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 « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez

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Alexandre L. Leroy
Alexandre L. Leroy
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« C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Vide
MessageSujet: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:36

Laszlo Manúel Súarez

« C'est ton regard croisant le mien, nous deux au milieu du chemin ♫ »

Bonjour! Je m'appelle Laszlo mais mes amis me surnomment Laz. Je suis né à Céret, dans le sud de la France, à proximité de la frontière espagnole le 5 janvier et de ce fait j'ai donc 22 ans. Côté cœur, je suis célibataire et mon orientation sexuelle est hétérosexuelle. Je suis artisan ébéniste et vous devez savoir que j'ai fait partie de la troupe d'un cirque qui a brûlé dans un incendie criminel. Je suis à Horse Beautiful pour m'éclater et je recherche un cheval qui aura la patience de m'apprendre l'équitation. On dit souvent que je ressemble à Kendji Girac et je remercie Tumblr pour les photos.

••••••••••

On peut aisément décrire Laszlo comme quelqu'un de réservé. Il ne parle jamais pour ne rien dire, même s'il prend part aux conversations auxquelles on le convie sans se faire prier. Il n'aime pas s'imposer dans une conversation, mais n'est pas le moins du monde sauvage. Il est un peu timide, tout au plus, et parfois un peu gauche dans ce qu'il dit, mais il est toujours franc. Le respect qu'il a pour la gente féminine l'a toujours poussé à ne pas s'amuser avec elles, car, loin d'être bête, il sait qu'il a un charme qui plaît aux filles qu'il a côtoyé toute sa jeunesse. Gitan et fils de gitans, il a toujours cherché à privilégier les liens familiaux forts, ce qui le rend protecteur et parfois un peu pot de colle version adorable et super attachant, mais c'est aujourd'hui l'absence de sa famille qui le rend parfois un peu hagard lorsqu'il croise des familles sur sa route. Ce qui ne l'empêche pas d'être un « brave type ». Il est droit et loyal. Il n'a qu'une parole et est incapable de trahir les personnes qui l'entourent d'assez près, car il sait que la culpabilité le tuerait à petit feu. Comme beaucoup de ceux de sa grande famille, il aime les fêtes au coin du feu, celles où toute la famille – et elle est grande, la famille ! – se réunit. Il a appris la danse et la guitare au coin de ces feux, et c'est pour lui une façon de s'exprimer différemment. Il s'en sert comme d'un exutoire à des sentiments trop forts pour qu'il les garde, trop dangereux pour qu'il les exprime clairement. Il chante aussi, un peu, mais ne s'estime pas suffisamment bon pour le faire en public. Seuls quelques élus ont entendu sa voix, et d'après lui, c'est très bien ainsi. Laszlo est donc le portrait type du jeune homme agréable à côtoyer, car il est aussi naturellement posé et patient, même s'il est jeune et donc qu'il n'a pas toujours les deux pieds bien ancrés sur terre. Il est vif, d'esprit et d'action, mais il a de la patience et du calme. Il a déjà quelque chose des plus grands, dans cette façon qu'il a parfois de s'arrêter dans ce qu'il fait, de s'asseoir deux minutes pour réfléchir à la meilleure des solutions à un problème. À côté de ces airs parfaitement calme, il peut aussi se montrer explosif. Car Laz est quelqu'un de posé, réfléchi, respectueux, patient, mais il a des limites, qu'il vaut mieux ne pas dépasser, car il risquerait fortement d'exploser. Et ces explosions se manifestent chaque fois différemment, selon le contexte. Il peut aussi bien avoir un coup de gueule qu'envoyer son poing dans la figure d'une personne en face de lui, dans des cas extrêmes. Plus modérément, il pourrait bien tout laisser en plan et disparaître sans un mot, avec une simple pique un peu violente qu'il n'aurait jamais eu en temps normal, claquer une porte, assassiner quelqu'un du regard. Déjà, vous ne le verriez pas réapparaître tant qu'il ne l'aurait pas décidé. Et en plus, il serait bien capable de ne plus vous décrocher un seul mot avant les calendes grecques... Pas pratique du tout, la situation. Mais il n'est pas foncièrement rancunier, et une fois les choses éclaircies, la pression pourrait redescendre petit à petit. Mais pas en deux secondes, car il a quand même du caractère. Et d'ailleurs, vu la détermination naturelle qu'il a, si jamais vous comptez le faire plier, vous pouvez toujours y aller, à moins de vous appeler Eden, car elle est capable d'en faire ce qu'elle veut, ce qui n'est pas donné à tout le monde, même si ce jeune homme est d'un naturel serviable, mais pas du tout naïf au point de se laisser mener par le bout du nez. Ou alors il faudrait être capable d'une belle manipulation assez discrète, parce qu'il n'est pas non plus le plus méfiant du monde. Par contre il est relativement anxieux, pour un tas de petites choses, à divers degrés. Bon, il n'y a pas de quoi en faire un plat, il ne s'en rend pas malade, mais cette anxiété le pousse à se poser vingt mille questions avant de passer à l'action pour quelque chose qui le stresserait. Par contre, il fait toujours face à cette anxiété, et avec beaucoup de courage. D'ailleurs, pour se mettre au trapèze quand on n'est pas de ce monde-là, il en faut, du courage, et du sang froid, aussi.


Bonjour! Je suis Blood' et j'ai mon âge. J'ai connu le forum par un chemin menant à Rome et je dois dire que je le trouve horrible, c'est pour ça que je signe le numéro 20 de substitution de mon équipe de malades mentaux. Je serais présente 7j/7. Je dois dire queneque ego homines magis asinos. Sinon, je suis désolée de ne pas me servir de la fiche de présentation, mais l'histoire ne passait pas en un seul post, doooooonc j'ai un soupçon adapté à ma façon « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734. Pour finir, le code du règlement est DU LATIIIIIIIIIIIIN !

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Alexandre L. Leroy
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:36


This is my story

« Gitano ♫ »

C'était un hiver rude et froid, même pour le sud de la France dans lequel la famille s'était installée. Ils se mêlaient tous autour du feu, lorsque la nuit tombait, et cela assez tôt vu la période. Enfants, adolescents, jeunes adultes, adultes en pleine force de l'âge, anciens. C'était plus une tradition qu'une habitude, désormais, et on s'échangeait les nouvelles et les anecdotes de la journée autour d'un grand brasero qui leur permettait d'être tous ensembles et de se réchauffer. Tous avaient une part du même sang qui coulait dans leurs veines, et les liens, comme dans toutes les familles de ce genre, étaient très soudés. C'est pour cette raison que, le soir du cinq janvier, autour du brasero, il y avait un sujet de conversation récurrent : l'enfant cadet de Francesco et Madja, né dans l'après-midi, était un garçon. Madja était originaire d'une famille du Nord, et s'était mariée à Francesco quatre ans plus tôt. Francesco, lui, avait grandi au sein de cette grande famille qui se réunissait chaque soir autour du brasier. Ce soir, c'était un véritable feu de joie qui éclatait, à la faveur de Laszlo, deuxième enfant d'un jeune couple heureux. Il était tout ce qu'il y a de plus banal, bébé. Il avait la peau légèrement basanée de ses parents, de grands yeux sombres et pétillants de vie, un sourire à croquer. Il gazouillait quand on s'occupait de lui et n'était pas franchement pleurnichard, même s'il savait se faire entendre. Non, il ne râlait pas... Il s'exprimait, à sa façon un peu véhémente, dira-t-on. Il n'a pas toujours été un bébé facile à vivre, et il a causé pas mal de nuits blanches à ses parents, ce qui avait le don de prodigieusement taper sur les nerfs de son père, voire de son frère aîné qui, à trois ans, voyait très mal l'incursion d'un bébé crieur dans sa petite vie bien rangée de petit garçon gâté. Il avait perdu un peu de son importance, et ses parents avaient moins de temps à lui consacrer. Ils étaient deux, et il fallait leur partager tant le temps que l'affection, et ça ne plaisait pas du tout à Lorenzo.

Dans ses premières années, le petit Laszlo s'est rapidement montré curieux, téméraire, vif. Il courait partout et était bien connu pour ses petites facéties jamais méchantes. Il n'était pas un mauvais garnement qui troublait l'ordre, disons juste qu'il mettait une ambiance bien à lui dans le campement. Il était plutôt apprécié par les anciens, qui aimaient bien lui raconter leur jeunesse, leurs exploits, comment c'était avant, les lieux qu'ils avaient croisé. Et lui, en retour, adorait écouter leurs histoires, qu'il gardait précieusement en tête, des étoiles plein les yeux en s'imaginant plus ou moins leur vie, qui serait aussi sa vie. Même tout petit, il ne voyait pas sa vie autrement que parmi sa famille. C'était normal, à la petite enfance, tout est joli, tout est parfait, nous en conviendrons. Mais plus le jeune garçon grandissait, plus c'était ancré en lui. De petit garçon turbulent aux joues rondes, il devient un garçon plus fin, très mignon. Il avait aux alentours de six ans quand ses traits commencèrent tout doucement à se dégrossir de ceux d'un bébé pataud, laissant présumer de belles choses chez lui. Il avait un sourire lumineux avec une dentition droite, un regard plein de malice qui lui allait à merveilles, la peau mate, des cheveux sombres et raides. Il y avait quelque chose qui le rendait avenant dans son expression douce. Que ce soit au sein de sa grande famille ou à l'école qu'il ne fréquentait que par obligation et de manière assez peu régulière, Laz n'avait aucun mal à aller vers les autres pour leur parler, jouer avec eux, créer des liens. Il n'avait pas d'affinités particulière, garçons ou filles étaient des camarades de jeu tous désignés pour lui, d'un naturel absolument vivace et ouvert aux autres. Quand on est un petit enfant, il n'y a que la différence, la vraie, qui fait peur.

C'est une scolarité plutôt difficile que suivait le jeune garçon, qui n'avait pas vraiment l'école dans le sang, il faut le dire. Il était plutôt dissipé, le peu qu'il suivait les cours, et puis, en grandissant, il avait commencé à être montré du doigt par ceux que son père appelait « les bons français bien blancs ». Il n'a compris que plus tard que son accent chantant du Sud, les mots d'Espagne qui lui échappaient parfois et sa peau tannée par le soleil étaient cette différence que l'on pointait du doigt et qui l'éloignaient des autres français à la peau clair. On le regardait plutôt de travers, on le traitait de voleur, ceux qui n'étaient pas des siens l'évitaient. Il se referma donc sur lui-même et n'alla plus vraiment vers les autres, ce sentiment de rejet l'ayant blessé. Et c'est en partie pour cette raison qu'il n'aimait pas l'école. C'est aussi cette période où il a été mis à l'écart tout en essayant de rentrer dans un moule où il ne se sentait pas à sa place qui l'a rendu timide et plus réservé. Il n'allait plus vers les autres, attendant plutôt qu'on vienne à lui. Ça lui évitait de prendre des vestes dans le nez. Il se sentait moins ridicule. Entre voyage et scolarité, ce n'est que l'intelligence et l'ouverture d'esprit de Laszlo qui lui a permis de garder les pieds sur terre. Son père tenait à ce que ses deux fils fassent un peu d'études, parce qu'ils étaient français et y avaient le droit, et puis, parce qu'il le savait bien, leur père. Ils étaient pointés du doigt, traités de voleur, et faire les petits boulots dans les jardins des gens, ça ne suffisait pas vraiment à entretenir une famille. Alors lui, qui n'avait pas de diplôme et voyait sa femme se crever à la tâche pour qu'ils mangent tous les quatre, en plus de son revenu de jardinier – et un peu touche à tout si ça permettait d'avoir de l'argent –, il voulait que ses fils, eux, aient un diplôme, qui leur permettrait peut-être de trouver un métier mieux rémunéré. Il les envoyait donc à l'école, puis au collège, et il les poussait surtout à suivre leurs rêves... Tout en restant au sein de la famille.

Et pour Laszlo, rester au sein de la famille n'était pas une idée en l'air. Il ne voyait pas sa vie  autrement. Il était gitan, et il revendiquait ses couleurs et ses origines avec toute la fierté dont il était capable. Contrairement à son frère, qui passait le plus clair de son temps à se heurter à tout le monde, parce que lui reniait ses origines. Il rêvait de travailler dans une banque, de s'installer à Paris, tout au centre de la capitale, dans une de ces studios que l'on voit à la télévision, de ceux qui n'ont jamais l'air de vivre, trop parfaitement rangés et dépoussiérés pour que quelqu'un y ait passé ne serait-ce qu'une heure en train de lire un livre ou n'y ait fait cuire une fois des pâtes. Son attitude hérissait Laz, et ils se heurtaient tous les jours. C'était souvent des paroles violentes entre eux, et ils se déchiraient, sous l'œil impuissant de leurs parents qui se demandaient ce qu'ils avaient raté dans l'éducation de l'aîné pour qu'il n'accepte pas leur vie, qui était parfaite telle qu'elle l'était. Ils n'étaient pas miséreux, loin de là. Ce n'était pas le luxe et le trop qu'ils voyaient dans les maisons des villes qu'ils croisaient, certes, mais ils mangeaient à leur faim, ils vivaient dans des conditions confortables, ils avaient toujours des vêtements propres à se mettre. On ne pouvait pas franchement rêver mieux. En tous cas, Laz était gitan et totalement fier de l'être. Et comme tout bon gitan ayant la fête dans la peau, il apprit tôt à jouer de la guitare, tout comme ses pairs. Il fallait dire qu'il préférait la musique à la danse, même s'il connaissait la danse aussi, par nécessité. Il était plutôt doué avec sa guitare, il faut le dire. Mais il n'estimait pas avoir hérité de la voix douce et caressante de sa mère, ni de la voix puissante et entraînante de son père. Pour faire simple, il se trouvait juste trop mauvais pour chanter. Alors, souvent, il s'absorbait dans les notes qu'il jouait pour ne pas avoir à chanter, autour du traditionnel brasier nocturne, et ça prenait plutôt bien. Lorsqu'il était seul, parfois, il chantait un peu, mais il se sentait généralement plutôt mal après ce genre d'expérience, avec une vue pessimiste de sa capacité. Alors, il n'y avait eu qu'une poignée d'élus pour l'entendre chanter, et c'était rarement par son propre choix, il se faisait plutôt prendre la main dans le sac. On ne lui avait jamais rien dit, et il estimait que c'était mieux ainsi. Il n'avait pas vraiment envie qu'on lui rabâche ses défauts et ses échecs.

