Bon, les études, c’était pas mal. J’étais intéressé par ce que je lisais, y’avait pas. C’est juste que bordel, quand y’avait Céleste dans la pièce d’à côté, j’avais tout le mal du monde à ne pas aller l’embêter ! C’était une envie presque irrésistible que j’essayais de contenir tant bien que mal. En général, quand je bossais, je n’étais pas rapidement distrait ni rien, mais là c’était juste l'enfer. Dès qu’elle claquait un peu trop fort une porte, qu’elle passait l’aspirateur ou qu’elle faisait le moindre autre bruit qui parvenait à mes petites oreilles, je levais la tête pour voir si, par le plus grands des hasards, elle n’entrait pas dans la pièce où j’étudiais. La chambre, à savoir, parce qu’on y avait installé un bureau afin que ça soit plus confortable pour moi, pour étudier. Et avec tout ça, bah j’avançais pas. J’avais beau mordiller mon stylo à n’en plus finir, me prendre la tête entre les mains, passer ma main dans mes cheveux, étudier en tournant en rond dans la pièce, rien n’y faisait. Je ne retenais quasiment rien et c’était vachement pénible. Mais voilà, il fallait que je termine un chapitre pour le lendemain et ça n’irait pas à cette vitesse-là, donc j’allais devoir trouver une solution, et vite. Pour le coup, j’avais mis mes écouteurs et la musique à fond les ballons, pour éviter d’être distrait par Céleste – la pauvre, elle n’y était pour rien du tout, en plus – et ça avait plutôt bien marché, mine de rien. Il me restait deux pages à faire lorsque j’avais vu la porte de la pièce s’ouvrir sur mon amour de meilleur ami, qui m’avait quasiment sauté au cou, tout joyeux, pour me dire qu’il m’emmenait à Paris. Moi, j’étais juste trop partant. Le truc, c’était que ça ne plairait pas du tout à Céleste donc j’avais préféré ne rien dire, laissant Alexandre s’en charger à ma place. Il était assez persuasif, le blond ! Surtout qu’il avait juré à Céleste de ne pas m’emmener là où il ne fallait pas et il lui avait aussi montré qu’il avait vraiment, vraiment besoin de sortir. Finalement, elle n’avait pas réussi à dire non et après quelques baisers et un câlin à Choupi, je m’étais éclipsé avec Alex, ne prenant même pas soin de prendre quoi que ce soit comme affaires, puisque je n’avais qu’à me rendre chez moi si j’avais besoin de quoi que ce soit.

Bref, c’est donc dans la joie et la bonne humeur que j’avais abandonné mes cours – Alex avait le don de me déconcentrer encore plus que ce que je ne l’étais déjà, alors c’était même pas la peine d’essayer de bosser – et on avait embarqué dans la voiture de Camilla, puisqu’elle n’en aurait pas besoin et que le tas de boue d’Alex ne survivrait pas au trajet. Je me demandais bien quand elle rendrait l’âme, parce qu’elle avait vécu tellement de choses, cette bagnole, que ça m’étonnait fort qu’elle roule toujours. A croire qu’elle était aussi têtue que son propriétaire et qu’elle semblait vouloir garder le peu d’honneur qu’elle avait encore ! Enfin bref, dans la voiture, je m’étais affalé sur le siège, ne prenant même pas la peine de me redresser parce que bon, encore une fois, pas la peine de faire autant d’efforts pour Alex hein. Quand on était à deux, on oubliait souvent les bonnes manières et ce n’était sûrement pas très joli à voir, mais je m’en fichais royalement puisqu’on s’était retrouvés dans des situations tellement délicates, tellement gênantes que tout ça ne nous dérangeait plus le moins du monde. Lorsqu’Alex me demanda s’il n’avait pas de faux pli au niveau du col, je jetai un coup d'oeil dans sa direction avant de rire, amusé, et de lui répondre sur un ton plein d’humour, le sourire jusqu'aux oreilles :

« T’es parfait mon chéri, t’inquiète pas ! »

Vieux délire entre nous, peut-être un peu choquant pour certains, mais moi ça m’amusait vraiment trop. Je me redressai alors pour augmenter le son de la radio et, connaissant la chanson, je me mis à chantonner, mon regard rivé sur le paysage. Et puisque la route était longue, j’avais tout le temps de réfléchir. A plein de choses, allant de Céleste à Alex, de mon chien à Blanche. Côté Alex, j’étais content de le voir aux taquets comme ça, parce qu’avec Elli, on avait réussi à le ramener de Paris et depuis, il avait repris goût à la vie, apparemment. Il avait réappris à la vivre pleinement et ça me rendait incroyablement heureux, parce que c’était mission réussie, en ce qui nous concernait, Elli et moi. Le fait qu’il m’embarque à Paris sans même chercher à passer par les ruelles mal fréquentées, c’était une très bonne chose et j’étais vraiment content de pouvoir passer un peu de bon temps seul avec lui. Et quelque chose me disait qu’on n’allait pas rester très sages, voyez-vous… Bref ! J’étais bien, heureux, content, satisfait, et j’avais hâte d’arriver dans notre ville.

