Le plus simple, pour connaître mon histoire, c'est que je vous parle moi-même de ce que j'ai vécu. Je me connais sûrement mieux que quiconque ne me connaîtra jamais, alors c'est sûrement logique pour vous. Je m'appelle Klemens, et j'ai vingt-sept ans. Je suis nez en Norvège d'un père norvégien et d'une mère française. Mes parents se sont rencontrés dans le cadre de leur travail : mon père était haut placé dans une grande multinationale très connue dont je tairais le nom et ma mère était envoyée pour faire de l'épuration dans le personnel inutile vu le peu de rentabilité relatif de la structure. Finalement, ils sont tombés fous amoureux l'un de l'autre. C'était ça, le coup de foudre.

Je n'étais pas vraiment prévu lorsque je suis arrivé, ou du moins pas de si tôt. Après tout, il n'étaient ensemble que depuis un an et c'était allé très vite, du coup... Mais voilà, ma mère a choisi de me garder, au plus grand bonheur de mon père. Je suis né au cours d'un hiver froid comme rarement, la journée la plus froide que février ait connu. J'étais pourtant un bébé en bonne santé. Et comme tout le monde, je ne m'en souviens absolument pas. Pas plus que de ma petite enfance. De simples images. Je crois qu'il n'y a rien à ajouter. J'ai appris deux langues en même temps : le français et le bokmål. C'est une des deux langues officielle de mon pays natal, la plus répandue mais aussi celle qu'on parlait dans ma région. J'ai une facilité pour le "norvégien", et mon français, très correct, s'accompagne d'un accent qui ne passe pas inaperçu, sans être trop dur à entendre. On ne peut pas non plus tout avoir !

Mes premiers réels souvenirs datent de mes cinq ans à peu près. C'est la première fois de ma vie que je mettais les pieds sur un tatami. J'étais ce que l'on peut qualifier de crevette. Plus petit que les autres enfants de mon âge et flué, avec une tendance à me laisser marcher sur les pieds en me renfermant sur moi-même. Le petit bouc émissaire favori de mes camarades de classe puisque j'avais généralement assez peu de répartie. Mes parents avaient donc choisi de m'inscrire au judo, pour que je sois capable de me défendre. Tout y allait pour le mieux, puisque nous avions une ligne de conduite assez stricte, bien qu'adaptée à des enfants. Rapidement, j'ai su comment être un bon judoka. La Politesse. Le Respect. L'Honneur. La Modestie. Le Respect. Le Contrôle de Soi. L'Amitié. C'était des maîtres-mots qui m'allaient parfaitement, un sport dans lequel me défouler et décharger ma frustration, aussi... ça m'évitait de me charger en colère contre ces enfants qui me persécutaient. Et un judogi sur le dos, c'était juste top.

J'avais quelque chose comme six ans lorsqu'on a commencé à voyager. Mes parents étaient ce que l'on appelait des nettoyeurs, ils épuraient pour la grande compagnie dans laquelle ils bossaient, renvoyant les inutiles, repensant les services, le tout pour tirer un maximum de profit en rendant l'entreprise rentable. On passait d'un à deux ans dans une entreprise, et on repartait. J'ai donc fait à peu près le tour de l'Europe et un bout d'Amérique aussi. Vous lister les pays pourrait être assez long et ennuyeux, je vous l'épargne donc. Mais vous imaginez que j'ai eu peu de vrais amis. Petit, je me suis beaucoup attaché et déchiré, plus grand j'ai évité de m'attacher et c'est pour ça que mes véritables amis me sont tout ce qu'il y a de plus précieux.

S'il y a une constante à ma vie, c'est que j'ai toujours vécu dans de grandes maisons en suivant des cours dans des écoles privées françaises. Je suis devenu doué en judo parce que ça me plaisait, c'était passionnant. A dix ans, j'ai commencé l'équitation, et ça me plaisait aussi, même si je préférais le judo. Tous les étés, j'allais passer mes vacances dans ma famille française, à Etretat, et j'ai eu là-bas quelques amis, mais la vie a fait en sorte qu'ils s'en aillent tous un jour ou l'autre, pour suivre leur propre chemin. C'était ça, la vie. La croisée des chemins, se perdre de vue, oublier de se parler, puis un jour ou l'autre se recroiser si le destin le voulait...

A suivre une scolarité française, j'ai fait mes études en STAPS, après le bac à la mention, option judo. Entre temps, j'avais continué d'évoluer et d'apprendre. J'avais fait partie de l'équipe junior norvégienne, une fois champion de Norvège dans ma catégorie de poids, avant de passer chez les adultes. La transition a été assez difficile, d'ailleurs, je l'avoue, et j'ai pris des tôlées comme jamais. Mais ma force de volonté m'a permis de devenir champion de Norvège, puis d'Europe, puis Olympique. A ce jour, je ne suis toujours pas champion du monde, et ne le serais jamais. Des fois, il y a de petites choses qui font que rien ne va.

Pour vous faire un petit topo, j'avais des électro-cardiogrammes dignes d'un cœur de sportif en parfaite santé, pas d'hypertension, aucun souci de vision, pas d'asthme, des résultats très satisfaisants aux épreuves d'effort, sans oublier aucun souci d'ordre articulaire, pas de scoliose, rien. Un vrai bon sportif en pleine forme avec un régime alimentaire sain pour entretenir une vraie forme d'athlète. Le tout pour attaquer une nouvelle saison sportive, même si je commençais à accuser la fatigue physique parce que je donnais tout ce que j'avais aux entraînements et que j'allais chercher encore plus loin en compétition. Tout a commencé par de petites douleurs récurrentes qui ont nécessité plus d'ostéopathe. Puis il y a eu les petits bobos, petites élongations, suspicions de débuts de tendinites. Puis les entorses. On a fini sur quelques ruptures des ligaments. Le tout a duré prêt de deux ans. Les épaules n'allaient plus, les chevilles encaissaient mal, un genou avait lâché.

C'est lorsque j'ai du être opéré d'une rupture du ligament de l'épaule que j'ai décidé de mettre en stand bye ma carrière professionnelle. C'était la retraite avec les honneurs avant de me foutre totalement en l'air. Je pourrais toujours pratiquer le judo en amateur, loin de toutes les difficultés qui m'attendaient, et puis il fallait dire aussi que j'avais à cœur de conserver un minimum de ma santé. Je sais que je suis encore jeune et qu'il me reste un tas de trucs à faire de ma vie avant de pouvoir malmener plus mon corps. Aujourd'hui, je suis toujours un athlète. C'est bizarre, de me dire que je suis retraité de mon premier emploi... En tous cas, j'ai pris la veste de professeur pour faire passer mon goût du sport à de jeunes lycéens, ce qui me plaît aussi énormément. Cela fait un peu moins d'un an que j'exerce mon nouveau métier. Je suis donc désormais installé en France. J'ai commencé sur Paris, mais quand on m'a proposé un poste sur Etretat, suite à la démission d'un professeur, j'ai tout de suite accepté. C'est là que vit une grosse partie de ma famille de France et c'est mon lieu de vacances favori. Je pourrais me remettre en selle, comme ça ! Parce qu'avec mes blessures, je n'ai décidément pas eu de temps pour monter à cheval. C'est un nouveau départ, sans regrets, juste de belles images et un choix à la clé.

J'étais un champion, et j'ai tout arrêté. Je suis resté un sportif de haut niveau, venu ici pour m'améliorer à cheval, me prouver que je peux réussir, me surpasser. Aujourd'hui ou demain, vous ferez nécessairement ma connaissance. J'ai hâte de faire la votre !