Non mais qu’il aille se faire foutre, mon cousin. C’est un beau comme phrase pour un début de réponse, hein ? Ouais, j’trouve aussi. Et que vous le vouliez ou pas, vous allez devoir supporter ma mauvaise humeur jusqu’au bout alors je vous souhaite bon courage à l’avance. Vous êtes prêts ? Alors je vous explique tout de suite pourquoi j’étais en colère comme ça. J’avais reçu un coup de fil venant de Nathan, mon très cher cousin avec qui j’avais vécu la plus grande partie de ma vie, qui avait emménagé chez nous à la mort de ses parents. Notre relation avait toujours été géniale, nous nous entendions très bien, ainsi qu’avec Mathieu, son frère aîné. Nathan avait deux ans de plus que moi et c’est avec lui que je m’entendais le mieux, puisque la différence d’âge n’était pas énorme. Toutes ces années passées sous le même toit que ces deux zouaves, j’avais adoré, c’est en partie grâce à eux que j’avais surmonté la rude épreuve qu’avait été mon accident. Je leur devais beaucoup de choses, ils m’avaient toujours soutenue lorsqu’il le fallait et ils m’avaient écoutée, même quand j’étais énervée, triste, ou alors au contraire, pleine d’énergie et très fatigante. Je les aimais pire que tout, mes cousins, c’est dingue. C’est juste que là, Nathan m’avait fort énervée. Déjà que je mords au moindre truc, là, c’était juste impossible quoi !

Oui, bon d’accord, avec tout ça, vous ne savez toujours rien. Alors voilà, je vous explique. Un coup de fil de Nathan, donc, m’avait réveillée vers huit heures un dimanche. Moi qui aimais les grasses matinées pendant le week-end, rien que son appel m’avait mise sur les nerfs. Mais bon, j’avais décroché, puisque je ne l’ignorais jamais et que je n’avais aucune envie de le faire, même vu l’heure. Je m’étais donc réveillée assez rapidement et j’avais décroché, la voix encore un peu rauque, mais j’avais répondu. Et l’autre qui me demandait s’il me dérangeait ! Non mais il me connaissait assez pour savoir que c’était le cas, non ?  Enfin soit, je lui avais donc répondu que non, mais qu’il avait intérêt à faire vite et à me laisser dormir après. Pourquoi il m’appelait ? Pour me demander de lui prêter de l’argent. Alors déjà, rien que ça, ça m’avait mise en colère. Je lui avais donc demandé pour quoi faire, et il m’avait répondu que c’était personnel, mais qu’il me rembourserait. Là, ce n’était plus vraiment de la colère, mais plutôt de la déception qui s’était manifestée. On s’était  toujours tout dit, et ça depuis le début. Il était comme un frère pour moi, mon confident, mon meilleur ami, avec Mathieu. Mais lui encore plus vu notre âge. Alors qu’il me cache des choses, non, je n’acceptais pas. Surtout que là, il était question d’argent, ce qui n’était pas quelque chose de futile. Pour finir, je lui avais dit ses quatres vérités tout en haussant le ton et j’avais raccroché sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit de plus. Autant vous dire qu’avec tout ça, j’avais été incapable de me rendormir et que je m’étais levée du mauvais pied. Dispute dès le matin, youpi ! Non mais en plus, ça me faisait du mal de lui crier dessus comme ça, puisque je l’aimais grave mon cousin, mais là il exagérait. Alors j’étais prête à lui parler de tout ça pour qu’on s’explique, mais pas maintenant. Là, j’avais besoin de me défouler et pour ça, rien de mieux qu’une petite séance de sport. Par contre, pas de cheval, puisque je transmettrais mes sentiments à ce pauvre dada qui n’avait rien demandé, alors je me contenterais d’un peu de jogging matinal pour me changer les idées.