Laszlo, vers quatorze ans, avait presque pris le caractère qu'il a aujourd'hui, à vingt-deux ans. En plus impulsif, bien évidemment, et en plus enfant. Mais il était loin d'être bête et il avait les pieds sur terre la plupart du temps. Il repensait souvent à ce que son père lui avait dit. Il lui faudrait un diplôme, pour trouver un métier qui lui permettrait de subvenir aux besoin d'une famille. Il lui faudrait un métier qui lui permettrait de continuer à suivre sa voie de gitan. Il lui faudrait un métier qui le passionnerait assez pour qu'il y consacre sa vie sans que la contrainte ne l'écrase, car il voyait son père partir pour le bagne chaque jour, il voyait sa mère obligée de travailler dans des ménages qui l'épuisaient. Ça, il n'en voulait sous aucun prétexte. Alors il avait réfléchi, à la fois beaucoup et longtemps. Qu'est-ce qu'il aimait ? Les travaux manuels, qui lui demandaient de la maîtrise et de la concentration. Pouvoir être dehors plutôt qu'enfermé dans un stupide bureau. Les métiers anciens, qu'il avait vu dans des livres ou dans des visites scolaires, l'avaient toujours fasciné. Il se lancerait bien comme artisan. Ça lui plairait bien, artisan. C'était dans ses cordes. Il savait se servir de ses mains, il apprenait mieux sur le terrain que dans les livres. Bon, de là, qu'est-ce qui pourrait lui permettre de suivre sa famille ? Il avait pensé à un tas de choses, pesé les pour et les contre, établi des listes de choses envisageables, éjecté des idées trop compliqués, trop peu attrayantes, qui demandaient du matériel en trop grande quantité ou encore une localisation géographique stable, un atelier fixe. Ensuite, quand il n'eut plus qu'une liste restreinte, il réfléchit à comment il se voyait, dans des années. Certains métiers lui semblaient trop éreintants pour qu'il les continue longuement. Il ne s'imaginait pas à la retraite. Il n'était pas vraiment fixé, en arrivant tant bien que mal en troisième, mais il avait déjà moins de pistes à suivre.

Il était finalement en troisième, et il lui fallait faire un stage dans le monde professionnel. Il fit des démarches auprès de toutes les entreprises de taille respectable autour de chez lui, sans résultats. On n'en voulait pas. Il se tourna alors vers les petites boutiques, les entreprises toutes petites. On n'en voulait pas. Ce n'était pas bien difficile de savoir pourquoi. On le regardait toujours à deux fois avant de lui dire qu'on ne prenait pas de stagiaires. Il ne lui restait plus vraiment de choix, parce qu'il ne pouvait se déplacer qu'à une distance restreinte de son foyer. Alors il postula dans les boulangeries, les petites épiceries. Rien. Il commençait à désespérer et à se dire qu'il prendrait n'importe quel stage, juste pour ne pas rester sur un échec. C'est sans vraiment y croire qu'il poussa la porte d'un artisan, dans la cinquantaine au moins. Il était artisan ébéniste. La boutique sentait bon la sciure, et comme l'ancien. Ça avait quelque chose d'apaisant, de rassurant. Laszlo postula sans vraiment y croire, expliquant ses motivations ; s'il ne trouvait pas de stage, les autres le pointeraient encore du doigt en disant que le voleur n'avait que ce qu'il méritait ; qu'on ne lui fasse pas confiance. Il montra une détermination farouche. Le vieil homme le considéra un moment en fumant sa cigarette, devant sa boutique. Il posa ses conditions. Il faudrait être ponctuel, le matin. Ne pas compter les heures, même si elles dépassaient celles prévues par la convention de stage. Il faudrait aussi que Laszlo aide, à la vente ou à la fabrication, même s'il n'était censé qu'observer. Ce n'était pas ce qui rebutait le jeune gitan, qui accepta sans réfléchir. Il avait un stage, voilà ce qui comptait pour lui. C'est lors de ce stage que le déclic lui vint. En trois jours, il apprit beaucoup. Enfin, il n'apprit pas tant sur la technique même, mais il apprit beaucoup sur ce métier de passion, et sur la passion même. L'ébéniste connaissait et travaillait le bois, pour lui donner la vie, pour le façonner et le formater, pour lui donner une utilité. Il y avait dans ce métier quelque chose de noble, car le bois pouvait être un matériau ingrat et rebelle, mais la patience avait toujours raison des nœuds et des lignes dans la fibre. Le vieil homme était avare de paroles, et son regard azur était souvent glacé ou entre deux eaux, de sorte que Laz ne savait jamais vraiment s'il commettait une erreur ou non, puisqu'il ne le reprenait jamais. Ce qui rendait un peu gauche le jeune gitan, sans pour autant faire retomber sa détermination ; il voulait que son maître de stage ait une bonne impression de lui, qu'il ne regrette pas d'avoir donné sa chance à un gitan sorti de nulle part. Ainsi, à la fin du stage, il fallut remplir le rapport. Le vieil homme demanda à son élève de venir avec lui dans le bureau, le temps qu'il remplirait la feuille, pour que le jeune homme ne se sente pas lésé par certains commentaires. Pourtant, les commentaires se voulaient élogieux. Déterminé. Volontaire. Apprends vite. Se trompe peu. Ponctuel. Attitude réceptive. Aptitudes pour le métier. Respectueux. Quant au ressenti de Laz... Ce stage lui avait plu. Le métier aussi, et il faisait partie de ceux qu'il avait envisagés. Il y avait un truc, un déclic, c'était ce qu'il voulait faire, ça lui permettrait de continuer de voyager, il pourrait monter son petit commerce en itinérant, ça payerait au moins assez pour vivre. Il ne se lèverait pas pour partir au bagne, il se lèverait avec le sourire.

Lorsqu'il parla avec ses parents de sa volonté de faire un CAP une fois qu'il aurait le Brevet des Collèges, son père fut incrédule. Alors comme ça, maintenant, il n'était plus réfractaire à l'idée d'avoir un diplôme ? Soit, c'était très bien ! Ce qui, pour ses parents, était moins bien, c'était qu'il lui faudrait un maître de stage, une école fixe. Il ne voyagerait plus pendant deux ans. Et ça, pour des gitans, c'était intolérable. Ça plus le fait que son frère ait fait ses valises pour partir vivre dans un deux pièces à la ville pour vivre une vie normale, avec une femme, deux enfants, métro-boulot-dodo dans son bureau avec son appartement trop rangé, ça fit comme une rupture entre Laszlo et ses parents. Ce qui ne l'empêchait pas de persévérer. Il resterait deux ans en place, sans empêcher sa famille de voyager. Ils garderaient le contact. Lorsqu'il serait diplômé, il les rejoindrait, aurait tout le loisir de tomber amoureux, de se marier, d'avoir des enfants, de continuer sa vie d'avant. Avec sa famille. Il ne voyait là rien d'impossible. Ses parents l'aimaient, après tout, non ? Il ne les trahissait pas. Il ne trahissait personne. Il ne renonçait pas à sa vie, à sa couleur, à sa nation. Il suivait juste l'étoile d'un rêve, un moment... Ce n'était pas une trahison, non, rien de plus qu'un détour sur son chemin, avant que ses pas ne croisent de nouveau les leurs sur un même chemin, dans une même direction. Le débat ne revient pas souvent. Madja estimait que Laszlo avait le droit de suivre le chemin qu'il voulait, même si ça voulait dire le perdre. Francesco ne le considérait déjà plus comme digne de la famille qui l'entourait s'il ne repartait pas avec eux. Mais avant tout, il faudrait que leur fils obtienne le Brevet et soit accepté au sein d'une formation, et qu'il trouve un maître de stage. Ça faisait pas mal de choses qui rendaient l'exploit visiblement impossible à leurs yeux. Ce qui n'empêcha pas le miracle de se produire. Même au ras des pâquerettes, Laz obtint le Brevet et grâce à l'appui du vieil homme qui l'avait pris en stage dans l'année, la formation en CAP lui fut possible. Le gitan ne pouvait pas rêver de mieux, même si ses parents avaient mis en mur entre eux et lui. Il avait un maître d'apprentissage. Il allait devenir apprenti, et apprendre un métier qui le passionnait autant qu'il le fascinait. Ses parents accepteraient mieux dans deux ans, lorsqu'il leur reviendrait, en leur prouvant qu'il n'avait jamais voulu renier son sang, ses racines ; son cœur tout entier appartenait à sa grande famille, et il le laisserait s'envoler à eux chaque soir autour du brasero.

Il avait quinze ans, et voilà qu'il se déracinait de sa forêt. Il était comme un arbre perdu au milieu de la ville, même s'il pouvait compter sur l'appui de son maître de stage. Ses bagages se réduisaient à peu. Il avait peu de choses lui appartenant, mais c'était suffisant. Ses économies, ses vêtements, quelques bibelots offerts pour ses anniversaires. Il y avait aussi un gros plaid à motifs écossais, vert, bleu, blanc, une pointe de rouge. C'était peut-être stupide pour quelqu'un d'étranger, mais pour le jeune homme, il y avait une véritable histoire accrochée à ce plaid, qui lui rappelait d'où il venait. Il s'enroulait dedans, lors des soirées d'hiver, lorsque le feu peinait à réchauffer les courageux venus s'échanger les traditionnelles nouvelles de la journée. Pour lui, ce plaid sentirait toujours le feu. Il se souvenait que c'était un vieil oncle du côté de son père qui le lui avait offert lorsqu'il était tout petit. Alors ce n'était peut-être qu'une couverture d'un autre temps pour certains, mais pour lui, c'était le rappel de la maison. Parce que maintenant, la maison était très loin. Il vivait au dessus de la boutique du vieil ébéniste, seul. C'était petit et ça le dépaysait, mais c'était propre et douillé, et il était bien capable s'occuper un peu de lui. Surtout qu'il n'était pas lâché dans la nature, le vieil homme veillait régulièrement à ce qu'il ait de quoi faire dans son frigo, de quoi s'habiller, de quoi s'occuper. La formation d'artisan durait deux ans. Ces deux ans furent intenses, pour le jeune gitan, et plutôt éprouvants. Le fait de vivre loin de sa famille le rongeait, surtout que les nouvelles se faisaient rares. Il avait complètement perdu son frère, dont leurs parents ne lui donnaient jamais de nouvelles. Son père se faisait distant, sa mère ne s'interposait plus. C'était une déchirure profonde pour un garçon de quinze ans qui n'avaient jamais vécu qu'à travers sa famille et pour sa famille. Pas une minute dans sa vie il n'avait pu imaginer qu'une telle situation puisse arriver. C'était inconcevable. Les liens du sang... Ils étaient puissants ! Ils étaient tout ! Comment pouvaient-ils se réduire à si peu en si peu de temps ? Et puis, c'était son père qui l'avait poussé à suivre ses rêves et à trouver un métier ! Pourquoi le blâmait-il aujourd'hui de cette obéissance ? S'il avait du s'arrêter à cette peine, Laszlo n'aurait jamais pu se concentrer sur son nouveau métier. Alors, il s'était concentré sur ce qu'il commençait à apprendre, s'y enfermant totalement. Il apprenait vite et bien, il avait assez de réflexion pour comprendre facilement ce que l'on attendait de lui. Il était studieux, appliqué, passionné, et cela donnait matière à sourire à son vieux maître, qui voyait dans ce bouillonnement de jeunesse et de détermination un peu de celui qu'il avait été.

Une complicité dans le travail s'installa entre le maître et son apprenti. Laz prenait des automatismes assez facilement. Il travaillait rapidement et efficacement, sans dénaturer le produit. Certes, il commit bon nombre d'erreurs dans sa formation, et ses mains d'enfant devinrent rapidement des mains fortes d'homme, tannées à la paume par les mouvements répétitifs, ornées de petites cicatrices blanchâtres et discrètes aux index et aux pouces, à cause de dérapages. Ses mains avaient vécu et s'étaient marquées, mais elles étaient fiables, fortes, habiles, et on ne voyait pas d'abord les marques qu'avaient laissé les erreurs. On voyait leur force, gagnée par les réussites et les gestes précis et maîtrisés. En deux ans, il y avait eu des victoires et des échecs, et il lui restait à apprendre car chaque part de bois était unique et son métier lui réserverait toujours des surprises, mais il connaissait les technique théoriques et mises en pratique. Il les connaissait scolairement, et petit à petit, avec sa propre expérience, il se forgerait ses petites techniques personnelles. En attendant, il avait dix-sept ans, et il était ébéniste, diplômé du CAP. Comme il se l'était promis, il voulait reprendre sa vie. Il étouffait dans le petit studio, au dessus de la boutique. Et si son vieux maître, devenu un véritable mentor et comme un membre de la famille à sa manière, avec le temps, lui avait proposé un contrat, pour, au jour de la retraite, céder la boutique toute entière à son jeune et talentueux apprenti, ce dernier avait refusé. C'était un gitan, et il voulait vivre sa vie ainsi. Il voulait rejoindre sa famille, ses parents. Son destin était tout tracé. Il trouverait une fille bien, qu'il aimerait de tout son cœur, il se marierait, et il ferait vivre sa famille de son artisanat. Il partait néanmoins avec de bons souvenirs dans cette boutique, et ce n'était pas sans chagrin. Pourtant, il lui avait fallu faire un choix, et il n'avait pas hésité une seconde. Sa vie, ce n'était pas ça. Ça lui avait plu deux ans, certes, mais aujourd'hui, il fallait qu'il retourne de l'avant, vraiment. Il fallait qu'il retrouve les siens, desquels il avait été éloigné beaucoup trop longtemps. Alors, il avait refait ses bagages, emportant en plus avec lui ce qui lui était nécessaire pour travailler. Ses bagages s'étaient considérablement agrandis avec cette formation, mais les incontournables étaient toujours là. Son vieux plaid qu'il avait tant chéri pour se rappeler les soirées autour du feu, sa guitare dont il s'était servi pour ne pas trop avoir le mal du pays. Ses habits, ses bibelots, quelques livres en plus. Ce n'était pas sans un regard en arrière qu'il partait, mais son regard vers l'avant était beaucoup plus important, et il l'emmenait vers son futur.

