pouvait éviter de m'envoyer dans une stère en cross, ça me changerait des Akhals de l'académie, tiens ! Pourvu qu'il soit un peu plus réceptif et agréable que Piazor, ça me ferait des vacances dans les vacances ! En somme, ma journée s'était déroulée comme toutes les autres pouvaient bien se dérouler habituellement. Un cheval monté avant dix heures, l'encadrement d'un stage sous le regard d'un des deux moniteurs, repas et un cheval entre midi et deux heures, stage jusque seize heures, sortie du Piazor. Une longe pour le Piazor, ça lui changeait la vie, et ça me faisait une pause dans la journée. Surtout qu'après ça, il me restait le petit nouveau à tester, et on m'avait vivement conseillé – pour ne pas dire imposé, je vais rester aimable pour une fois – de l'emmener faire un petit tour dans le cross pour voir de suite son attitude en extérieur. C'était un peu suicidaire, avec un cheval qui venait d'arriver dans la journée, mais soit. Après tout je commençais à avoir une sacrée assiette vu ce par quoi j'étais passé comme chevaux depuis mon arrivée. Piazor avait tendance à me remettre en questions quand j'étais sur son dos, et puis il y avait eu Black Dream et son satané caractère. Enfin voilà, je vous aurais bien planté le décor avant d'entrée dans le jeu.
Une fois Piazor au boxe, il n'y avait plus à tergiverser, c'était l'heure de s'occuper du petit nouveau, un dénommé Carthago, qui ne devait pas être bien loin d'ici d'ailleurs. Quelques boxes plus loin, à peine, et je me dirigeais d'un pas assuré vers le boxe, le licol sur l'épaule. En fait, c'était un sacré morceau, grand et bien fait, déjà prêt au travail efficace avec toute cette musculature déjà bien en place. Pour un six ans, il avait du être un peu plus poussé que certains dans le travail, et ça pouvait tout changer. Visiblement, c'était positif chez lui, puisqu'à peine avais-je prononcé son nom afin de le prévenir de ma présence à l'entrée du boxe qu'il s'était redressé, pointant ses deux oreilles dans ma direction. Ça changeait de ne pas être accueilli par un entier toutes dents dehors. Visiblement, celui-là était plus curieux que vicieux, et ce n'était pas un premier abord désagréable, bien au contraire même ! Maintenant, il fallait voir s'il restait positivement réceptif, et j'ouvris la porte avec un soupçon de méfiance, histoire qu'il n'essaye pas de sortir comme un diable de sa boite. Ce n'était pas le moment de le perdre, le coco. Je tirais la porte derrière moi, sans la verrouiller pour autant. Le tout était de l'inciter à rester dedans sans me coincer au cas où ça dégénérait. Premier principe de précaution dans le boxe d'un entier, et des fois avec Piapouille ce n'était pas du luxe, il avait un peu tendance à charger le doré de malheur, quand même ! Toujours est-il que la première approche se fit dans le calme, et ma paume tendue sembla intriguer l'entier qui la sentit avec intérêt, mais sans pour autant faire mine d'attaquer ou d'avancer. Bien, on lui avait inculqué un certain respect, visiblement, et c'était agréable. Il fut ensuite facile de lui enfiler le licol et de l'emmener hors du boxe, jusqu'à l'aire de pansage pour le moment déserte. Ça m'arrangeait, je ne voulais pas trop vite tester sa sociabilité avant de savoir un peu de quel bois il était fait. Il n'était pas rare d'avoir un entier très sociable avec l'humain, et très respectueux, mais pourtant intenable lorsqu'il n'était plus séparé de ses congénères par quelques barreaux de boxe.