Je m’étais donc brossé les dents puis j’étais passée à la douche – j’en prendrais une autre après le jogging – et pour finir, j’avais été chercher mes vêtements propres dans ma chambre. Pour l’occasion un jogging tout simple, noir et un top sans manches rose fuschia feraient l’affaire. La couleur flash rendait bien et j’étais fière de ma tenue, j’adhérais, même si c’était simple. Je me fis une rapide queue de cheval en veillant à ce qu’il n’y ait pas de bosses, puis je passai dans le salon et pris simplement mes clés et mon ipod. Pas besoin de mon portable, je n’avais aucunement envie d’avoir Nathan au bout du fil, là, honnêtement. J’enfilai mes baskets top classes super confortables, puis sortis de mon appart’ et verrouillai la porte. Pas besoin de pull ni de veste, il ne faisait pas encore très froid et vu combien je comptais courir, je n’en aurais certainement pas besoin. Je ne me rendis même pas compte que j’avais claqué la porte en sortant – c’est vous dire à quel point j’étais énervée – et je me mis donc en route vers la sortie du bâtiment, mais quand je voulus tourner, je manquai de heurter un jeune homme que je n’avais pas vu à cause du mur qui nous séparait.

« Nan mais c’est pas possible ça ! » lançais-je sur un ton profondément agacé et grave énervé. Je me retournai vers le jeune homme, furax, puis je fus obligée de lever les yeux parce qu’en fait, là, je me retrouvais les yeux rivés sur son torse. Lorsque je vis à quel point il était grand par rapport à moi, je me tus tout de suite, oubliant toute idée de l’engueuler comme j’avais voulu le faire. Je me mordis la lèvre et eus un regard mal assuré. « Je… je suis désolée. » Je soupirai, toujours agacée par la situation, mais fallait vraiment que je me calme parce que le pauvre gars, il avait rien demandé. « Je suis un peu énervée et du coup, les gens autour de moi s’en prennent plein la gueule… » Mais tais-toi donc, espèce d’idiote ! Déjà, mon vocabulaire c’était pas du tout ça, et en plus ça se voyait comme le nez au milieu de la figure, que j’étais énervée. Pourvu qu’il soit de bonne humeur, lui…

Cassiopée & Alexey

Je sens qui si je refais le résumé de tout ce qu’il s'était passé avant la rencontre avec le jeune homme, je vais sérieusement m’énerver et ça risque d’être très ennuyant pour vous ! Parce que moi, quand je râlais bah c’était pas qu’un peu et je sais très bien à quel point je suis une fille compliquée. J’assume, s’il vous plaît ! C’est pas bien, ça ? Si, moi je trouve que oui. Je suis compliquée, mais y’a moyen d’apprendre à anticiper un peu mes réactions, ça j’ai bien envie de le préciser. Parce que bon, hein, c’est bien beau de me traiter de chieuse qui sait pas ce qu’elle veut mais après, je suis pas tout le temps comme ça non plus ! Non, y’a moyen que je sois adorable, serviable, gentille et tout le bazar, d’ailleurs j’aimais bien être comme ça, mais parfois, fallait pas me chercher. Comme là, par exemple. Rien qu’un simple coup de fil m’avait mise sur les nerfs et ça pour plusieurs heures au moins, sauf si quelque chose ou quelqu’un me faisait changer d’avis. Là, peut-être que mon humeur s’améliorerait, on sait jamais !

Enfin, je m’étais donc préparée en vitesse sans même prendre la peine de manger puisque je le ferais après. Oui je sais, c’est un peu bête d’aller courir sans avoir quoi que ce soit dans le ventre, mais j’avais horreur de faire du sport en ayant trop mangé. Quoi, je suis bizarre ? Beuh non, même pas ! D’ailleurs j’avais toujours fait comme ça et ça m’avait plutôt bien réussi à chaque fois, donc pourquoi changer les bonnes habitudes ? Bref ! J’étais sortie en tenue de sport, mon ipod dans ma poche ainsi que mes clés et du coup, j’étais plutôt motivée, en fin de compte. Je descendis donc les escaliers et sortis du bâtiment, mais lorsque je voulus tourner au coin de celui-ci, je manquai de percuter un… bah un géant, en fait  Enfin disons qu’il n’était pas si grand, mais que j’étais toute riquiqui à côté, quoi. Du coup, j’avais commencé par m’énerver en haussant le ton, mais en me retournant, j’avais réalisé que si jamais ce gars le prenait mal et s’en prenait à moi, je ne pourrais absolument rien faire pour me défendre. Surtout que bon, avant mon accident, j’avais été très musclée – sans pour autant que ça soit moche – mais là, j’étais certes encore un peu musclée mais beaucoup plus faible. Re-bref. J’avais donc fini par lever les yeux vers son visage et je m’étais excusée aussitôt, un peu contre ma volonté parce que je n’étais pas réellement en tort, mais voilà, je l’avais fait. Je m’expliquai alors vite fait, même si c’était complètement inutile et que je regrettai mes paroles après, me trouvant beaucoup trop pipelette, pour le coup. Quand il prit la parole, je l’écoutai avec attention et souris légèrement, il ne semblait vraiment pas le prendre mal donc tout allait pour le mieux. D’ailleurs, il me dit que lui aussi aurait dû regarder où il allait. Je haussai les épaules pour lui montrer que ça ne faisait rien et il me tendit alors la main en se présentant. Alexey ? Joli nom. C’était quoi… russe ? Oui, sûrement un truc dans le genre. Je lui pris la main sans hésiter et souris, pour quand même essayer de faire bonne impression malgré tout. D’ailleurs il n’avait pas l’air méchant pour un sou alors je n’avais presque pas de difficultés à être aimable, malgré ce qu’il venait de m’arriver juste avant.