Laszlo mit quelques jours à rejoindre sa famille. Il n'avait pas le permis de conduire, pas trop les moyens de se payer le train, pas la confiance de faire du stop. Le chemin s'était donc fait un peu en train, en peu en bus de grand voyage, un peu à pieds, ce qui avait été assez long, pour traverser le pays de cette façon. Mais rien n'était de trop pour retrouver les siens. C'est finalement épuisé et affamé qu'il pénétra dans l'enceinte créée de toute pièce qu'il connaissait si bien. Les choses ne changeaient pas vraiment. C'était toujours les même qui s'installaient au même endroit. Un peu comme une ancienne mécanique bien rodée. Si bien rodée qu'il ne viendrait à l'idée de personne de la modifier. Ça serait se donner du tracas pour aucune utilité pratique. Et il pouvait se repérer facilement, grâce à cette absence de changement. C'était le plein jour, et il n'y avait pas grand monde qui traînait. Les anciens devaient être ensembles quelque part, c'était comme ça qu'ils faisaient toujours. Ceux qui n'allaient pas à l'école devaient jouer sur l'espace libre du terrain, au foot ou à chat, tout dépendrait de ce qu'ils auraient à disposition. Si rien n'avait changeait, alors ses parents devraient loger quelque part par là... Ses bagages commençaient à peser sur ses épaules et dans ses mains, et il s'engagea avec un soulagement intense dans l'allée formée dans le bivouac, qui mènerait directement chez lui. Il avait toujours grandi là, il connaissait le plan par cœur. Rien ne lui échappait. En route, il croisa des femmes qu'il connaissait, des amies de sa mère, qu'il salua avec gaieté. En retour, il n'eut le droit qu'à des regards par en dessous et pas un mot. Il respira un grand coup, et frappa à la porte de chez lui. Il ne savait pas si sa mère ou son père seraient là, mais il ne doutait pas un seul instant qu'il serait accueilli à bras ouverts. Certes, il les avait quitté longtemps, mais il avait juré de revenir, et il l'avait désormais fait. Il n'avait pas trahi sa promesse, et de toute façon, il en aurait été incapable. Son cœur explosait de joie à cet instant, ne laissant pas de place à l'angoisse. Pourtant, l'angoisse, il l'avait ressentie, pendant deux ans. Elle s'était insinuée en lui, elle ne l'avait pas quitté, se transformant pour recouvrir presque tout de lui. Tous ses choix avaient été entourés d'une manière ou d'une autre par l'angoisse. Et enfin, la porte de chez lui s'ouvrit sur sa mère, aux traits tirés par la fatigue. Il vit plusieurs expressions passer sur son visage. Tout d'abord, le choc, puis une surprise vive et enfin, son visage se ferma. Toutes ces émotions n'avaient pas laissé le temps à Laszlo de la prendre dans ses bras, et maintenant, cette attitude qu'elle dressait contre lui lui donnait plus envie de reculer, blessé, que de la serrer contre lui. Puis son père apparut dans l'encadrement de la porte, faisant descendre sa mère à son niveau. Le choc assombrit son visage, mais pas autant que cette rage froide que son fils vit à travers ses traits fermés. Et leur sentence fut sans appel. Chaque mot le poignarda. Il n'aurait jamais du revenir. En choisissant de les quitter, il avait fait un choix définitif. Il n'avait pas le droit de revenir en arrière. Il les avait trahis. Il était un renégat. Ils l'avaient renié.

Si fort soit-il, il n'était pas encore un adulte. Et rien ne pouvait préparer un enfant au rejet violent de ses parents. Des larmes silencieuses roulèrent le long de ses joues. Il avait perdu sa famille. Il comprenait mieux le peu de nouvelles qu'il avait, désormais. Pourtant, sa mère... Elle devait bien ressentir encore quelque chose pour lui ? C'était elle qui lui avait donné les nouvelles, lui disait où ils étaient ! Elle le tenait au courant de tous leurs mouvements ! Pourquoi, si ce n'était pour lui faire du mal ? Comment devait-il le prendre ? Était-ce volontaire de le poignarder de la sorte ? Il tenta de se défendre en refrénant son chagrin. Il avait voulu poursuivre son rêve, mais chaque jour il avait pensé à eux avec un crève-cœur. Il aurait préférait mille fois pouvoir les suivre, mais s'il voulait offrir une vie décente à une famille, il lui fallait bien faire ce sacrifice de deux ans. Comment pouvait-on lui reprocher de songer à son avenir, quand son avenir tout tracé était celui au sein de la famille ? Pas une seconde il n'avait vu la vie autrement. Son père lui-même l'avait poussé à faire ce choix, comment... Il n'eut pas même le loisir de dire un mot de plus que son père le giflait de tant d'insolence. Oser dire qu'il l'avait poussé à quitter sa famille ? C'était intolérable. Au milieu du camp, qui plus est. Un attroupement des quelques personnes présentes dans le camp s'était formé, et tous les regards ou presque étaient hostiles au jeune homme qui revenait seulement. Quelques-uns le regardaient avec pitié. Ses quelques amis présents lui en voulaient ouvertement. Ils n'était pas hostiles. Ils étaient menaçants. Visiblement, ce qu'il avait pris pour un détour était un chemin depuis lequel il lui était impossible de revenir à sa famille. Il sentit tout son cœur cesser de battre et exploser en miettes. Pourtant, les regards autour le poussèrent à sécher ses larmes et redresser le menton. On l'avait humilié. On le chassait désormais. Il était un paria pour tous ces gens. Alors, si les excuses étaient veines, il les leur laissa quand même. Il n'avait jamais voulu les trahir. Il avait suivi sa voie, et en assumerait les conséquences. Ils resteraient toujours la première famille qu'il eut connue. Il ne les oublierait jamais, autant qu'ils aient été. Et surtout, il n'avait jamais voulu les trahir. Il les aimait encore, même si eux le chassaient. Il chargea de nouveau ses lourds bagages et sortit du campement. Il lança un regard en arrière, qui fut un déchirement. Il n'était qu'un enfant, il n'avait pas grand chose d'économies. La seule vie qu'il ait connue et aimée lui avait tourné le dos. Il ne savait pas vraiment à quoi il était condamné, mais il avait peur.

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Alexandre L. Leroy
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« C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Vide
MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:37


This is my story

« Laissez rêver l'enfant qui dort aux fumées bleues des châteaux forts. Laissez-lui démonter le ciel. Dehors c'est toujours pareil ♫ »

Quand on est gitan, mineur et sans toit, évidemment, le boulot ne court pas non plus les rues. Il s'était proposé un peu partout pour accomplir de petits boulots pour des sommes dérisoires, mais qui lui auraient au moins permis de faire des économies et de pouvoir vivre ailleurs que dans le taudis qu'il s'était trouvé vu le peu d'argent qu'il avait. Mais rien, personne ne semblait prêt à l'engager, ne serait-ce que pour tondre une pelouse. Comme s'ils avaient peur de ce garçon brun aux yeux sombres, à la peau mate et aux mains fortes. Pourtant Laszlo n'avait rien des défauts qu'on pouvait aisément lui prêter. Il était doux, patient, calme, professionnel. Il avait une certaine maturité, aussi, qu'il n'aurait peut-être pas du avoir de sitôt. Mais il n'était pas bête, et il savait qu'il fallait qu'il rebondisse, malgré la douleur que lui avait causé le rejet par sa famille. Alors, lorsqu'un cirque itinérant, appartenant à une famille gitane passa dans la ville dans laquelle il avait posé ses bagages, il ne réfléchit pas vraiment et s'y rendit. S'il pouvait y travailler ne serait-ce que le temps qu'ils seraient sur place, ça serait déjà mieux que rien pour lui. Ça mettrait quelques sous dans sa poche, au moins. Alors, le réservé et timide Laszlo alla jusqu'au cirque, alors qu'ils venaient juste de finir le chapiteau, et se présenta comme recherchant un emploi, même temporaire. C'est ainsi qu'on le mena face au directeur du cirque. Là, Laz se vendit comme il le put. Il était prêt à remplir n'importe quel emploi dans le cirque, même ne serait-ce que quelques jours. Il montrait sa détermination à travers ses paroles. Il était prenant, lorsqu'il parlait ainsi. Il essayait vraiment de donner bonne impression. On lui demanda donc s'il avait déjà travaillé dans un cirque, et sa réponse fut sincère. Non, jamais, mais il apprenait vite et n'avait, à ce jour, pas de peurs connues qui pourraient l'empêcher de travailler là. Et il insista sur le fait qu'il était prêt à prendre n'importe quel emploi qu'on lui proposerait, sans rechigner. Il était prêt à suivre le cirque, mais s'il ne trouvait un travail que le temps qu'ils posent leurs bagages ici, alors il prendrait tout de même. La chance semblait être de son côté, pour le coup. Il y avait bien éventuellement quelque chose pour lui. On recherchait un trapéziste pas trop  grand pour travailler en paire avec une fille. S'il n'avait pas peur du vide...

Il n'y connaissait rien en trapèze et il ne savait pas trop ce à quoi il devait s'attendre. Mais... Il savait d'avance qu'il n'avait pas peur du vide. Il était déjà monté de nombreuses fois aux arbres, à plusieurs mètres du sol, et ça ne l'avait jamais impressionné. Il se souvenait même d'un été, à Cassis, du côté des calanques, d'être monté sur la falaise avec d'autres jeunes. Ils avaient estimé le fond avant, ils savaient qu'en sautant pas trop près des rochers... C'était jouable et pas trop dangereux. Sauf qu'aucun des garçons n'avait eu le courage de sauter, ils ne faisaient que se haranguer bêtement. Laszlo avait été en retrait, ce jour-là. On l'avait un peu oublié, à vrai dire. Alors, il s'était avancé calmement vers le bord de la falaise, il avait observé le fond, puis fait demi-tour, avec un demi-sourire très sûr de lui. Et avant que quiconque n'ait le temps de se moquer de se qu'ils prenaient pour une marche arrière cause de frousse, il avait déjà fait demi-tour de nouveau, chargeant au pas de course vers le bord de la falaise, prenant son élan pour sauter en s'éloignant des rochers coupants du bord. Pas un autre son qu'un rire ne franchit ses lèvres, dans ce saut, et les yeux grands ouverts, il s'était laissé aspirer par cette furieuse adrénaline qui s'était libérée en lui. Quinze mètres plus bas, l'atterrissage était rude, certes, mais il n'en gardait qu'un excellent souvenir. Alors, le trapèze, même s'il avait un tas de choses à en apprendre, il n'avait pas encore peur. Il n'avait pas non plus spécialement peur de travailler avec une fille ; il était très adaptatif, et puis il avait appris à travailler en équipe, depuis qu'il était petit. Que ce soit une fille ne le dérangeait pas plus que ça, des amies, il en avait eu, il ne voyait pas ça d'un drôle d'œil. Ce qui l'inquiétait plus, c'était que ce soit un binôme. C'était général, comme crainte. Parce qu'il était totalement débutant. Mais il savait aussi que si l'un se ratait, l'autre aussi, parce qu'il se doutait qu'une paire mal équilibrée ou mal rythmée c'était l'échec des deux assuré.

Mais soit, si c'était ça ou rien, il acceptait. Bon, il avait d'abord une période d'essai au terme de laquelle il devrait se montrer convaincant avec le numéro qu'il avait à réaliser. Il n'avait pas trop peur de se rater, il était déterminé, et puis il apprenait très vite depuis toujours, il ne voyait pas trop ce qui pourrait lui arriver, en fait. Ne pas être pris ? Ce serait un coup dur duquel il se relèverait, de toute façon. Il s'en sortait bien, quand même. Pour le moment, il serait logé et nourri contre des tâches dont il déchargerait les artistes au maximum, tout en se formant en même temps. Il travaillerait lors des représentations, à diverses tâches. Bref, il se rentabiliserait au maximum. Et il acceptait sans broncher les conditions. Ce n'était pas dans son genre de remettre en question les choix de ses aînés, surtout pas lorsqu'ils étaient de la même souche que lui. Et puis, ce côté bonne pâte pourrait peut-être le faire accepter plus vite de la troupe. Si ça lui permettait de retrouver un semblant de famille... Oui, il se voyait bien vivre là, c'était certain. Alors, une fois le contrat plus ou moins passé, Laszlo fut envoyé vers la ménagerie. Il fallait qu'il rencontre sa partenaire, qui était occupée de nettoyer les caravanes, et il devait la relayer jusqu'à ce que l'autre homme-trapèze soit disponible pour lui montrer ce à quoi il devrait arriver au terme de sa période d'essai. Ensuite, il commencerait à s'entraîner. Bon, une fois dehors, il fronçait le nez. Passer derrière les animaux pour le ménage, très peu pour lui. L'idée le rebutait un peu. Mais... Si c'était ce qu'on lui demandait en échange du gîte et du couvert, alors il le ferait. Alors, lorsqu'il vit cette jeune fille de sa taille à peu près, aux cheveux sombres et au large sourire, qui semblait ne vouloir être à aucune autre place, il se demanda si elle était tout à fait normale. Cette question ne lui effleura pas longtemps l'esprit. C'était elle, sa partenaire, et tout ce qui comptait, c'était qu'ensemble, ils arrivent à travailler. Il la héla gentiment. Il n'y avait ni impatience ni rudesse dans sa voix de jeune adulte lorsqu'il l'interpellait, et lorsque la demoiselle releva la tête, le regard sombre du gitan s'arrêta dans celui océanique de sa partenaire. Elle paraissait rieuse, heureuse d'être là. Il eut un temps d'arrêt. Elle était différente des autres, c'était clair, et pas seulement physiquement. Il y avait autre chose en elle. Sûrement le caractère pétillant et vif qu'elle lui montrait. Il n'en avait encore jamais rencontrés de pareils. Laszlo essaya de ne pas se laisser distraire. Il était assez peu sûr de lui, mais il se présenta, expliquant brièvement ce qu'il faisait là. Il était à l'essai pour devenir le nouveau trapéziste, et pour le moment il était envoyé ici pour le nettoyage. Bon, il n'était pas tout à fait à l'aise et butait sur certains mots parce qu'il avait l'impression que s'il parlait trop il dirait une bêtise, mais son regard était resté calme et il n'avait pas cillé. Nous dirons donc qu'il était impressionné par le fait de rencontrer sa nouvelle partenaire dans un environnement qui lui était totalement étranger. Le cirque, ce n'était pas toute sa vie, contrairement à Eden. Elle, elle était carrément dans son élément. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Comme le bleu de ses yeux. Eden n'avait rien qui puisse inquiéter Laz. Elle ne semblait pas s'inquiéter qu'il soit totalement novice. Était-elle folle ? En tous cas, le gitan fit ce pour quoi on l'avait envoyé là. Il s'attaqua au nettoyage. Il préférait ne pas laisser ses idées vagabonder. Comment allait-il faire pour apprendre assez bien pour ne pas mettre en péril une coéquipière aussi frêle ? Car, si elle ne semblait pas spécialement vulnérable, Eden n'était pas épaisse, et il l'imaginait déjà s'écrasant au sol parce qu'il aurait eu un raté. Ça, c'était une idée angoissante. Mais pour le moment, il fallait prendre des habitudes. Il s'appliquait dans la tâche qu'on lui avait confiée, aussi ingrate soit-elle. Il savait bien que s'il ne convainquait pas par sa détermination, il retournait dans sa piaule crasseuse avec la douche froide et la plaque chauffante qui ne chauffait plus. Autrement dit, s'il ne faisait pas l'affaire, il retournait se traîner dans sa misère. Et s'il lui suffisait de ramasser des excréments pour pouvoir rester là, alors il allait faire l'effort. Il ne fallait pas se leurrer. Laszlo ne rentrait pas dans la troupe par passion, mais par nécessité. Là où certains voyaient la poursuite d'un rêve ou d'un idéal de vie, lui ne voyait qu'un moyen de subsister. Bon, ça n'était pas aussi machiavélique que ça dans sa tête d'adolescent, mais bon, il était lucide... Soit il faisait l'affaire et mangeait tous les jours, soit il se retrouvait dehors avec sa misère. Donc il fallait qu'il fasse l'affaire. C'était presque une question de vie ou de mort. Enfin, presque, il n'en était pas encore là, mais justement, il ne voulait pas en arriver là. Sa fierté le poussait à rester digne.

