Les mains ramenées autour de sa tasse de chocolat chaud, la brune repoussa ses lourds cheveux de ses yeux d'un mouvement d'épaule. Elle avait décidé de les laisser pousser dorénavant, et tant pis si la coiffeuse pestait à chaque fois qu'on lui demandait de coiffer la jeune fille. Les cheveux longs étaient un luxe qu'elle n'avait jamais pu se permettre jusqu'à aujourd'hui...
Une voix bien connue la fis sortir de sa rêverie. Elle releva la tête avec un sourire timide vers cette voix.

- Explique-moi pourquoi tu ne veux rien faire avec tes cheveux, tesoro...
- Tu veux dire "Explique-moi encore".

Elle poussa un soupir et perdit brusquement son sourire. Reposant sa tasse sur la table basse de peur de faire une bêtise, elle s'enfonça dans le canapé, désormais d'humeur boudeuse.

- Allons donc, voilà que ma chère Galante-Incoronata me boude...
- Icao ! Tu sais que je n'aime pas quand tu m'appelles comme ça. Non, je t'interdis de venir. Non, j'ai dis n....

Comme d'habitude, elle perdit la bataille et se retrouva bientôt dans les bras de son ami. Celui-ci, remontant pudiquement la manche du Tee-Shirt qui avait glissé de l'épaule de la jeune fille, commença à jouer avec les bagues qui ornaient les doigts de pianiste émérite qu'était la brunette.

- J'ai renvoyé les autres et j'ai fermé la porte, si tu veux tout savoir...

Galante soupira de plus belle. Il savait à quel point elle cachait son histoire, et à quel point elle lui faisait confiance en tous points. Et, surtout, il savait à quel point il obtenait toujours tout d'elle. Même si c'était réciproque, elle détestait ce sentiment de mutuelle obéissance.

- Il était une fois un petit bébé abandonné. D'après le médecin, ce petit bébé ne devait pas avoir plus de quelques mois, et pourtant, il était abandonné, dans les quartiers mal famés de Rome. Personne ne se doute de la misère qui règne à deux pas du Colisée, et pourtant...
C'est une jeune femme qui a trouvé ce petit bébé, enveloppé dans du linge d'excellente qualité, et brodé des armoiries d'une prestigieuse famille Italienne. Pourtant, aucune naissance n'avait été annoncée par aucun média, aussi personne ne savait d'où sortait ce petit bout de fille. Parce que, oui, c'était une fille.

Cette femme, un sourd instinct maternel la gouvernant, ramena la petite chez elle. Un taudis au rez-de-chaussée d'un immeuble miteux, sans fenêtres correctes, infesté d'insectes que plus personne ne s'attend à trouver dans une ville aujourd'hui. On raconte que cette femme a présenté la petite à son mari, et qu'ils ont décidé de la garder et de l'élever comme la leur.
Ce que certains oublieraient de dire, c'est que ce couple payait son loyer grâce au salaire de la femme. N'importe quel esprit prude chercherait à le faire comprendre de manière déguisée, mais ce n'est ni plus ni moins en se prostituant que la femme entretenait son mari. Ce dernier, quant à lui, passait sa vie à descendre des bouteilles d'alcool bon marché devant une télévision d'un autre âge ne captant guère plus de deux chaînes. Quant il était plus ou moins sobre, il vendait ses services en portant les bagages des riches habitants de Rome et en faisant la queue devant les monuments pour les touristes.
Finalement, c'est avec l'argent de toutes ces activités lucratives que les parents ont pu entretenir leur enfant. Cette dernière a grandi avec eux, dans ce taudis. Elle tenait la maison, nettoyait ce qui pouvait encore l'être, et cuisinait avec les quelques aliments discount que l'un des deux parents pensait parfois à ramener à la fin de sa journée de travail.

