Pour vous raconter mon histoire, je dois vous raconter celle de ma famille. Et surtout celle de mon arrière grand père, Philippe Kieffer. Son enfance n'est pas très importante, tout comme son adolescence. Non, la période la plus intéressante de son histoire, c'est la période adulte, de 1939 à 1944. Car mon arrière grand père a participé à la seconde guerre mondiale. D'abord aux Etats-Unis, il rejoint De Gaules au lendemain de son appel du 18 Juin 1940. Il s'engagea dans les forces navales françaises libres dés leur création. Il en fit parti jusqu'en 1942, date à laquelle il devint le chef d'un groupe de commando, le premier français. Après des mois d’entraînement en Ecosse, il fut décoré du célèbre béret vert des commandos en mai 1944, à quelques semaines du débarquement. Parlons en du débarquement. Le 6 Juin 1944, mon arrière grand père fut l'un des premiers à poser le pieds sur le sol français lors du débarquement. Par la suite, il participa à la prise du casino de Ouistreham. A la fin de la guerre, il resta en France. Mais aux Etats-Unis, il avait eu une aventure avec une américaine et avait reconnu l'enfant, lui permettant de porter son nom. Il s'appelait James Kieffer et il s'agissait de mon grand père. Je ne suis pas de la lignée officielle des Kieffer mais je fais quand même parti de la famille. Un cousin éloigné de la lignée officielle dirais je.

Maintenant que vous connaissez l'histoire de ma famille, parlons de la mienne. Je suis né il y a 32 ans, dans la très belle ville de New-York. J'ai eu une enfance tout ce qu'il y a de plus banale dans la petite banlieue de Manhattan. Oui, je sais, y a plus pourrie comme quartier. Mais que voulez vous, quand votre père est un riche homme d'affaire dont les bureaux sont placés dans la tour sud du World Trade Center, vous êtes obligés de vivre dans ce quartier, à deux pas du lieu de travail de votre père. Vous pensez également que rien ne pourrait vous arriver... Mais vous ne savez pas à quel point vous vous trompez. Plutôt que de choisir la voie tracé par mes parents, mon père surtout, à savoir reprendre l'entreprise, j'ai décidé de devenir policier à la portuaire de New-York. Nous faisions le même travail que la police mais nous le faisions aussi bien sur la terre que sur la mer ou l'Hudson. Et puis, la journée parfaite qui vire au drame: le 11 Septembre 2001...

J'étais avec mon unité quand on nous signala un incendie dans la tour Nord du World Trade Center. A aucun moment nous n'avions pensé à un attentat. Nous étions sur la route pour le site du WTC quand on nous annonça un incendie dans la deuxième tour. Et rapidement, une rumeur enfla dans le bus: il s'agissait d'un avion qui était entré dans la deuxième tour, causant l'incendie. Arrivé sur les lieu, j'avais devant moi une vision d'enfer. Des personnes sortaient des deux tours, certains étaient blessés et saignaient. Notre chef de peloton demanda des volontaires pour aller avec lui dans l'une des tours. Je fus de ceux là et sans aucune hésitation. Alors que nous traversions l'allée centrale pour rejoindre l'une des deux tours, un grondement impressionnant se fit entendre. Nous ne pûmes réagir que le sol s'ouvrait sous nos pieds. Je perdis connaissance et quand je repris mes esprits, j'étais coincé sous une pierre, incapable de bouger. Je ne sais combien de temps je restais là, à essayer de retrouver mes camarades par la voix. Mais je n'eus jamais de réponse. Alors, je perdis espoir, l'espoir d'être un jour retrouvé vivant. La nuit était tombée... Depuis combien de temps étais je coincé sous terre? Aucune idée. Toujours est il que j'entendis des voix au dessus de moi. Incapable de crier, je réussis à faire du bruit avec un bout de métal que j'avais trouvé quelque part. Je fus sorti des décombres au bout de plusieurs heures et eut le choc de ma vie: les tours avaient disparus. Arrivé à l'hôpital, je vis ma mère se précipiter vers moi, en larmes. Je passais sur le bloc opératoire pour réduire une fracture de la jambe et restais plusieurs semaines à l'hôpital. La seule permission à laquelle j'eus droit fut celle pour l'enterrement de mon père. Il avait perdu la vie dans l'effondrement de sa tour et son corps n'avait jamais été retrouvé. Cet événement me fit comprendre que la vie devait être vécu pleinement.

A la suite du 11 Septembre, je fis des recherches pour retrouver la branche de la famille Kieffer qui vivait en France. Ils habitaient en Normandie. Parlant d'abord via mail, nous avons finalement pris contact téléphoniquement. La famille Kieffer avait toujours su que notre arrière grand père avait eu un enfant aux Etats-Unis mais ils n'avaient jamais pensé à ce qu'on pourrait les chercher. Trois ans après le 11 Septembre, je fis le premier voyage de ma vie vers la France. Et je le fis plusieurs fois jusqu'en 2010. A ce moment, je démissionnais de la brigade portuaire de New-York pour aller m'installer à Saint-Pierre-Port, une ville sur une petite île, là où vivait ma cousine, Samantha Kieffer. Tout se passait bien, j'avais intégré la police de l'île. On se rendait vite compte que je n'étais pas du pays à cause de mon accent très américain. Et puis, la mutation, celle que l'on ne peut pas refuser. J'étais envoyé à Etretat. Une mutation plus qu'incompréhensible car la caserne était complète, je n'allais pas pouvoir y habiter. Cherchant donc un endroit où me loger avec l'aide de ma cousine, nous avons trouvé une petite académie équestre qui, en échange de soins sur les chevaux, proposait des studios. Sachant que c'était la seule chose que je pouvais m'offrir avec mon salaire, j'acceptais d'aller vivre dans une académie équestre. Mais en soit, cela ne m'a jamais dérangé, j'avais toujours aimé les chevaux.