Ce n'est que plus tard, dans cette même journée, qu'il vit pour la première fois l'enchaînement qu'on attendait de lui. Eden le réalisait avec l'homme de l'autre binôme. Et ils n'étaient pas vraiment faits pour aller ensemble, enfin, il y avait un truc qui clochait, c'était tout ce que Laz était capable de voir. Il n'était pas de ce monde-là. Par contre, ce qu'il voyait lucidement, c'était qu'il y avait du travail. Il devrait prendre en force, c'était certain, parce que là, il n'était pas certain de pouvoir faire tout ça avec Eden à bouts de bras, même si elle était sûrement très légère. Ensuite, il y avait déjà un véritable travail sur lui, parce qu'il y avait des postures, des façons de faire, bref, un tas de codes qu'il ne connaissait pas. Ensuite, il y avait toute la mémorisation. Et le rythme. Et la fluidité. Et la confiance. Il faudrait qu'elle lui fasse confiance, quand il n'y aurait plus que leurs mains serrées pour empêcher la gitane de rencontrer le sol. Et la coordination. Et l'aisance. Et... ça lui semblait juste impossible à tout énumérer, tant il avait l'impression que les choses étaient compliquées. Et comme je l'ai déjà dit, il n'était pas de ce métier, alors il y avait encore un nombre important de choses qui lui avaient échappées. Point positif, il était déterminé. Il avait des mains sûres. Le vide ne lui faisait pas peur. Il ne lui restait plus qu'à apprendre pas à pas la chorégraphie. Ça n'était peut-être pas insurmontable, après tout..? Et puis, il aurait deux professeurs chevronnés pour lui apprendre, alors si en plus il était assez déterminé... Il faudrait juste qu'il encaisse et qu'il s'acharne. Pour lui, le travail à proprement parler ne commencerait pas le soir-même. Il fallait que tout le monde se repose, monter le chapiteau avait été éprouvant, et les représentations démarreraient le lendemain dans l'après-midi. Il fallait maintenant l'introduire au sein de la troupe, et pour cela, la soirée serait parfaite. C'était un anniversaire, celui d'une petite fille de la troupe. Elle devait avoir comme huit ans, ce jour-là, et il y avait un feu de joie pour le célébrer. Visiblement, cette coutume existait au sein du cirque aussi, et ça contribuait à serrer le cœur de Laszlo. Ça lui rappelait fortement son foyer perdu, son image de renégat aux yeux de sa famille. Mais il savait aussi que s'il voulait rencontrer les gens avec lesquels il allait travailler, c'était une étape obligatoire. Il ne voulait définitivement pas passer pour le sauvage de la troupe, pas quand il avait besoin de pouvoir se raccrocher à quelqu'un. Il voulait se montrer sous son meilleur jour sans que ce ne soit feint. Après tout, il était vraiment ce garçon qui restait au coin du feu en parlant de tout avec tout le monde. Et maintenant, il était aussi ce garçon habile de ses mains, capable d'offrir un cadeau à une enfant. Il lui suffisait de trouver la matière première adéquate. Il lui fallait un bois résistant, qui ne soit pas pourri par l'humidité. Avec l'idée qu'il avait en tête, il lui fallait un morceau assez conséquent, et si possible avec de belles lignes marquées. Une bûche, ça serait idéal. Il ne lui fallait qu'un tronçon, pas énorme. Il allait donc exposer sa requête, sans donner trop de détails, au chef du cirque. Ce dernier était assez interloqué, car ce n'était, avouons-le, pas banal à demander. Mais il accepta, car il était également curieux de savoir ce que Laszlo avait derrière la tête. Mais le gitan ne voulait pas vraiment s'expliquer, du moins pas pour le moment. Il avait son idée précise de ce qu'il ferait, et pour le moment il ne laissait strictement rien le déconcentrer.

Il était allé s'adosser à un gros rocher, sur le terrain que le cirque occupait. Il avait ses outils avec lui, et il considérait sa pièce de bois, pour savoir par quel angle il serait plus facile – ou intelligent – de l'attaquer, afin de donner vie au jouet d'enfant. Ses mains expertes couraient sur les lignes du tronçon qu'il avait déjà débarrassé de son écorce et lissé avec patience. Puis il commença sa découpe, après avoir tracé quelques traits visiblement abstraits. Ses mains habiles maniaient les instruments avec assurance, et il ne laissait pas les lames qui détaillaient le bois dévier. Il y avait longtemps qu'il ne s'était plus coupé. Il était désormais comme coupé du monde, totalement absorbé par sa tâche. Il n'y avait plus que ses doigts sur le bois. De temps à autre, il s'arrêtait de couper pour lisser la courbe obtenue au papier de verre, avec une patience et une douceur infinie. Ses mains fortes n'étaient plus puissantes, mais caressantes, et il soignait le bois. Un sourire étirait alors ses lèvres, s'il était satisfait de sa courbe. Petit à petit, pas à pas, la structure prenait forme, toute en rondeurs et en formes anguleuses. Le temps avait filé. Il en venait pour ainsi dire à bouts. Pourtant, il avait une drôle de sensation, comme celle d'être observée. Alors, Laz releva la tête de son travail minutieux, car il ne lui restait qu'à soigner les détails, et il chercha qui pouvait l'observer. C'est là qu'il aperçut Eden. Il y avait une drôle de lueur, dans ses yeux couleur de ciel, qui étaient posés sur les mains du jeune homme, semblait-il. Il lui parla, avec naturel. Il voulait savoir depuis combien de temps elle l'observait comme ça, sans bruit, et puis pourquoi. La réponse l'étonna légèrement, même si elle n'était pas non plus renversante. Elle était là depuis un bon moment, enfin, ça, il aurait pu s'en douter. Ça ne l'étonnait pas vraiment. Ce qui l'étonnait le plus, c'était pourquoi elle était restée là à l'observer. Juste parce qu'elle était intriguée. Bon, ce n'était pas fou comme explication, loin de là. La jeune fille voyait le bois se transformer pour la première fois, et il prenait vie devant ses yeux. Il pouvait la comprendre. Cela ne l'empêcha pas de rire doucement. Il ne se moquait pas, loin de là. Mais c'était peut-être sa façon à lui d'exprimer un certain plaisir à ce que quelqu'un s'intéresse à son travail, qui avait fini par devenir une passion. Alors, il proposa à Eden d'approcher, si elle voulait voir la transformation de plus près. Le résultat final approchait. Et puis, il avait un très bon argument. Il ne mordait pas. Il n'avait jamais mordu personne. L'ouvrage lui avait demandé du temps, mais il n'en tirait que de la fierté. La bûche brute s'était transformée en un impétueux cheval de bois, sur sa bascule. Il faisait une petite dizaine de centimètres de haut et était bien proportionné. Il ressemblait d'avantages aux chevaux fougueux des carrousels qu'aux sages chevaux à l'encolure ployée qui basculaient généralement. En un mot, il était unique, et il plaisait visiblement à sa nouvelle propriétaire. La petite s'était montrée timide face à un Laszlo accroupi au centre du cercle formé, sur le visage duquel le feu avait dessiné de drôles d'ombres. Elle l'avait regardé avec de grands yeux, sans vraiment oser s'approcher de cet inconnu qui avait la même peau, les même cheveux, les même yeux qu'elle, mais qu'elle ne connaissait pas, qu'elle n'avait jamais vu. Alors, il avait tenté un petit sourire rassurant, en tendant le bras devant lui, le cheval de bois posé en évidence sur sa paume. Et les yeux de la fillette avaient brillé à la couleur de l'âtre. « Pour toi », avait soufflé le jeune gitan, et un sourire avait fait rayonner la petite. C'était ça, qui gonflait par dessus tout le cœur de l'ébéniste de fierté. Il faisait plaisir à une enfant. Et puis, c'était peut-être un pas vers l'intégration. Pourtant, l'acte n'était pas purement intéressé. Il avait sincèrement voulu faire plaisir à la petite, et en prime, il semblait avoir montré assez de qualité pour qu'on ne le regarde plus comme un pur étranger. Bon, il savait aussi qu'il n'était pas encore accepté, qu'il lui restait du travail, avant d'être un des leurs, mais cette première journée lui donnait bon espoir.

Les jours qui suivirent furent éreintants physiquement pour Laz. Il prenait tout à fait à cœur de se montrer digne de la chance qu'on lui avait donnée. Surtout que les Garcia avaient été très généreux avec lui, en l'hébergeant. Ce n'était que provisoire, le temps qu'il retombe sur ses pieds, mais au moins ça lui évitait de dormir à la belle étoile. Il redoublait donc d'efforts. Le matin, il se levait tôt et s'occupait de nourrir la ménagerie, de s'occuper de l'eau, de nettoyer les cages. Ça l'occupait une bonne partie de la matinée, mais au moins, ça le routinait. En fin de matinée, il s'entraînait avec Eden et l'autre trapéziste. Il pigeait plutôt bien le truc, et ça rentrait assez bien. Bon, ce n'était pas un prodige, mais il se débrouillait plutôt pas mal, progressivement. Il fallait dire qu'il persévérait beaucoup. Il ne restait jamais sur quelque chose qui n'allait pas, tant pis s'il avait mal partout après. Ses débuts d'après-midi étaient généralement consacrés à la préparation du spectacle du soir ou de l'après-midi. Reprendre un costume, panser les chevaux... Ce n'était pas vraiment son domaine, mais si on lui demandait de s'y plier, alors il le faisait sans rechigner. Et il prenait finalement petit à petit le goût de la vie d'artiste de cirque. Il apprenait beaucoup, au contact des gens qui en vivaient par passion. Et petit à petit, il entrait dans le paysage. Il faisait d'ailleurs énormément d'efforts pour être accepté, s'entraînant de nouveau l'après-midi si c'était possible. Une fois, il avait fait l'exploit de tailler dans le bois une pièce de harnais pour un cheval, car elle avait cassé. Il avait donc trouver une astuce en créant une sorte de fuseau, pour que ça tienne le temps de la représentation. Bref, sa formation le poussait à suivre le cirque. Il avait déjà fait quelques villes avec eux, et son enchaînement avec Eden commençait à être rodé. Il restait des points à revoir, mais maintenant, il la rattrapait toujours. Il ne l'aurait laissée tomber pour rien au monde. Il le savait, leur petit jeu d'oiseaux ne pouvait marcher qu'avec de la confiance. Et cette confiance passait aussi par de la complicité. Alors, doucement, au fur et à mesure de l'entraînement, il avait aussi fallu qu'ils apprennent à se connaître. Pour Laszlo, ce n'était pas terriblement difficile de parler un peu de lui, ce genre de choses, et puis, même s'il était timide de nature, il n'était pas sauvage. Il parlait donc facilement avec Eden, d'un tas de choses, très variées. Ils passaient aussi beaucoup de temps à deux. Ils nettoyaient les cages à deux, généralement, par exemple. Ou alors, lorsque le jeune homme prenait un peu de temps pour se détendre et pour travailler le bois, il proposait à Eden de venir voir, et il lui expliquait un peu de son art. Au début, il avait trouvé cela assez troublant. Il ne voyait pas vraiment comment elle ne finissait pas par s'ennuyer, à le voir faire des mouvements répétitifs. Mais il ne l'avait jamais obligé à venir, elle l'avait toujours fait volontiers. Et il avait fini par ne plus se poser de questions. Finalement, entre eux, c'était peut-être une mécanique bien réglée. Et puis, ils avaient vécu quelques temps sous la même toit. Se voir au saut du lit, ça évite au moins d'avoir des à priori le reste de la journée. Eden l'avait vu dans de bons jours, ou au contraire se lever du pied gauche. Ça pouvait lui arriver en deux jours de suite de changer d'humeur au réveil, mais avec un petit déjeuner dans le ventre ou alors une fois lancé dans son travail, en général les petits nuages noirs d'orage qui grondaient au dessus de sa tête se dispersaient et son soleil revenait. En fait, petit à petit, les choses s'étaient mises en place entre eux. Assez vite, le jeune homme n'avait plus eu de réserve vis-à-vis d'elle, ce qui était un bon pas en avant. Il avait toujours eu confiance en elle, et s'était employé à ce qu'elle puisse avoir confiance en lui. Il était franc et lui avait montré qu'elle pouvait compter sur lui pour tout. La seule chose qu'il gardait pour lui, mais sans se braquer, c'était la raison de son détachement de sa famille. Enfin, à vrai dire, Eden ne lui avait jamais vraiment posé la question. Il avait toujours eu la possibilité de l'éluder gentiment, en tous cas.