On aurait pu croire que la demoiselle se serait inventé une vie, afin de palier à cette misère ambiante. Cependant, ses parents n'étaient ni violents ni malhonnêtes, et ils ne lui ont jamais rien refusé. Bien évidemment, elle ne demandait jamais rien de superflu et vivait avec le strict minimum. Mais elle a été à l'école, au collège, et a commencé une année au lycée. Elle lisait les journaux échoués dans la ruelle pour tenir son père occupé quand ils attendaient le retour de la mère pour dîner. Elle partait tous les matins le sourire aux lèvres, nullement gênée des remarques de ses camarades sur sa vie de misère. Elle refusait toutes les aides sociales et scolaires qu'on lui proposait, car elle n'a jamais oublié une chose. Elle n'a jamais oublié que ce sont ses parents, aussi misérables soient-ils, qui lui ont permis de ne pas mourir dans cette ruelle, le jour où elle a été abandonnée. Elle n'a jamais oublié tout ce qu'elle le devait, et chaque minute de sa vie était consacrée au remboursement de cette dette.

Elle grandissait, et son père ne cessait de la couvrir de compliments quant à sa supposée beauté. Cependant, il était le plus souvent ivre, et pour éviter de perdre trop de temps à s'occuper d'elle, elle gardait ses cheveux en désordre et courts...

Il connaissait la suite, bien évidemment. Il connaissait la raison de ce changement. Il connaissait tout d'elle, comme elle connaissait tout de lui. Se trémoussant contre lui pour récupérer son chocolat chaud, elle en but une délicieuse gorgée. Oui, il savait aussi qu'elle aimait le chocolat chaud vénézien, et il rajoutait toujours une touche de crème dans son lait pour lui donner cette texture lourde et sucrée.

- Et pourquoi aujourd'hui cette demoiselle ne veut même plus entendre parler de se couper les cheveux ?
- Parce qu'un ange est venu éclairer sa vie et lui a toujours dit qu'il préférait passer ses doigts dans des cheveux longs, signor...

Cet ange, c'était lui. Un jour, il était descendu dans les bas-quartiers de Rome, car il avait lui aussi connu cette misère. Il avait par hasard aperçu la jeune fille qui était partie apporter quelque chose à un ami, alors que ce n'était pas son quartier habituel. Intrigué, cet ange l'avait suivie, et était revenu tous les soirs pendant une semaine pour la regarder évoluer dans son environnement.

- Tu te souviens de ce que cet ange t'a dit, Nata ?
- Comment pourrais-je l'oublier ! "Mademoiselle, je suis photographe indépendant. Je suis à la recherche d'un jeune modèle pour faire un book et tenter de décrocher un contrat... Cela vous ennuierait-il de jouer à la poupée pour moi ?"
- C'est cela, à quelques mots près... Et tu te souviens de ce que tu as fait ensuite ?

Oui, elle s'en souvenait, et lui aussi. Elle avait accepté, et avait vécu une semaine de rêve. Logée chez cet inconnu, elle voyait défiler coiffeurs, maquilleurs et habilleurs. Puis elle posait, comme dans les magazines de mode que sa mère lui ramenait de chez un de ses clients. Un vrai paradis, pour une jeune fille de 14 ans ayant vécu presque toutes ces années dans son taudis.

Ensuite ? Cet ange photographe avait décroché son contrat pour un an, à une unique condition : qu'il vienne également avec la jeune fille de son book pour qu'elle soit engagée elle aussi. C'est ainsi, par un hasard plutôt heureux, qu'elle a signé avec MaxMara et a commencé sa carrière de mannequin.

- Et c'est toi ou c'est moi qui ai voulu que nous nous retrouvions, Icao ?
- Tu n'en aurais jamais eu le cran, mio caro. L'année d'après, j'ai prolongé mon contrat en y ajoutant une clause : l'exclusivité sur tes photos. A 15 ans, tu avais déjà ton photographe attitré...
- Et y a-t-il un jour que nous ayons passé sans se voir depuis ?
- Tu sais bien que je suis d'un naturel jaloux, belezza...