Finalement, après presque trois heures de route, nous arrivâmes au bar à ambiance qu’Alex avait choisi parce qu’il connaissait très bien le gars à l’entrée, qu’il m’avait dit. Une histoire de cousin par alliance, et moi bah ça m’allait très bien. Parce que je connaissais aussi pas mal de bons endroits dans la capitale, mais je le laissais mener la danse parce que c’était quand même lui qui était venu me trouver dans mon appartement, alors moi je suivais sans râler ! Il se gara, coupa le contact et je le vis se regarder dans le rétroviseur en remettant une mèche de cheveux rebelle en place et en voyant que ça faisait épi, un sourire amusé étira mes lèvres. Meuh que c’était mignon ! Pour ma part, je me contentai de passer ma main dans mes cheveux pour les dégager de mes yeux, parce qu’ils étaient plutôt longs et ils bouclaient comme jamais. Alors même si ça m’allait à ravir, c’était pénible et il fallait que je les arrange de temps en temps pour les dompter un minimum. Après le dompteur de cartons, voilà le dompteur de cheveux ! Oui je sais, en général, on appelle ça un coiffeur. Mais moi, dompteur de cheveux, j’aime bien. Alors ho !  Finalement, nous sortîmes de la voiture et j’arrangeai rapidement ma tenue, qui sortait de l’ordinaire. Enfin, je n’avais pas l’habitude de porter  ce genre de choses, préférant la combinaison jean et t-shirt tout simples en général, mais là, pour l’occasion, je m’étais fait beau. Et en plus, tenue approuvée par le meilleur pote, c’était y pas beau ça ? Y’a une petite photo en bas, rien que pour vous, si vous voulez. Alex me sourit et me demanda si j’étais prêt à prendre une cuite comme je n'en avais pas pris depuis longtemps et je lui rendis son sourire, tout en répondant :

« Mais pire ! J’ai trop hâte ! » Je m’avançai vers lui et lui fis une tape dans le dos, lui lançant joyeusement : « Retour en arrière, mais en mieux ! »

Eh oui, en mieux. Parce qu’il n’y avait plus aucun danger maintenant, ou presque. Sauf si un de nos ennemis jurés se pointait, mais ceux-là, ils préféraient de loin traîner dans les ruelles et ils ne viendraient pas nous emmerder là, à mon avis. Donc tout allait pour le mieux ! Finalement, on s’engouffra dans le bar, déjà pas mal rempli mais loin d’être plein malgré tout. Y’avait juste de quoi mettre un peu d’ambiance, en fait ! Tout de suite, je me dirigeai vers le bar et m'y assis, un léger sourire aux lèvres. Une fois le serveur près de nous, je lançai :

« Deux Jacks, s’il vous plaît ! »

Même pas besoin de demander l’avis d’Alex, puisque de toute façon, il aimait le Jack et il pourrait prendre ce qu’il voulait après. Moi, c’était ma boisson préférée et c’était une tradition, d’attaquer la soirée avec ça ! J’attendis qu’on nous serve, pris mon verre en main et le levai pour trinquer, un sourire amusé aux lèvres, le regard pétillant :

« A nous, et à Paris ! »

Après l'avoir cogné contre celui d'Alex, je bus mon verre d’une traite, puis le claquai sur le bar, le sourire aux lèvres, le regard rivé sur Alex. Cette soirée s’annonçait vraiment trop bien ! Je jetai un coup d’œil aux gens dans le bar et, en voyant un groupe de filles, je lançai à Alex :

« Le seul hic, c’est que tu seras le seul à draguer, ce soir ! » Je fis mine de réfléchir, avant de continuer sur un ton ironique : « Bon, je sais bien que j’aurais eu plus de succès que toi parce que c’est moi le plus beau, mais elles devront quand même se passer de moi. C’est triste hein ? »