Les choses s'étaient améliorés encore lorsque Laz avait déménagé. Enfin, si on peut dire ça comme ça. L'hospitalité des Garcia lui plaisait, il n'y avait pas à redire là-dessus. Mais il ne voulait pas en abuser. Ce n'était qu'une solution temporaire, et il en avait déjà bien trop abusé. Il s'installait avec un cracheur de feu, qui vivait seul dans sa caravane, et avec lequel il s'entendait vraiment bien. Au moins, maintenant qu'il ne vivait plus avec elle, il profitait vraiment des moments passés avec Eden. Ils étaient devenus complices grâce au travail, et la confiance s'était installée de manière tout à fait réciproque. Le gitan évoluait encore mieux quand il sentait que son binôme était confiant dans les exercices. L'expression figée et concentrée qu'il arborait lorsqu'il était sur le trapèze se transformait par moments en sourire complice lorsqu'il regardait sa partenaire dans les yeux. Cela leur donnait un bel ensemble, puisqu'ils semblaient vraiment sur la même longueur d'onde. La période d'essai et d'apprentissage, qui avait duré un moment, touchait à sa fin. Un jour, les deux couples de trapézistes évoluaient ensemble. Laszlo commettait encore quelques erreurs minimes, mais l'ensemble était tout à fait correct. Monsieur Garcia s'était installé sous le chapiteau pour les voir répéter. À la fin de l'enchaînement, il s'était levé et avait frappé deux fois dans les mains. Tous les regards s'étaient tournés vers lui. Laz n'avait même pas eu conscience de sa présence, aspiré tout entier par son équipière. Et le verdict tomba. Il avait passé la période d'essai. Il était de la troupe, désormais. Le soir même, comme souvent, il y eut un feu de joie. Laszlo y prit place avec encore plus d'aisance qu'à l'accoutumée, car maintenant, il était entré dans la famille, en quelques sortes. Ça faisait certes un moment qu'il côtoyait ses gens, et qu'il commençait à se faire une place discrète parmi eux, mais là, il avait vraiment sa place là, et ça lui donnait une assurance nouvelle, qui n'avait rien d'arrogante, mais son sourire était plus franc, il discutait plus volontiers. Ce soir-là, il avait emmené sa guitare avec lui, pour accompagner les musiciens du cirque autour du feu. Il y avait longtemps qu'il n'avait plu joué pour un feu de joie. Ça le rendait un peu nostalgique, tout de même, mais maintenant il se sentait vraiment prêt à aller de l'avant, puisqu'il avait une nouvelle place. Il n'avait plus du tout de nouvelles de ses parents, maintenant qu'il avait lui aussi recommencé à sillonner la France et l'Europe avec le cirque. Mais cette vie de voyageur, c'était ce qu'il avait toujours voulu, non ? Ça, et tomber amoureux, fonder une famille. Cela lui paraissait plus compliqué aujourd'hui. Il avait conscience de l'attraction qu'il avait pour certaines filles, parce qu'il voyait parfois les regards que lui lançaient les visiteuses de la ménagerie qui avaient son âge, car il était surtout rattaché au pansage des chevaux, maintenant, puisqu'il avait de la patience et qu'il commençait à prendre plaisir à cette tâche calme et un peu complice avec les grandes bêtes majestueuses. Pourtant, il n'y avait pas une seule fille pour trouver grâce à ses yeux. Il leur trouvait milles défauts insignifiants. Ça n'aurait jamais du vraiment l'empêcher de s'intéresser aux filles. Bon, il ne regardait pas du tout les hommes, donc ce n'était pas ça, le problème. Enfin, si problème il y avait, ce qui n'était pas vraiment sûr. Ce n'était peut-être pas un problème à proprement parler, juste... Une question de point de vue, à la limite. Non, même pas. C'était très simple, en réalité. Il n'y avait qu'une fille qu'il arrivait à regarder autrement.

Avec elle, chaque moment était totalement précieux. Et ces moments pouvaient vraiment être différents. C'était leurs moments d'entraînement, ou lorsqu'elle le regardait, silencieuse, lorsqu'il donnait vie au bois. C'était aussi ces simples moments qu'ils passaient à deux, à parler ou à marcher lorsqu'ils se ménageaient une pause entre l'entraînement et les corvées. Ces moments où il pouvait poser son regard calme et sombre dans les yeux pétillants de vie, couleur d'eau sauvage, d'Eden. Ces moments où ils n'étaient qu'à deux, où personne ne pouvait les déranger. Leurs moments à deux seulement. Ce n'était pas juste leur complicité qui faisait que Laszlo aimait ces moments en particuliers, c'était aussi parce qu'il la voyait un peu autrement. Face à elle, il se sentait mis à nu. Souvent, sa détermination l'aidait à tenir tête aux autres, parce qu'il défendait toujours ses idées ou ses positions. S'il ne voulait pas, on ne le faisait pas plier. Mais il suffisait qu'Eden le regarde et l'incite à obtempérer et il sentait toute sa résistance l'abandonner. Son entêtement fondait comme neige au soleil. Mais c'était agréable, pour lui. En fait, il n'avait même pas envie de lui résister. Il était attiré par elle. Il avait envie de la protéger. Ce qu'il aimait par dessus tout, c'était arriver à faire quelque chose, de sorte qu'elle rit. Même si elle se moquait d'une gaffe, le gitan s'en fichait. Il aimait entendre son rire. Il avait l'impression que la vie ne pouvait exister que lorsque le rire d'Eden fusait. Il aimait tout d'elle, il aimait être avec elle. Il n'y avait rien qui ne lui plaisait plus que de la tenir dans ses bras. Elle était la seule fille qui trouvait grâce à ses yeux. Il ne savait pas pas trop quand, ou comment, ni pourquoi, mais il était tombé amoureux de sa partenaire. Même s'il sentait que ça n'était pas réciproque, enfin, elle ne faisait jamais rien qui puisse lui faire croire que ce soit réciproque, en tous cas, il ne se laissait pas démonter. Il ne trouvait peut-être pas le courage de lui dire ce qu'il ressentait, ça ne l'empêchait quand même pas de ressentir des sentiments, à la fois puissants et résistants à l'usure du temps.

Si les sentiments d'Eden n'étaient pas réciproques, tant pis. Ça n'entravait pas leur relation, et c'était parfaitement bien ainsi. Au moins, leur complicité permettait à Laszlo de profiter de la présence de la miss au maximum. C'était d'autant plus important, au jour de leur première vraie représentation. Une fois qu'il avait été vraiment intégré à la troupe, le gitan avait fait comme à son habitude ; démonter le chapiteau, voyager, remonter le chapiteau plus loin. Et lorsqu'ils travaillaient tous ensemble, comme un seul homme, le chapiteau prenait vie rapidement. La première représentation aurait lieu le lendemain de leur nouvelle installation, et il fallait que Laz assure, parce qu'il faisait peut-être partie intégrante de ce spectacle, maintenant, mais il ne doutait pas vraiment que s'il fichait en l'air leur numéro d'acrobates aériens, il aurait de sérieux comptes à rendre. Et puis, ce n'était pas maintenant qu'on lui donnait vraiment sa chance qu'il devait tout gâcher, il avait trop travaillé et on lui avait donné trop pour qu'il se permette de tout réduire à néant. S'il se ratait, en fait, son château de cartes s'effondreraient sous le mistral, c'était sûr. Au jour de la représentation, il était donc fébrile. Il était d'humeur électrique, et tout ce qu'on lui disait, il le prenait à cœur. Il s'était isolé pour tailler un oiseau dans une baguette de tilleul, mais il s'était écorché les mains. Ce n'était rien de vraiment impressionnant, juste un ensemble de petites plaies superficielles parce qu'il avait été distrait par son anxiété, mais ses mains, habituellement lisses bien qu'elles soient endurcies par le travail et l'entraînement, seraient couvertes de petites irrégularités pour cette représentation. Il pouvait néanmoins s'estimer heureux ; ça ne le handicaperait pas le moins du monde, et il n'avait aucune raison de laisser glisser Eden. Puis l'heure était venue, et il avait enfilé sa tenue avec un soin particulier. Cela faisait un moment qu'il répétait en conditions de spectacle, mais il tenait à être sûr qu'il ne laissait rien au hasard. Il avait des gestes un peu tremblants, les doigts peu assurés, mais ça ne l'empêchait pas d'être efficace et de suivre à la lettre les consignes qu'il connaissait. On lui avait déjà donné en détail la marche à suivre. Puis il retrouva Eden, peu avant de rejoindre la piste aux étoiles. Il ne lui confia pas ses craintes ; ce n'était pas nécessaire. Il se contenta de la regarder et de lui sourire, avec ce petit sourire tendu mais sincère. Puis il passa ses mains au talc, pour qu'elles ne glissent pas sur le trapèze, et il alla se mettre en place. Port de tête, sourire, aisance. Si le stress l'avait presque englouti à quelques minutes de sa grande première, une fois à sa place, sa tête avait été vide. Tellement vide qu'il craignait d'avoir oublié ce qu'il devait faire. Mais il était dans sa bulle, tout simplement. Il lui suffit de faire le premier pas dans le rythme, en se forçant un peu, pour que l'enchaînement défile dans sa tête, comme par magie. Il était tellement calé dans son timing que la suite s'enchaîna naturellement. Il retrouva son calme et l'adrénaline qui rimait à chaque fois avec son numéro. Il retrouva les sourires complices échangés avec Eden lorsque leurs regards se croisaient. Si la prestation n'avait pas été parfaite, les défauts pouvaient être éclipsés très facilement. Pour une première, pour un presque novice, c'était pas mal. Une fois les pieds au sol, une fois toute la représentation du cirque Garcia terminée, Laszlo vibrait encore de ce qu'il avait ressenti là-haut. C'était difficile à expliquer. L'impression d'être entre ciel et terre, à une hauteur qui n'existe pas.

Puis la vie de l'ébéniste se routina réellement. Entraînement, tâches du cirque, travail d'ébéniste. Ses journées étaient bien remplies, et souvent fatigantes. Physiquement, il s'était étoffé. Il n'était toujours pas très grand, et il n'était pas spécialement imposant, mais il était musclé comme il fallait, et plutôt puissant. Il avait aussi perdu son visage d'enfant, pour accuser des traits un peu plus marqués mais tout à fait élégant. Avec sa peau sombre et ses beaux yeux rieurs, il était vraiment beau garçon, et c'était de plus en plus vrai. Il bonifiait avec le temps. Et il commençait à vivre comme un véritable jeune homme. Il soignait son apparence, lorsqu'il ne travaillait pas, sortait un peu le soir, quand c'était possible. Il se mêlait un peu plus aux citadins. Bon, il n'aimait toujours pas leur vie, mais c'était vrai qu'une soirée de temps à autres dans la peau d'un futur courtier en assurance ou autre manutentionnaire d'usine – en un mot, dans la peau de n'importe quel jeune de son âge  qui vivrait de manière plus conventionnelle – était une bonne expérience. Ça lui permettait de se moquer de leur façon de s'amuser et d'affirmer encore plus à quel point il aimait sa vie de voyageur au long cours. Bien entendu, ses virées étaient souvent solitaires, et il le restait tout au long de son passage dans la vie « normale », parce qu'il n'y avait que ceux qu'il avait adopté comme sa nouvelle famille qui comptaient pour lui. Il leur revenait toujours, et sans jamais le regretter. Mais de temps à autre, voilà, comme tout jeune, il s'échappait tout de même. Peut-être qu'il se cherchait un peu en chemin, mais il ne se trouvait qu'entre les caravanes du campement. Ce constat le faisait toujours sourire et, au fur et à mesure, il appréciait de moins en moins ses petites escapades. Son premier hiver avec le cirque arriva. Il le savait d'expérience, les hivers n'étaient jamais les même. Celui-ci s'annonçait plutôt rude, d'ailleurs. Le froid avait commencé tôt, et il s'imaginait les anciens de son groupe d'origine se plaindre de leurs articulations douloureuses. Il se demandait comment la vie s'organiserait si la neige recouvrait tout. Le sol serait dur, y compris sous le chapiteau, ce qui rendrait certaines représentations plus compliquées à exécuter. Il faudrait aussi chauffer le chapiteau, sans quoi les gens ne viendraient pas. D'ailleurs, se déplaceraient-ils quand même ? Et puis, le cirque arriverait-il encore à changer de cap ? La ménagerie s'accommoderait-elle au changement du climat ? Car les chevaux passaient généralement la journée dehors, pour brouter, ce qui réduisait l'apport de nourriture journalier. C'était de la curiosité qui motivait ses questions, pas vraiment de l'angoisse. Personne n'avait l'air de trop se poser de questions, et les plus anciens membres du cirque avait déjà du connaître pas mal d'hivers avec le chapiteau, alors s'ils n'étaient pas inquiets, ce n'était pas à Laszlo de l'être. Et en effet, malgré l'arrivée de la neige et du grand froid, tout se passait pour le mieux. Il suffisait de s'organiser de façon à ce que les choses soient faites comme il fallait. L'échauffement était plus long et plus consciencieux. On apportait un soin particulier aux animaux du cirque, qui souffraient un peu des températures. Mais bichonnés comme il le fallait, ils ne craignaient rien. Et puis, la bonne humeur était générale, malgré le froid intense. La neige rendait les enfants joyeux, et ce n'était pas rare que le gitan se baisse en passant entre deux rangs d'une armée en pleine bataille de boules de neiges. Lorsqu'un enfant le touchait, il renvoyait gentiment une boule de neige et s'éloignait en regardant autour de lui avec des yeux pétillants. Le campement était bouillonnant de vie, et il aimait ça.