« Good boy. »
Enfin, pour le moment tout se passait merveilleusement bien. Le pansage fut facile et calme, avec un cheval relativement serein et immobile malgré l'énergie évidente qui débordait de lui. Il en bouillonnait, et ça se voyait dans sa façon de se tenir. Au moins avait-il la délicatesse de ne pas m'envoyer valser avec toute cette énergie. Et visiblement il avait bien l'habitude d'être manipulé, puisqu'il se tenait, donnait les pieds et ne tressaillait de rien en le sellant. C'était plutôt une bonne chose pour la suite ; ça prouvait que son débourrage remontait à quelques temps déjà, et ce calme qu'il avait avant de travailler promettait qu'il n'avait pas été gâché dès le début. On en connaissait, des débourrés trop jeunes ou trop vite … Ils se manipulaient bien pour la plupart mais, ah, dès qu'on les sellait ! Ils ne tenaient plus en place, nerveux, et quand on s'asseyait dessus, c'était l'explosion d'un bâton de dynamite placé sous notre selle ! Si celui-là n'était pas de ce genre là, s'il était aussi froid et aussi franc que ce qu'il montrait, et surtout s'il savait exploiter tout son appareil locomoteur bien fait, il promettait d'être un excellent cheval, soit pour le club, soit pour le concours. Il promettait de belles choses, au moins, d'emmener nos cavaliers quelque part. C'était un ticket gagnant. Osvald avait joué à pile ou face en l'achetant sur papiers et photos à l'autre bout de l'Europe, mais il semblait avoir eu une bonne intuition. Et malgré toutes ces bonnes choses qu'il montrait, l'heure restait à la prudence. Un collier de chasse cinq points l'équipait, ainsi que des guêtres fermées et épaisses et des cloches fermées. Ce n'était pas vraiment le moment qu'il se blesse. J'enfilais finalement ma bombe, flattant son encolure et vérifiant la longueur des étriers. Pour démarrer sur le plat, ce serait parfait. Je détachais le licol de son encolure, passant les rênes au dessus de la tête pour rejoindre l'extérieur et le vieux tronçon d'arbre qui servait de montoir. Sur la théorie, j'avais la souplesse de monter sans ce montoir, sur la pratique mieux valait économiser le dos des chevaux.
Le changement fut perceptible. L'entier prit un pas vif, le dos tendu, ses pieds ferrés claquant sur le sol en rythme. Ce n'était pas de la bêtise ou de la méchanceté, à en voir son attitude curieuse, juste un peu d'empressement. Depuis quand n'avait-il pas du travailler, avec la quarantaine ? Il devait bouillonner d'énergie. Pourtant, un retour au calme s'imposait, car des enfants étaient encore dans les parages, après leur journée de stage, et le tout n'était pas de les bousculer. Je tendis donc légèrement les rênes pour prendre du contact devant, tout en bloquant un peu le dos. Le but était de l'inciter à ralentir sans devoir m'accrocher dès le départ à sa tête. Le but n'était pas non plus de me battre tout de suite avec le cheval, et puis essayer un simple petit rappel à l'ordre avant de sévir, ce n'était parfois pas de trop et assez souvent suffisant. Certains chevaux voulaient simplement donner trop et trop vite, ça n'avait généralement rien de plus méchant qu'un débordement d'énergie et de bonne volonté. Et puis, on s'habituait à tout, en montant ici … Des chevaux vifs, il y en avait, et j'en avais un à monter toute l'année alors franchement, celui-là ne me perturbait pas … Il s'agissait juste de sécurité.
Finalement, l'entrée au cross se fit dans un calme relatif, avec un cheval sur l'œil mais relativement franc, et il n'y eut pas trop de frayeurs de prime abord. En entrant dans le cross, j'ouvris légèrement les doigts, le laissant prendre son rythme au pas dans un premier temps, et le laissant observer autour de lui. Lorsque je le sentais trop distrait, je le pliais en légère flexions, ce qui permettait aussi de le mettre progressivement au travail entre temps, et surtout de bien l'assouplir. Il n'y avait aucun doute qu'après autant de voyage une petite séance sur le thème de la souplesse ne lui ferait pas de mal ! Et d'ailleurs ça n'allait pas l'empêcher de se décontracter, ces petits exercices, bien au contraire même ! C'était généralement un bon moyen d'établir une tension avec un cheval suffisamment réceptif, et entre temps ça ne l'empêchait pas trop de regarder tout le cross autour de lui. Il fallait le dire, il y avait des obstacles sacrément impressionnants pour un cheval n'y étant pas habitué ! Mais dans l'ensemble, le terrain était plutôt droit, avec une très large parcelle d'herbe à l'entrée servant à la détente sur le plat. Dans un premier temps, nous restâmes juste là, pour dire de voir un peu le comportement de l'entier. Après une bonne période de pas pour le concentrer et le décontracter, à l'aide d'un appel de langue et d'une pression de mollets – plus ne serait pas nécessaire, normalement, vu l'énergie que je sentais en dessous – je demandais le trot, pour continuer l'échauffement sur des petits exercices faciles et peu contraignants. Maintenant, ce qu'il lui fallait c'était du calme et de la décontraction, et tout irait pour le mieux pour nous deux.