Dans la joie et dans la bonne humeur, s’il vous plaît ! Et c’était surtout pas vrai du tout, ce que je disais là, parce qu’Alex avait toujours eu plus de succès que moi. On se demandait bien pourquoi, hein ? Enfin, mine de rien, j’étais devenu un peu plus attirant depuis que j’avais déménagé à Etretat. Cheveux coupés beaucoup plus courts, corps plus musclé et plus présentable, un peu plus grand en taille, j’avais aussi pris quelques kilos donc visage plus rond et beaucoup moins enfantin. Alors si ça se trouvait, j’aurais peut-être plus de chance qu’à l’époque, sauf que je ne comptais pas du tout en profiter. J’étais marié et très bien avec Céleste, donc je ne chercherais pas à m’amuser avec d’autres filles, loin de moi cette idée-là. Bon, après une soirée passée à boire, je ne vous dis pas que j’allais encore savoir ce que je faisais hein, mais dans tous les cas, les autres gonzesses ne m’intéressaient pas et je comptais simplement leur parler, rien de plus. Fidèle hein, le monsieur Chevalier ? Oui, et surtout pas fou ! Faut pas aller chercher plus loin quand on a la perfection rien que pour nous...

La tenue :

J’étais bien. J’étais franchement bien. Dans une bagnole avec mon meilleur pote, direction Paris, notre ville à nous, où on avait absolument tout vécu. C’était un peu comme avant, sauf que la situation était complètement différente. Vous remarquerez que ce que je viens de dire est complètement contradictoire, maiiiiiiiiis… vous me suivez, n’est-ce pas ? Boh que oui vous me suivez !  J’étais heureux que Céleste nous ait laissés partir, alors qu'elle savait très bien qu’on se mettrait dans un état affreux en à peine quelques heures. Elle avait confiance en moi, je le savais, mais quelque part elle devait un peu s’inquiéter, et le fait qu’elle m’ait quand même autorisé à m’en aller, c’était tout à fait adorable et trop gentil de sa part. Et je le taquinais, mon blond ! Avec les petits mots doux que j’avais l’habitude d’utiliser avec lui, un poil moqueur, mine de rien. Les gens qui surprenaient nos conversations nous jetaient souvent des regards gênés, voire même choqués, mais ça me faisait bien rire parce qu’Alex… c’était juste un peu LE hétéro de service quoi. Moi aussi hein, mais lui, avec toutes les filles qu’il avait vues passer… Ouais ! Pas gay du tout, le Parisien. Sa remarque me fit rire et avec une voix pleine d’ironie et un sourire amusé aux lèvres, je lui répondis :

« Non, je vais t’appeler ‘mon poussin’ toute la soirée, devant tout le monde et sans m’arrêter. »

Ah, quel bonheur, de pouvoir le charrier comme ça. Fier de ma connerie, je m’enfonçais un peu dans mon siège et posai mon coude sur le rebord de la portière, observant le paysage qui défilait, pour finalement laisser place au paysage qu’on connaissait si bien. Je me sentais vivant. Sur mes gardes, parce que tous nos souvenirs ici n’étaient pas heureux, mais vivant. Enfin de retour dans notre Capitale, sans prises de tête, avec un Alex aux taquets et plein de joie de vivre, ou en tout cas à première vue. A l’intérieur, ce n’était pas tout à fait ça, vous en conviendrez, mais il était motivé à passer une bonne soirée et j’en profitais malgré tout, sans chercher à lui poser des questions ou sans m’inquiéter plus que ça pour lui. Après tout, j’avais bien mérité de me détendre un peu moi aussi, parce qu’avec tous les évènements des dernières semaines, eh bien… c’était un peu la déprime, quand même. Bref. Une fois la voiture garée, nos cheveux coiffés, des sourires motivés échangés, nous nous dirigeâmes vers la boîte choisie par mon cher Leroy. L’ambiance semblait au rendez-vous ! Il y avait déjà pas mal de monde, même s’il était relativement tôt, et j’avais tout de suite commandé deux Jacks afin de bien démarrer la soirée. Nous trinquâmes à nous, à tout ça, et les premières gorgées d’alcool furent avalées en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Non mais j’avais beau boire moins depuis un certain temps, je n’avais pas oublié comment faire et ce n’était pas un verre qui allait me faire tourner la tête ! Pendant que je discutais un peu avec Alex – enfin, que je parlais tout seul, plutôt – je le vis détourner le regard vers un petit groupe de jeunes filles et je suivis son regard, qui était soit dirigé vers la petite blonde plutôt mignonne, soit vers la brune juste à côté. Je misais plutôt sur la blonde, à vrai dire, mais impossible de suivre parfaitement son regard pour savoir ce qu’il en était réellement. Je parlais donc du fait qu’il allait être le seul à draguer ce soir, ce qui était, d’un côté, bien dommage parce que j’avais adoré ça à une époque, mais c’était surtout vraiment parfait parce que ça voulait dire que j’avais une princesse rien qu’à moi qui m’attendait chez moi. Et je ne comptais pas aller m’amuser avec une autre fille, il n’y en avait pas question et je n’y pensais même pas ! Fidèle hein, le mouton ? Bah hey, il est surtout fier de sa Céleste et pas prêt de la perdre, pas fou hein  Alex me répondit et j’eus un rire léger, tout en lui répondant :