Cela faisait d'ailleurs quelques jours qu'il gelait en continu lorsque la grande flaque située sur le terrain qu'ils occupaient fut déclarée praticable en patin. Les températures étaient largement négatives et la couche de glace bien épaisse. Laz avait emprunté à son colocataire une paire de patins à glace, dans l'idée de profiter un peu de l'occasion. Il avait fait du patin au collège, en sport. Des fois, ça avait eu du bien, le collège, même si ce n'était pas le meilleur souvenir qu'il garde de sa jeunesse. La scolarité et lui, ça faisait deux. Alors, il n'était peut-être pas professionnel du patin à glace, mais il était au moins capable de bouger sans tomber, et puis tout le monde ou presque s'y était donné rendez-vous. Il espérait bien pouvoir partager ce moment avec Eden. Elle, elle ne savait pas du tout patiner. S'il pouvait lui apprendre... Ce serait un moment privilégié de plus entre eux. Bon, ce n'était pas aussi facile que ça, car la demoiselle manquait régulièrement de chuter, mais le jeune homme veillait de près à ce qu'il ne lui arrive rien. Il était toujours près à tendre son bras vigoureux pour qu'elle puisse s'y rattraper, ou à attraper de sa poigne franche la main de la jeune fille pour l'équilibrer si elle vacillait. Elle avait du mal, mais cela faisait sourire Laz. Elle était volontaire, et ses tentatives pour patiner étaient absolument trop adorables à voir. Bon, d'un autre côté, il était amoureux, alors sa version des choses était peut-être faussée, mais il n'aurait peut-être pas tant retenu ce moment si elle avait été totalement autonome sur la glace. Il avait au moins pu profiter de la situation pour inverser les rôles, car depuis qu'il la connaissait, elle était le professeur patient et lui était l'élève. Ce jour de neige-là, il s'était voulu professeur et elle élève un peu hasardeuse sur ses patins. Ce moment-là, il n'avait été qu'à eux deux, et il s'en souvenait comme si c'était hier. Il y repensait souvent. Tout comme à la bataille de neige qui avait suivi. Elle l'avait souvent prise en traître, et il n'avait pas été défaitiste, se battant plutôt farouchement avec elle à coup de boules de neiges. Ils avaient même roulé dans la poudreuse, emmêlés, et il s'était senti gelé, la neige traversant son pull de laine épaisse. Il avait néanmoins attendu avant de se relever, profitant du moment. Mais comme toujours, elle avait fini par lui échapper, comme un oiseau sauvage s'échappant sans cesse d'une cage trop petite pour lui. Elle lui avait toujours échappé, mais il s'était bien accoutumé à cela. L'hiver passa dans ce climat de bonne humeur et de batailles de boules de neige, même s'ils ne connurent pas d'autre moment si privilégiés. C'est sûrement pour cela que ce souvenir est fortement ancré dans la mémoire du gitan. Le printemps arriva, en annonçant une nouvelle saison, un nouveau numéro à travailler. Ça ne perturbait pas le moins du monde l'ébéniste, qui se plia à la nouvelle composition, toujours accompagné de sa partenaire. Il s'autorisait plus d'exercices périlleux, maintenant qu'il avait pris confiance en lui, et le spectacle pouvait donc s'étoffer. Avec l'expérience de l'autre couple et l'habileté d'Eden, c'était assez facile à imaginer. À mettre en place, c'était audacieux, mais ces choix compliqués leurs donnaient de vraies sensations, et chaque prestation, ne serait-ce qu'à l'entraînement, les rendait plus forts, plus complices. Finalement, la composition finale se montrait très ambitieuse et audacieuse, et demandait beaucoup de travail et de concentration au trapéziste amateur, mais elle n'était pas irréalisable. Il suffisait qu'il se routine, qu'elle entre mieux dans sa tête. Il suffisait qu'il fasse comme la première fois, qu'il apprenne par cœur les enchaînements, les postures, les rythmes. C'était une question de régularité, mais aussi de précision. Plus il se montrerait précis, plus cela serait facile pour lui. Il lui suffisait de répéter encore et encore sa partie de l'enchaînement, jusqu'à ce que ça devienne naturel, puis après il lui suffisait de savoir modifier le rythme pour se mettre sur celui de sa partenaire... Et enfin il leur suffisait de trouver leur juste équilibre et de s'accorder au deuxième couple de trapézistes. Ce n'était pas infaisable. Le cirque était une formation qui demandait beaucoup d'investissement et de persévérance, et ça n'arrêtait pas le jeune adulte qu'il était.

Le mois d'avril arriva tout doucement. Il était majeur, et cela ferait bientôt un an qu'il était arrivé dans la troupe, un peu par hasard. Il ne l'avait pas regretté une seule seconde. Il s'était fait à cette vie, à la fois très proche de celle qu'il avait vécue toute son enfance et différente, car la vie d'artiste de cirque n'était pas celle du gitan qui vit de petits travaux au gré des bourgs où il passe. Pour les vacances scolaires, leur quartier de printemps était la côte d'azur, et Laszlo retrouvait la mer. Il retrouvait Cassis et les calanques, les falaises, les plages. Les températures étaient douces, surtout après cet hiver bien rude. Ça le rendait un peu nostalgique, de monter le chapiteau là où il avait passé un été, quatre ou cinq ans plus tôt, avec ses parents, et son frère. La famille encore au grand complet. Son moral en avait pris un coup, et il était un peu morose, mais il ne voulait pas vraiment s'expliquer. Il n'avait jamais parlé des raisons qui l'avaient fait atterrir au cirque, à part qu'il cherchait du boulot pour ne pas finir à mendier dans la rue. Cette explication se valait à elle-même, mais il n'était jamais entré dans le détail. Lors de leur installation, la saison touristique de printemps n'était pas lancée. Les premières arrivées, ça ne serait que vendredi soir, et jeudi midi, tout était monté. Alors il avait pensé un moment paresser au soleil devant la caravane, mais il s'était aussi souvenu qu'une fois, Eden lui avait dit n'avoir jamais vu la mer. Le temps était splendide ; le soleil brillait haut, il faisait agréablement chaud, il n'y avait pas un seul nuage à l'horizon. Il avait donc enfilé un bermuda en jean et un tee-shirt blanc avec un col ouvert en V, pris une serviette de bain et retrouvé Eden, un peu par hasard, pour lui proposer de l'accompagner à la plage, qui n'était pas très loin. Elle avait assez vite accepté, à son grand plaisir.

Il se souviendrait aussi toujours de la lueur dans le regard d'Eden lorsqu'elle vit la mer pour la première fois. Les vagues venaient frapper en rythme la plage de petits galets gris. Ils avaient la plage pour eux seuls. Tout ce que Laz voulait savoir, c'était si Eden aimait la plage. Il avait quelque chose d'assuré, debout sur la digue, la serviette jetée sur l'épaule, les lunettes de soleil sur le nez. Il était détendu, et un sourire fendait son visage. Il n'aspirait qu'à une chose : faire plaisir à sa partenaire. C'était sa journée, ce jour-là. Ils avaient la digue et le port pour eux tous seuls. Il lui avait proposé de marcher un peu, pour s'éloigner des grosses infrastructures. Il connaissait une petite baie totalement accessible à pied, à l'esprit sauvage... Elle ressemblerait peut-être plus à l'image qu'une fille comme celle qui l'accompagnait pouvait s'être faite de la mer. C'était un endroit superbe, et puis, vu que les touristes n'étaient pas encore trop là, ils devraient pouvoir s'y installer sans souci. Il avait passé un bras autour des épaules de sa partenaire. Il n'y avait pas d'arrogance ou de possessivité dans ce geste. Certains auraient pensé qu'il signifiait une chasse gardée, mais il ne la gardait pas serrée contre lui. Elle était libre de se libérer de son emprise. Il avait plus l'air d'un grand frère, à vrai dire, et c'était souvent l'âme qu'il se sentait, lorsqu'il ne se sentait pas bouillonner d'amour. Le sentiment était devenu ambigu, maintenant qu'il s'interdisait toute approche. Ils travaillaient ensemble, et elle ne semblait pas ressentir les mêmes sentiments. Il n'avait pas le droit de gâcher les choses entre eux. Ça serait égoïste. Alors, il s'était employé à la faire rire, toute l'après-midi, en longeant la digne, puis le petit port de plaisance, dans lesquels il avait pointé du doigt les bancs de poissons noirs ou argentés qui zigzaguaient entre les bateaux. Puis il l'avait emmené par un petit chemin à flanc de falaise, dissimulé dans la bruyère, en tenant sa main pour qu'elle ne glisse pas. Et ils avaient débouché sur la petite crique devant laquelle il avait atterri, le jour de son plongeon. La falaise formait une voûte, au dessous d'eux, sous laquelle la mer s'était avancée. La plage était peut-être à l'ombre pour le moment, comme lorsqu'il avait sauté, à marée haute, mais lorsque la Méditerranée reculait, les galets qui étaient dégagés par l'eau étaient au soleil. Là, l'eau était au plus haut. Ils ne craignaient rien, là, Laszlo connaissait un minimum l'endroit. Il étendit la serviette sur les galets et s'assit dessus, invitant Eden à faire de même. Ils regardèrent longtemps la mer en silence, puis il brisa le silence avec douceur, pour raconter son exploit, un jour où il était plus jeune, où il avait sauté dans un éclat de rire quand les aînés n'osaient pas. Ça lui avait fait du bien, d'en parler. Il était bien là, avec elle. Cette après-midi, pour beaucoup, n'avait rien d'exceptionnel. Mais pour Laz, elle était magnifique. Il avait passé un moment de plus de privilégié avec Eden. Son Eden. La fille pour laquelle son cœur battait la chamade. Il avait tout fait pour que cette balade sur la plage soit un moment magique, pour elle. Il s'était plié en quatre, il avait accompli toutes les volontés de la demoiselle, lui avait proposé nombre de choses. Si elle n'avait jamais vu la mer, il fallait que la première fois à la mer soit magique, pour elle. C'était le but qu'il s'était fixé. C'était aussi son but de chaque jour ; mettre un peu de magie dans la vie de cette fille qu'il aimait tant.

Cette vie du cirque, voilà qui lui réussissait beaucoup. À dix-sept ans, il avait été chassé de sa famille, et il avait bien cru qu'il ne s'en relèverait jamais. Et à vingt-deux ans, il fallait le voir. Il était le petit dernier du cirque – enfin, sans compter les quelques jeunes nés depuis qu'il était là, parce qu'eux, ils arrivaient en faisant déjà partie de la famille – mais connaissait désormais très bien tout le monde. Autour du feu de joie, le soir, il dansait avec plaisir avec les filles de la troupe, pour peu qu'elles soient venues le chercher, car il n'aimait vraiment pas la danse. Sauf lorsque c'était Eden qui venait le chercher, car là, il ne voyait plus qu'elle, il oubliait le monde qui l'entourait. Ici, tout le monde dansait avec tout le monde. Il prenait aussi régulièrement sa guitare, pour ambiancer de musique leurs soirées et leurs danses. Jamais il ne chantait devant tout le monde. Une fois ou deux, en se pensant seul, ça lui était arrivé, de chanter, mais jamais en sachant pertinemment qu'on l'écouterait. La journée, lorsqu'il voyait un enfant jouer avec un objet qui commençait à s'abîmer, il prenait généralement ses outils pour lui en offrir un autre, neuf. Ça ne lui coûtait rien, et leurs sourires heureux lui gonflaient le cœur. C'était vrai, ici, il ne leur fallait pas grand chose pour être heureux. Des vêtements, un espace pour courir, des jouets, un repas, un lit bien douillé. La misère, ils ne connaissaient pas, et Laszlo en était heureux. Quand il voyait cette belle vie qu'on lui avait donné la chance de vivre, il se disait qu'on lui avait fait le plus beau cadeau. Il n'avait peut-être pas la même âme d'artiste qu'eux, parce qu'il ne possédait pas cette même passion enracinée au fond du cœur, mais il aimait sincèrement ce qu'on lui avait donné la possibilité de faire. Les journées se suivaient mais ne se ressemblaient pas. En bientôt cinq ans qu'il sillonnait l'Europe avec le cirque, l'ébéniste n'avait jamais trouvé une seule seconde pour s'ennuyer ou se dire que ce qu'il avait fait la veille recommençait le lendemain. Le spectacle changeait à chaque saison, ils poussaient toujours jusqu'au bout de leurs capacités... Sa vie était parfaite, vraiment.

Parfois, dans certaines villes, ils croisaient des gens hostiles à l'idée de leur installation sur un terrain municipal, mais le cirque était intouchable ; il avait toujours l'aval de la mairie, car quand la famille Garcia passait, il n'y avait jamais de grabuge. Les artistes restaient entre eux, sauf Laz qui de temps à autres se baladait seul dans la ville mais sans faire la moindre esclandre, et puis ils laissaient toujours le terrain en ordre derrière eux. Par conséquent, lorsqu'il entendait des propos haineux ou discriminatoires à leur encontre, le jeune trapéziste le prenait généralement avec le sang chaud. Eux, des voleurs ? Ils gagnaient leur argent de leur talent et de leur sueur, réellement. Des malpropres ? Ils avaient vu un peu l'état de leurs HLM avant de parler des caravanes toutes équipées ? Enfin, il s'astreignait toujours au calme... S'il voulait leur donner raison, il n'avait qu'à leur mettre son poing dans le nez, et là, il allait avoir de gros ennuis, ce qu'il préférait éviter pour ne pas mettre dans l'embarras toute la troupe à cause de son caractère explosif. Parce qu'il était peut-être gentil et patient, mais certaines choses avaient le don de le mettre hors de lui. Comme la haine que ces blancs sédentarisés leur vouaient parce qu'ils avaient la peau caressée par le soleil et qu'ils vivaient encore comme les premiers hommes de ce monde, sans se fixer. Et on leur inculquait le respect des différences, à l'école, c'est bien ça ? Ils ne connaissaient que la discrimination, et c'était une habitude pour eux de jeter la pierre à ceux qui ne vivaient pas à leur mode. Comme si Laszlo leur jetait la pierre, tiens ! C'était cette sorte de haine qui avait transformé leur chapiteau en brasier, il le savait. Toute la troupe s'était retrouvée autour du feu de joie. Il était d'autant plus d'humeur festive qu'il faisait un temps radieux et que le bilan annuel du cirque était bon. Côté trapézistes, il n'y avait rien à redire, on avait fait leur topo en tout début. Maintenant, Laz se tenait silencieux, comme les autres l'avaient été durant son bilan. Il en profitait pour observer à la dérobée Eden. Elle était de l'autre côté du brasier, ses grands yeux clairs brillants. Lui avait un sourire en la regardant. L'espace d'un instant, il tourna la tête pour attraper sur ses genoux une petite crapule de trois ans qui courait en direction du feu, et sa partenaire avait disparu. Il l'avait cherchée du regard, mais il n'en avait pas retrouvé la trace. Peut-être qu'elle avait juste voulu un peu d'air. Après tout, il ne pouvait pas tout le temps être derrière elle. Il ne voulait pas être étouffant. D'un autre côté, s'il se levait pour partir à sa poursuite, personne n'en manquerait un morceau, et ça serait histoire à rumeurs, sûrement. La troupe n'était pas trop potins mal placés, mais ça les ferait sûrement rire un peu de savoir qu'il courait après sa partenaire alors qu'elle ne le voyait strictement que comme un ami. Ça le faisait assez moyennement pour son image, et puis il n'était pas non plus très sûr que monsieur Garcia voit cela d'un très bon œil... Quoi qu'ils étaient tous les deux majeurs et que l'ébéniste s'était montré sous toutes les coutures depuis qu'il était au cirque... Il pouvait avoir des airs de gendre idéal à peu près tout le temps, sauf quand vraiment il explosait, et encore, en général il redescendait très vite après, ce qui était quand même non négligeable. Enfin, il ne voulait pas vraiment se mettre à suivre Eden inutilement. Il savait d'expérience que ces longs discours l'ennuyaient souvent, et elle n'avait plus vraiment de raisons de rester. Elle avait bien raison de vaquer à ses occupations.