Oui, elle le savait, tout comme elle savait que tout cela n'était qu'une jalousie mal placée. Ils habitaient ensemble, passaient leur temps à se chamailler pour mieux se câliner ensuite... Mais elle voyait défiler les conquêtes de son ange, car il n'y avait jamais rien eu entre eux. En fait, elle doutait de pouvoir faire de la place à quelqu'un d'autre dans son cœur, et elle vivait recluse dans cet immense appartement de Milano. Elle n'aimait pas Icao... Elle l'adorait, l'adulait. Il l'avait sauvée de sa misère et lui avait offert une chance de pouvoir s'en sortir toute seule. Il lui avait offert de quoi rembourser sa tête auprès de ses parents en les laissant finir leur vie seuls, sans plus avoir de charge financière autre que leur propre bonheur et leurs propres plaisirs.

Elle sentit plus qu'elle ne vit son ange repousser ses cheveux avec un soupir.

- Et ces cheveux ?
- Tu m'as toujours dit que tu préférait les femmes aux cheveux longs, Icao...
- Oui, mais tu n'es pas une femme, cara. Tu sais que jamais je n'ai pu te regarder comme telle...
- Le jour où je suis rentrée une dernière fois à la maison pour remercier et soulager mes parents du fardeau que j'étais, mon père avait déjà commencé à boire. "Tu n'as même pas de prénom, ma fille. Alors va, laisse-nous ici. Mais fais-toi appeler Galante. Galante Incoronata. La galante couronnée. Car n'oublie pas que tu as été une vraie princesse pour ta mère et moi... Et n'oublie pas que tu es une beauté. Mais garde tes cheveux, dans ta nouvelle vie..."

Et elle l'avait fait. Elle avait gardé ses cheveux, leur offrant parfois un dégradé, parfois une frange ou une mèche pour coïncider avec les exigences de la marque, mais sans jamais les raccourcir plus que les quelques centimètres nécessaires à leur bonne santé.

- Icao, je m'en vais, tu le sais n'est-ce pas ?

Elle le sentit se contracter derrière elle. Oui, il le savait, elle lui répétait sur tous les tons depuis un mois. Elle avait envie de voyager, de découvrir d'autres horizons. Pour la première fois de sa vie, elle allait être séparée de son ange. Si, pour lui, cette séparation n'était que triste, pour elle c'était un saut dans le vide. Avec la tristesse et la mélancolie, elle savait qu'allait se réveiller sa peur de l'inconnu, de la foule, du monde en général... Mais elle avait besoin de voir ce que c'était de voyager. Et puisqu'elle n'avait jamais eu de petit ami à emmener, elle partirait seule.

- Tu parles français, Nata ?
- Français, italien, anglais, espagnol, arabe, allemand, portugais, chinois et l'hindi. Ne me dis pas que tu ne le sais pas, c'est toi qui m'en a appris la plupart.
- Si j'avais su qu'un jour ça se retournerait contre moi...

Elle le laissa bouder à son tour. Après tout, il en avait tout à fait le droit.

Elle se releva en silence, refusant de laisser ses larmes couler. Elle reprit sa tasse, et déposa un baiser sur le front de son ange.
Il savait où elle allait. Il n'avait plus qu'à venir la chercher, quand il aurait besoin d'elle. En attendant, il allait falloir qu'elle se fasse à ce prénom qu'elle détestait...

Bonjour! Je suis Mini BN et j'ai toujours 17 ans. J'ai connu le forum en cliquant sur mes favoris, cette fois-ci et je dois dire que je le trouve toujours vert, sympathique, mais je dois ajouter qu'il est un vrai asile pour toute forme de vie... Je serais présente 5j/7. Je dois dire que heu... heu... z'avez pas déjà compris que je suis un peu à côté de la plaque ?. Pour finir, le code du règlement est Ouki by Kay' .