« T’as plutôt intérêt à t’amuser oui, je compte sur toi ! »

J’eus un regard bienveillant à son égard, sans pouvoir m’en empêcher. Je retrouvais cette confiance en lui, cette sûreté dont il avait tellement souvent fait preuve, cette lueur d’amusement dans ses yeux qui trahissait son envie de se laisser aller avec la fille qu’il choisirait dans ce groupe. D’ailleurs, son regard se reporta sur elles et pour ma part, je jetai un coup d’œil aux autres groupes qui s’étaient formés petit à petit. Des gens de notre âge,  et puis des plus jeunes qui semblaient tout juste avoir l’âge d’entrer ici. C’était marrant de les voir galérer avec les filles, tout en sachant que j’étais passé par là, moi aussi. Ben oui, j’avais pas toujours été aussi beau, charmant et parfait hein, même si c’est dur à croire !  Oh, je rigole, les enfants, ne vous inquiétez pas. Tonton Flo’ est loin d’être l’homme idéal et il assume, mais de toute façon il s’en contrefout parce qu’il a ce qu’il lui faut ! Brefouilleuh.

Alex nous commanda la même chose lorsque nous terminâmes nos verres, puis il me tendit les clés de voiture, que je fixai pendant quelques petites secondes, les sourcils froncés. En écoutant ses explications, je laissai échapper un petit rire ironique, tandis que je lui répondis :

« Quelle solidarité, ma parole. T’es trop généreux... » Je fis une petite pause d’à peine une seconde, me penchai vers lui et lui chuchotai : « Mon poussin. » en mettant bien l’accent sur le mot.

Je me redressai et pris une gorgée de mon nouveau verre de Jack, avant de me remettre à sourire de façon amusée. Bon, par contre, s’il me décoiffait là je serais franchement mal parce que pour remettre ma tignasse en ordre il me fallait minimum deux heures, mais ça valait le coup d’essayer. Je ne pouvais tout simplement pas passer à côté, désolé !  Il m'annonça ensuite qu’il m’abandonnerait avant la fin de la soirée, et je levai les yeux au ciel en soupirant, tout sourire. Sauf que... j’allais finir tout seul. Ca ne m’aurait pas dérangé, à une époque, mais là je me rendais compte que sans filles autour de moi, j’allais vraiment être seul. Tout à coup, l’idée de la cuite ne me tentait plus trop, puisqu’être bourré à plusieurs c’était vachement cool, mais bourré tout seul, c’était minable. Malgré tout, je repris une gorgée de Jack et écoutai ce qu’Alex avait à me dire d’autre. Si je comptais rentrer sur Etretat ce soir ?

« Bien sûr que non ! Eclate-toi, laisse-toi aller, on rentre quand tu veux. »

Je lui fis un sourire sincère, mais pourtant pas si heureux que ça, au final. L’idée d’être seul m'avait un peu refroidi, mine de rien. Fallait que je boive assez pour donner à Alex l’impression qu'il n'était pas seul dans ce qu'il faisait, mais fallait aussi que j’arrête à temps pour être un minimum conscient de ce que je faisais. J’irais faire un tour ou un truc comme ça, ça restait à voir. Tout à coup, une fille qui ne devait pas avoir plus de dix-sept ans s’approcha de moi, le décolleté profond, le sourire aguicheur, le regard pétillant et charmeur. Je haussai un sourcil dans un geste presque imperceptible et lorsqu’elle me salua d’une voix suave, je lui répondis avec un grand sourire aux lèvres, tout en lui montrant mon alliance :

« Bonsoir, je suis marié. »  

Elle ouvrit des yeux grands comme des soucoupes et elle repartit aussitôt, les joues rouge écarlate, tandis que je reposai mon regard sur Alex, pire qu’amusé. Non mais des râteaux, j’en avais quasiment pas mis, à l’époque… C’était déjà assez exceptionnel qu’une fille s’intéresse à moi, surtout au tout début, alors je n’avais décidément pas l’habitude, mais c’était drôle. Sur un ton moqueur et faussement désolé, je lançai à Alex :

« Oh, excuse-moi, tu voulais peut-être tenter ta chance avec la gamine ? Je peux toujours aller la chercher pour toi hein, si tu veux. »

Grand sourire amusé, avant de reprendre une gorgée de Jack. Ah, je profitais. Je n’aurais jamais cru pouvoir virer une fille avant l’âge de trente ans, et voilà qu’à vingt ans, je me retrouvais marié, heureux et posé. C’était complètement improbable, quand on y pensait ! Mais c’était tellement, tellement bon.