Pourtant, elle ne revenait pas, et ce n'était pas vraiment normal. Encore moins normal que les flammes qui montèrent depuis le chapiteau. Dès que Laszlo vit la première, il ramena la petite qu'il tenait à sa mère et rejoignit les hommes. Tout le monde avait réagi du même mouvement, et il n'avait pas hésité une seule seconde à se jeter dans la mêlée avec les autres. Il savait que ça n'était pas sur lui qu'on comptait pour éloigner les véhicules, et d'ailleurs ils commençaient à démarrer et à s'écarter de la grande torche qu'était le chapiteau. Une nuée de chevaux déboula aussi dans l'herbe, mais déjà l'ébéniste ne s'en inquiétait pas. Il faisait passer les seaux d'eaux en rythme. Un plein partait, un vide revenait, et on essayait d'éteindre le feu. Pourtant, il continuait de s'étendre. Alors aux grands mots les grands remèdes. Il n'écouta que son courage lorsqu'il attrapa un vieux tuyau d'eau, qui lui permettrait d'arroser en continu en plus des seaux qui arrivaient aussi vite qu'on savait les remplir. Mais pour ça, il lui faudrait s'approcher au plus près des flammes et rester dans la chaleur suffocante. Ce qu'il fit. Les fumées l'asphyxiaient et l'incendie continuait de se propager. Il avait l'impression de cuire à l'étouffée. De temps à autres, dans un crépitement, un pan de toile s'effondrait, lui envoyant des nuées d'étincelles incandescentes qui venaient lui piquer la peau. A chaque fois, sa seule protection était de fermer les yeux aussi vite qu'il le pouvait tout en protégeant comme il y arrivait son visage en essayant de le cacher dans son épaule. La plupart des petites braises s'éteignaient sur sa peau, ne laissant que de petites traces, mais certaines autres, plus importantes, avaient brûlé ses bras et son torse plus intensément. Il ne se rendait pas vraiment compte de la douleur, ça ne le touchait que de très loin, tant il était absorbé dans son combat contre les flammes. La chaleur et le chagrin lui faisaient monter les larmes aux yeux. Ce chapiteau qui partait en fumée, c'était cinq années de sa vie... Il se donnait corps et âmes pour l'éteindre, mais pour le moment, il partait en fumée.

Ils avaient été impuissants, et malgré leurs efforts, il y avait de nombreux dégâts. Laz s'en rendait bien mieux compte maintenant qu'il ne restait qu'un tas de cendres autour du chapiteau. L'heure était à l'inventaire. Il n'avait pas perdu ses affaires, dans l'explosion d'un des camions, et la plupart des habitations avaient été éloignées à temps. On ne savait pas trop qui, mais on avait ouvert aux chevaux. Il en manquait bon nombre, dont certains qu'il avait été plus humain d'achever, quand d'autres n'avaient tout simplement pas survécu aux flammes. Tout le monde était choqué. L'ébéniste s'était mis à l'écart, complètement hagard, et il avait pris le temps de voir ses blessures. Il avait des impactes de brûlures. Avec la cendre collée dessus, ce n'était pas très beau et c'était assez douloureux, mais les zones étaient peu étendues, et il estimait à juste titre que s'il ne souffrait pas le martyr, c'était qu'il n'y avait rien d'irréparable sur sa peau colorée. Il sentait ses muscles raides. Il se sentait de plomb. L'adrénaline était retombée, rappelant à chacun qu'ils n'avaient pas dormi de la nuit. Alors, le trapéziste se releva pour rejoindre le groupe, bien plus loin. Il avait besoin de voir Eden, c'était vital. Il devait s'assurer qu'elle allait bien. Mais à voir l'expression de son père, il avait du croire qu'elle était avec Laszlo. Un frisson glaça le sang de ce dernier, qui parcourut les visages autour de lui, sans trouver dans cette nuée d'yeux bruns dans le vide le bleu qui aurait fait briller son aube grise. Non, sa partenaire, son amie, sa confidente n'était pas là. Son cœur se fissura. Elle était forcément quelque part... Autour de lui, tout le monde semblait se rendre compte de l'absence de la gitane aux yeux d'azur. Ceux qui en avaient le courage se levèrent et bientôt les voix s'élevèrent pour appeler Eden. Laz y mêla la sienne. Il l'aurait brisée à vie si ça avait été nécessaire. Il fallait qu'ils la retrouvent. Qu'il la retrouve. C'était vital. Il n'imaginait pas une seconde avancer sans le rire de cette fille qui donnait la mesure du battement de son cœur de gitan. Pour elle, il aurait tout abandonné, se disait-il. C'était cette sensation qu'il avait. Quand il la voyait, il ne lui résistait plus. Comment aurait-il pu la perdre dans cet incendie ? Sauf qu'elle ne répondait pas, et qu'il avait beau fouiller les lieux des yeux, il ne la voyait pas.

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Alexandre L. Leroy
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« C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Vide
MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:39


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« Phœnix »

Et enfin, plus loin, il vit une silhouette qu'il connaissait parfaitement se dresser. L'appel qu'il s'apprêtait à lancer de nouveau de sa voix déchirée se mua en un murmure qui franchit à peine ses lèvres. Il était déjà à bout de souffle de s'être époumoné à l'appeler, ses muscles refusaient déjà de bouger, et pourtant il s'élança de toute la vitesse dont il était capable vers elle, beaucoup trop soulagé qu'elle soit vivante pour se poser la moindre autre question. Il ne freina que pour ne pas lui rentrer dedans totalement car l'impacte aurait été violent, mais il ne perdit pas une seconde pour passer ses bras autour des épaules d'Eden. Il voulait juste pouvoir la tenir contre lui le temps d'oublier cette horrible peur qui l'avait tordu le temps où elle n'avait pas répondu. Elle était vivante. Vivante ! Il n'y avait que ça qui comptait maintenant, pour lui. Il ne l'avait pas perdue. Sauf qu'il la tenait à peine qu'elle le repoussa. Il le sentit distinctement, car c'était la première fois en cinq ans qu'elle faisait ce geste contre lui, de pousser contre son torse, ses deux mains fines à plat. Ça ne laissait pas de possibilité de se tromper sur sa volonté. Elle voulait qu'il s'écarte. Alors, blessé, il recula de deux pas, laissant ses bras ballants retomber le long de son corps. Son expression était ouvertement blessée. Il serra la mâchoire pour essayer de garder un air digne, mais son regard était brillant. Il semblait avoir perdu toute son assurance d'un coup. Et puis, il réalisa. Cette fille, avec laquelle il partageait tout, depuis cinq ans... Elle ne l'avait pas repoussé, enfin, pas vraiment. C'était elle qui était blessée. Son dos avait été brûlé. Il n'y avait pas fait attention, dans sa précipitation, et il lui avait fait mal. Son regard s'alluma différemment, et il s'approcha de nouveau d'elle. Il attrapa ses mains frêles, sûr de ne pas lui faire mal de nouveau, et il l'attira contre lui, fermant les yeux. Le soulagement le traversait petit à petit. Maintenant, les cris avaient cessé autour d'eux. Alors, Laszlo avait emmené Eden vers les gens regroupés, sa main puissante tenant celle plus fragile, lui semblait-il, de sa partenaire. Il avait vu le chagrin, dans son regard, quand elle avait elle-même vu les dégâts causés par cet incendie, qui ne pouvait pas, en aucun cas, être accidentel.

La destruction de leurs biens avait complètement abattu les artistes de la troupe. Tout le monde s'était terré dans le silence. Laz, lui, avait besoin de parler un peu. Sa voix était rauque, cassée, et s'il ne murmurait pas, il avait l'impression qu'on enfonçait des tessons de verre dans sa gorge. Il avait son Eden à portée de voix, et il lui parlait donc avec de la douceur. Il se doutait que les choses devaient être bien plus dures pour elle que pour lui. C'était toute sa vie de petite fille qui s'était envolée en fumée. Pour lui, ce n'était que cinq ans, mais il ressentait quand même du chagrin, de la douleur. Alors, elle devait être effondrée. Il essayait gentiment de la faire sortir de son choc. Il fallait qu'ils l'emmènent à l'hôpital, de toute façon. Mais non. Elle ne lui décrocha pas un mot, quoi qu'il lui dise. Cette situation l'inquiétait réellement. Ça n'avait rien de normal, qu'elle s'enferme dans le silence. Elle qui parlait toujours, riait sans cesse... Comment pouvait-elle ne même pas lui répondre, pour des choses simples ? Il sentait comme un malaise, et finit par se taire, se contentant d'être là, rassurant, avant qu'elle ne parte à l'hôpital, mais il s'inquiétait énormément. Son bel oiseau sauvage avait cessé de chanter la vie, comment ne pas s'inquiéter ? Elle était si silencieuse qu'il ne savait même pas à quel point elle pouvait avoir mal. Ses brûlures étaient bien plus importantes que les cloques qui marbraient la peau tannée de l'ébéniste. Il craignait pour elle, et il avait mal pour elle. Il faisait la meilleure figure possible, dans ce jour morose, parce qu'ils étaient entourés, mais il n'allait pas bien.

Il accompagna Eden à l'hôpital, parce qu'on avait estimé qu'il fallait aussi que quelqu'un examine les boursouflures et autres plaies suintantes sur son torse et ses bras. Pour lui, il n'y avait rien de grave, enfin, il ne garderait pas de cicatrice, mais il faudrait laisser le temps à la peau de se refaire. Il avait eu bien de la chance que ses yeux ne soient pas touchés. Il se serait retrouvé aveugle. Il était conscient d'avoir agi inconsciemment, mais il avait été pris dans l'action, et il n'avait pas pu se résigner à laisser partir en fumée ce qui représentait pour lui sa deuxième chance. Maintenant, il ne restait plus rien, et monsieur Garcia avait déjà dit qu'il abandonnait. Les cendres de son cirque étaient encore chaudes, mais tous savaient qu'il ne leur restait plus qu'à partir. Pour l'instant, Eden n'était sûrement pas au courant. Laszlo n'avait pas eu le courage de le lui dire. Et puis, ce n'était pas sa tâche. Son but, c'était de protéger sa partenaire, coûte que coûte. De ne pas la lâcher, jamais. C'est pour ça qu'il était resté à l'hôpital, même s'il avait reçu l'autorisation de rentrer chez lui, un peu plus tôt. Chez lui. Le mot lui avait semblé creux, vidé de tout sens. Il n'avait plus de chez lui. Il allait devoir partir. Sa famille d'adoption allait éclater. Les liens allaient se défaire, par nécessité. Alors il était resté là, pour épauler sa gitane aux yeux océaniques. La famille Garcia avait trop à faire pour passer tout de suite, en sachant que leur fille était sauvée. C'était vrai qu'elle ne risquait plus de mourir, mais le l'ex-trapéziste ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour elle. Alors, dès qu'il put, il alla la voir. Et comme il s'y attendait, elle n'était plus vaillante, lorsqu'ils n'était qu'à deux. Il la connaissait assez pour qu'elle n'ait pas à faire semblant, avec lui. Lui non plus, ne faisait pas semblant. Seulement, pour la première fois en cinq ans, il garda une part de ce qu'il ressentait à l'instant présent pour lui. Il ne pouvait pas la laisser porter deux fardeaux, et il était capable de porter une part de sa douleur à elle en plus de celle qui rongeait son cœur de gitan. Et chaque jour, tant qu'elle était à l'hôpital, il y passait tout son temps. Chaque fois, il espérait entendre un son franchir ses lèvres, mais elle ne semblait plus en être capable. Il n'y avait pas d'explications rationnelles. Enfin, rien de plus qu'elle avait eu un choc, qui avait bloqué un mécanisme dans sa tête, et qu'il faudrait attendre un déclic, qui pourrait venir demain ou jamais, pour qu'elle reparle, éventuellement. Ça n'avait rien à voir avec une lésion du cerveau ou un coup qu'elle aurait prit... C'était un blocage, comme si elle avait égaré une pièce de rouage d'une machine complexe. Il s'était habitué à la voir griffonner les réponses à ses questions sur une feuille, et il avait gardé l'habitude de lui répondre à l'oral. Il espérait peut-être qu'à entendre le son d'une voix qu'elle connaissait bien, sa voix à elle reviendrait. C'était bête aux yeux de certains, mais c'était la seule chose que lui pouvait faire pour elle. Et Laszlo aurait donné sa voix pour entendre ne serait-ce qu'une fois de plus celle d'Eden. Il aurait donné sa vie pour revenir en arrière et empêcher cet incendie, pour qu'elle ne perde pas tout ce qu'elle avait toujours connu. Il ne lui semblait pas y avoir de sacrifice impossible pour effacer toutes ces mauvaises choses qu'il voyait sur ce visage qu'il aimait tant. Il passait tout le temps qu'il pouvait avec elle. Certains ont la frousse des hôpitaux, mais pas lui. Pour elle, il aurait affronté ses pires craintes, de toute façon. Ce n'était pas des murs blancs et une odeur de médicaments qui allaient l'impressionner, maintenant qu'il avait fait face à un véritable brasier, armé seulement d'un tuyau d'eau sans grande pression. De toute façon, il aurait recommencé ce geste d'inconscience s'il l'avait fallu. Il se serait même jeté dans les flammes pour la retrouver et la mettre à l'abri. Bien entendu, de cela, il ne lui disait rien. Si ses pensées étaient graves, il se voulait le plus léger possible, lorsqu'il était avec elle. Il voulait juste la voir lui sourire, rien qu'un peu.