Jesse ҩ Carthago
CODE BY AMIANTE
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Sujet: Re: TAKE THE RISK OR LOSE THE CHANCE | PV. Ven 8 Mai 2015 - 19:55
Take the risk or lose the Chance
Ce n’était rien d’autre qu’une brise fraîche qui soulevait ses crins noirs. Ce n’était rien mais c’était toutes les odeurs de cet endroit qu’il ne connaissait pas. C’était ce paysage étranger, cet inconnu sur son dos. C’était un nouveau terrain de jeu qui s’offrait à lui. Mais comment l’aborder ? Devait-il galoper les naseaux dans le vent et l’encolure bien droite ? Devait-il rester là, immobile et patient ? Carthago était encore bien jeune et son corps puissant ne lui demandait que de l’espace. Il avait besoin d’aller de l’avant et de se retrouver. Il avait besoin de se rappeler d’au moins une chose pour être serein. Avait-il changé, lui aussi ? Les naseaux dilatés il respirait bruyamment. Il laissait ses jolis yeux noirs courir sur le terrain. Pensait-il à sa sainte Russie ? Pensait-il à ses copains de pré qu’il ne reverrait plus ? De nouveau le mâle tressaillit. Il se regroupa, ses muscles se gonflant. L’encolure toujours haute il poussa un hennissement rauque. Appelait-il des souvenirs ? Son cavalier semblait savoir ce qu’il faisait et il le laissa trouver son rythme. Marcher. Simplement marcher. Mais que voulait son cavalier ? Qu’il aille vite ? Lentement ? L’homme, sur son dos, lui laissa du mou. Le bai renâcla, un peu perdu. Tâtonnant d’abord il laissa entrevoir quelque chose d’irrégulier et d’assez laid. Il ne savait plus vraiment où donner de la tête. Fut-ce le souvenir de l’homme qui l’avait entraîné ? L’étalon usa enfin de toute sa puissance et de toute son amplitude. Il se mit à marcher d’un pas décidé et qui n’avait plus rien de précipité. Ses postérieurs venaient sous ses hanches, soulevant ce corps dans des gestes sûrs et d’une puissance reine. Le jeunot respirait la santé et la force. Lui avait-on appris à les gérer et à en faire profiter son cavalier ? Peu à peu, il baissa l’encolure, prenant une attitude normale. Il se mit même à chercher du contact. Il avait besoin de sentir la main, il avait besoin d’être sûr que là-haut se trouvait vraiment quelqu’un.
Un claquement de langue, une pression de mollet. Auquel de ces deux ordres avait-il répondu en premier ? Pour l’heure, cela n’avait pas vraiment d’importance. D’entrée il se montra généreux : sans être davantage stimulé il s’engageait, cherchant encore cette main et arrondissant son encolure qui allait en s’épaississant. Il n’était pas encore tout à fait sur la main rompant parfois le contact pour regarder un obstacle qui le défiait. Il tâtonnait encore, il venait se poser puis il s’en allait. Ses membres faisaient pourtant le travail et ils prirent rapidement de la vitesse. Rien d’affolant : le mâle avait simplement une belle action. Les mains de son cavalier commencèrent alors à dialoguer. Elles lui demandaient ces mouvements d’encolure, ces flexions qui pourraient emporter, peut-être, les épaules. Il n’était pas rétif mais il n’était pas encore en confiance alors il mit un peu de temps à se décontracter et à se laisser faire. Il croqua son mors, il posa sa tête, il poussa plus fort sur ses postérieurs et il obtempéra. Carthago n’avait jamais été un étalon furieux. Toujours volontaire il avait appris dans l’intelligence et la justesse. Son éleveur puis son cavalier l’avaient félicité quand il avait bien travaillé. Ils n’avaient pas passé des heures avec lui à le dorloter comme un petit animal de compagnie. Il avait été mis au pré, il avait dormi sous une neige épaisse et dans la nuit froide. Il avait entendu les hurlements étranges des bêtes nocturnes et parfois, il avait eu peur. Il avait eu peur mais il avait toujours trouvé à s’assoupir et le matin, on était toujours venu le chercher. Pourquoi craindre les hommes s’ils étaient bons ? Pourquoi se battre quand il n’avait jamais manqué de rien ?
Son cavalier le sollicitait encore peu et il le laissait surtout s’approprier l’endroit. Si parfois le mâle était regardant il n’hésita jamais à passer à côté d’un obstacle. Il avançait toujours et il s’efforçait de conserver le même rythme. Parfois sa queue fouetter l’air chaud avant de s’abattre sur sa croupe. Il redressait ensuite sa tête, avisant un saut puis il se calmait. Il s’ouvrait peu à peu et il se détendait. Il semblait malléable et enclin au travail. Il semblait attendre, aussi.