Il sentait pourtant bien qu'elle n'allait pas vraiment mieux. Déjà parce qu'elle ne portait pas de masque avec lui. Ensuite, parce qu'il sentait qu'elle lui cachait quelque chose. Il y avait une chose qu'elle ne voulait pas lui dire, une chose à laquelle elle pensait sans l'avouer. Il réfléchissait beaucoup, pour deviner ce dont il pouvait bien s'agir, mais il ne vit rien venir. Eden s'en allait. Elle l'avait décidé et plus rien ni personne ne la ferait changer d'avis. Pas même lui, il le savait. Alors pourquoi lui aurait-il fait croire qu'il allait bien ? La douleur avait pris place à travers ses traits, sa respiration était un peu laborieuse tandis qu'il la serrait dans ses bras. Il avait l'impression que d'une seconde à l'autre, il pourrait exploser. Dans ce cas-là, ça ferait mal, très mal. Son cœur s'était déjà suffisamment fissuré. Les mots n'auraient jamais pu franchir ses lèvres. Sa voix aurait bien trop tremblé. Le temps s'était arrêté, jusqu'à ce qu'il s'écarte très légèrement. Il devait la laisser partir, c'était son choix, après tout. La demoiselle glissa ses mains fines dans celles plus puissantes de l'ébéniste, laissant leurs doigts se croiser, et il posa son front contre elle, les yeux clos. Il savait qu'il n'aurait eu qu'à avancer un peu et ses lèvres auraient effleuré celles d'Eden... Mais ce n'était pas le moment. Le baiser d'adieux ne serait que beaucoup plus douloureux. Il ne la suivrait pas, il le savait. Pourquoi se torturer inutilement ? De toute façon, elle mit fin à leur dernier instant. Il répondit à son sourire par un autre, qui manquait d'éclat et d'assurance. Il ne souriait que pour lui faire plaisir... Il n'en avait pas la moindre envie. Il la regarda monter dans la voiture. Il regarda la voiture s'éloigner, debout. Lorsqu'elle avait démarré, presque tout le monde avait fait un dernier signe avant de s'en retourner. Lui avait attendu que la voiture ait totalement disparu pour s'éloigner un peu plus. Il ne savait pas trop ce qui lui avait pris, mais il avait abattu son poing contre sa propre voiture, en sentant une décharge douloureuse remonter jusque dans son épaule. En dépliant les doigts, un papier avait glissé. Machinalement, il l'avait ramassé, pour le lire. C'était l'écriture d'Eden... Et ça lui déchirait le cœur. Il l'enfonça dans le fond de sa poche d'un geste rageur. Elle l'avait laissé... Il avait été incapable de lui faire comprendre qu'il l'aimait. Maintenant, sa vie était creuse. Pendant deux jours encore, il ne réalisa pas. Il la cherchait parfois du regard lorsque quelque chose lui passait par la tête. Et finalement, l'évidence lui tomba dessus, durement.

Eden était partie. Elle ne lui avait laissé qu'une insignifiante adresse. Il l'avait regardé s'éloigner, jusqu'à ce qu'il ne la voit plus à l'horizon. Autour de lui, le monde avait recommencé à tourner, mais le sien lui semblait ne plus pouvoir tourner. Il avait perdu son centre de gravité, et ne voyait plus de raison de tourner rond. Maintenant, il fallait qu'il prenne une décision. Il savait que le cirque ne repartirait pas. Monsieur Garcia abandonnait le combat après la destruction de son édifice et la perte d'une grande partie de sa cavalerie. Certaines familles d'artistes avaient déjà refait leurs valises. Ils faisaient peut-être tous partie de la grande famille du cirque Garcia, mais ils devaient penser à eux. Surtout lorsqu'ils avaient des enfants. Ils allaient chercher d'autres emplois dans d'autres cirques. Après tout, ils étaient tous de vrais artistes. Ils n'auraient sûrement jamais su se reconvertir. Laszlo, lui, avait un peu de temps pour rebondir. Il avait mis un peu de côté pour lui, et puis il pourrait toujours trouver une place d'ébéniste quelque part. Il se fichait bien de partir à l'autre bout de la France, parce que plus rien ne le retenait ici. Il avait attendu quelques jours, pour s'assurer qu'on n'avait pas besoin de lui ici. Il n'aurait jamais abandonné cette famille de substitution sans une raison valable. Mais on n'avait plus besoin de lui, et on n'avait rien à lui proposer. On lui conseillait même de filer. De donner des nouvelles, parfois, mais de filer, parce qu'on n'avait aucun avenir à lui offrir. Alors, il avait entassé toutes ces affaires dans sa petite voiture d'occasion, emmené tous ses souvenirs avec lui, et il était parti. L'idée d'aller à Etretat lui avait effleuré l'esprit, mais ça lui semblait juste impossible. Il voyait le départ de sa partenaire comme une véritable trahison, qu'il devait oublier au plus vite. Elle lui avait dit qu'elle l'attendrait. Pour le torturer un peu plus, en ne lui laissant qu'une place d'ami ? Il avait joué assez longtemps ce petit jeu-là. Cinq longues années, pour faire court. Dieu qu'il l'aimait ! Et pourtant, il ne la rejoindrait pas. Il avait plutôt pris la route pour chercher des conseils auprès de son vieux mentor. Il espérait bien le trouver à la boutique où il avait tout appris.

Et en effet, son vieux mentor était là, surpris de voir son élève revenir. Surtout que l'adolescent avide de connaissance était devenu un beau jeune homme que des événements récents avaient totalement désorienté. Si Laszlo était là, c'était pour rechercher des conseils avisés. Il ne savait pas vraiment quoi faire, il se sentait abandonné, il perdait une deuxième fois sa famille, en quelques sortes, et tout ne remontait qu'à sa formation. Il commençait à tout remettre en question, ce qui était terrible. Mais le vieil homme était lucide. Son ancien élève se remettait en question comme un adolescent se remet en question, car il ne se sentait plus épaulé. Il suffisait de lui montrer qu'il n'était pas seul, pour le remettre sur le droit chemin. L'homme avait une solution provisoire pour le gitan. Son ancien studio était toujours libre, au dessus de la boutique. Il pourrait travailler pour l'été ici, ça lui donnerait l'occasion de se poser et de réfléchir à ce qu'il voulait vraiment faire. Trouver un endroit où s'établir ou un autre groupe avec lequel voyager ? Persévérer comme ébéniste ou se reconvertir totalement ? Et puis ça lui mettrait quelques bons sous sonnants et trébuchants dans la poche, car le propriétaire de la boutique ne cherchait pas à le faire travailler contre une misère, en lui proposant cette solution. Laszlo n'en serait en aucun cas lésé. Il se sentait fatigué, de toute façon. Il n'avait plus envie de courir. Il acceptait le statut provisoire avec plaisir. Il pourrait se reposer, se régénérer. Car il était sous pression intense depuis l'incendie. Il se sentait de toute façon bien incapable de reprendre la route. Il se jeta donc à corps perdu dans son travail. Chaque jour, il s'installait sur son tabouret, dans la boutique, pour travailler. Lorsque les clients entraient, il levait la tête et leur souriait agréablement. Parfois, il discutait un peu avec eux, ou leur expliquait ce qu'il faisait. Il fallait dire que ses mains habiles bougeaient vite, et que ça pouvait être plutôt impressionnant. Et puis il avait un naturel assez ouvert quand il était dans cette boutique. Il commençait à se dire qu'une vie dans une petite ville comme celle-ci serait agréable, avec sa boutique, et donc juste les contraintes qu'il se mettrait. Bon, d'accord, ça voulait dire mettre un terme à sa vie de bohème, mais il n'y avait plus le cœur, de toute façon. Il ne se voyait pas retrouver un groupe, voyager avec, enfin, il ne s'y voyait plus. C'était un constat amer. Il restait fier d'être gitan, et il ne regrettait pas tout ce qu'il avait déjà parcouru de chemin. Mais peut-être que cette fois, ça voulait dire stop ?

Ses pensées devenaient plus nettes de jour en jour. Il voulait monter sa petite boîte – ou en reprendre une qui existerait déjà, mais il ne voulait ni patron ni employé – et être autonome. Il restait une partie de son idéal auquel il aspirait toujours. Il voulait se marier, avoir des enfants. Pas tout de suite, mais c'était un bon projet, pour lui. Il voulait rencontrer une fille, tomber amoureux. Maintenant qu'il allait vivre plus conventionnellement, ça serait peut-être plus simple. Mais il avait aussi un peu peur d'étouffer entre les murs. Il ne voulait pas trouver une secrétaire pour laquelle les vacances ça serait d'aller tous les ans dans la maison de famille où elle partait d'aussi loin qu'elle se souvienne... Non, il lui faudrait une fille qui n'aurait pas peur de bouger avec lui, de voyager pour les vacances, qui, si un jour il voulait changer de région, le suivrait. Il voulait d'une fille un peu comme lui. Il ne voulait pas qu'elle soit capable de l'étouffer. Cette idée lui faisait trop peur. Si on l'étouffait, il perdrait l'essence même de ce qu'il était. Un gitan ne devrait jamais être privé de sa liberté. Pour lui, son frère n'en était plus un, avec la vie qu'il s'était choisi. Mais Laz voulait garder ses racines profondément ancrées en lui, il voulait presque qu'on les voit lorsqu'il faisait un geste ou disait un mot. Il était résolument gitan, et très fier de ça. Même s'il ne continuerait pas de voyager, rien n'empêchait son cœur de continuer à vagabonder.

Petit à petit, sa bonne humeur lui revenait. Il éclipsait beaucoup de choses. Il avait rencontré une fille. Elle avait tout de suite été folle de lui. Lui s'était laissé entraîner. Elle ne lui déplaisait pas. Elle était gentille, douce. Elle avait un rire qui lui plaisait. Ses yeux étaient couleur d'émeraude et ses longs cheveux raides étaient blonds. Elle était différente de toutes les filles qu'il avait côtoyé jusque là. Il n'était pas ce que l'on peut appeler amoureux, mais cette fille lui faisait du bien. Elle le distrayait, en quelques sortes. Ils étaient rapidement devenus proches. Il y avait nombre de choses qu'elle ne savait pas sur Laszlo, mais la part de mystère qu'il gardait semblait ne pas la déranger, et c'était très bien ainsi. En bref, une petite aventure commença entre eux. Elle permettrait peut-être au gitan d'oublier Eden, qui occupait bien trop de ses pensées. Et sans vous méprendre, il avait quelques sentiments pour cette jolie blonde prénommée Clémence, plus petite que lui et toute menue. En tous cas, à deux, ils passaient de bons moments, et elle faisait un bien fou à l'ébéniste, qui abordait de plus en plus sereinement sa nouvelle vie. Il envisageait même de plus en plus de repartir avant la fin de l'été. Il avait trouvé une boutique à Etretat, que le patron voulait céder, car il cessait l'activité, à l'âge de la retraite. Laz pouvait proposer un projet tout à fait viable pour reprendre le flambeau. Son mentor l'appuyait totalement, aussi. Le hic, c'était la ville dans laquelle il partait. Là-bas... Il y avait Eden. Pourtant, à la place de ce nom, dans son cœur, il n'y avait encore que la cicatrice violente de cette blessure qu'elle lui avait infligé. Il lui en voulait terriblement de l'avoir laissé. Il n'allait pas à Etretat pour elle. Enfin, pas d'abord. Et puis, il avait proposé à Clémence de l'accompagner. Elle reprendrait les cours dans le courant de septembre, à Paris. En attendant, ça leur laissait tout le temps de continuer à batifoler, non ? Et puis, ça serait ses vacances à elle... Etretat, c'était la mer et la campagne. Un peu de vacances avant de retourner dans la folie de la capitale, ça se prenait, non ? Bien sûr que si, et elle accepta. C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent dans la voiture, direction Etretat, ce beau jour d'août. Laszlo était déjà monté sur la côte pour signer le côté administratif. Il était propriétaire du bail de la boutique. Il était en règles pour exercer son métier et vendre ce qu'il fabriquait dans son atelier. Il avait trouvé un studio là où les prix étaient les moins chers du marché ; l'académie Horse Beautiful. Le déménagement était déjà fait. Il ne lui restait plus qu'à descendre avec ses bagages et sa petite amie et à se poser dans son studio flambant neuf. C'était un tout nouveau départ, une entrée dans une vie qu'il ne connaissait pas... Mais il y avait assez réfléchi pour savoir que ça ne l'engageait pas à vie. Il pourrait se remettre à flot là-bas, un an ou deux, gagner en stabilité, s'assurer de ce qu'il voulait... Et puis aviser. En fait, il conservait sa liberté.

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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:41

Kyaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah *-*
Il est là, il est là, il est là *-*
Merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, je te ferai bâtir un temple en or plein « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 1195172472 « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 657858131 « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 188293641
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Alexandre L. Leroy
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 19:47

A genoux devant mon histoire Titou... J'veux qu'tu fasse graver toute cette histoire sur les murs en caractères incrustés de lapis-lazuli, compris ? « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 20:25

:O. O: Combien de mot?
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 20:32

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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 20:35

Bah écoute, c'est tellement que j'ai une sacrée flemme de le lire là-maintenant tout de suite... « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734
Welcome avec ton monsieur le 20ème. ^^
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Alexandre L. Leroy
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 20:38

17 752 « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734 J'suis assez fière, de même pour la signature « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMar 12 Aoû 2014 - 23:25

« C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 757556049 je crois que je ne la lirai pas de suite hein.... « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMer 13 Aoû 2014 - 9:56

Comme promue, j'ai lu cette histoire... J'ai du y passer au moins quinze bonnes minutes « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 2641883990
Mais j'adore *.* Comme souvent avec tes histoires ^^
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMer 13 Aoû 2014 - 11:55

Enfin une courageuse ! J'suis contente de plus être la seule à l'avoir lue « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 337664734
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Alexandre L. Leroy
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitimeMer 13 Aoû 2014 - 12:00

En même temps, j'me serais pas permis de poster autant de mots si ça avait été un navet fini... Même pour la quantité j'aurais eu trop honte « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez 2641883990 En tous cas contente que t'aime ^^
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MessageSujet: Re: « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez   « C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez Icon_minitime

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« C'est une façon de voir la vie » † Laszlo M. Súarez

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