« Cassiopée. » lui répondis-je simplement. C’était un nom peu courant et peu de gens le connaissaient, alors je m’étais habituée à bien articuler en le prononçant, sans pour autant exagérer. Je jetai un rapide coup d’œil à sa tenue et sortis, sans réfléchir : « Vous avez été courir ? » Question stupide en y réfléchissant deux fois, parce que bon, c’était évident. Je tentai de me rattraper tout de suite pour ne pas que je me tape trop la honte : « Parce que c’est ce que je m’apprêtais à faire aussi et… ben c’est plus marrant à plusieurs, alors… »

Oui enfin bon, tais-toi, c’est mieux  Je m’enfonçais comme pas possible là ! En fait, je ne savais même pas où je voulais en venir avec toutes mes conneries alors comment voulez-vous que je forme une phrase correcte, aussi ? Je remis une mèche que je n’arrivais pas à accrocher dans ma queue de cheval en place, derrière mon oreille, et je souris, un peu mal à l’aise, sur le coup.

« Je m’enfonce, alors oubliez, c’est pas important. » je ris légèrement et posai un regard amusé malgré tout sur le jeune homme. D’ailleurs, il était plutôt canon lui, en fait. C’était mon genre, en tout cas, après, il devait avoir quelques années de plus, clairement.

Ce n’était pas du tout dans mes habitudes de me sentir mal à l’aise avec qui que ce soit, d’habitude j’étais plutôt franche et j’agissais sans réfléchir mais je ne me plantais pas dans mes phrases comme ça, quand même. C’était sûrement le début de journée pourrie et l’énervement qui faisaient ça, je n’en savais rien, moi. Je tentais de me détendre tant bien que mal pour ne pas m’emporter à nouveau, parce que je n’avais juste aucune envie de gueuler sur Alexey, loin de là.

Cassiopée & Alexey

Jeune homme canon en vue ! Et même juste devant mon nez, en fait. J’avais failli le bousculer dans mon élan et je m’en voulais pas mal, parce que j’avais l’air ridicule rien qu’à la première rencontre ! Malgré mon caractère de merde ce jour-là, je m’étais excusée pour qu’il ne m’en veuille pas trop après et il m’avait répondu très gentiment en se présentant. Alexey, il n’était clairement pas Français, avec un nom pareil. Sauf qu’il parlait très bien français, alors c’était contradictoire. M’enfin ! Je m’étais présentée moi aussi, et d’ailleurs j’avais bien articulé pour qu’il comprenne mon prénom, qui était un peu différent de ce qu’on entendait d’habitude. Parfois, j’osais même me présenter sous mon deuxième prénom, Emma, qui était beaucoup plus simple. Mais voilà, ici, j’avais opté pour Cassiopée. Bref ! Je souris en guise de réponse à son ‘enchanté’ et je ne pus m’empêcher de lâcher une stupidité juste après. Non mais j’avais l’air de quoi, là, sérieusement ? Je méritais deux ou trois claques ! Ca se voyait qu’il avait été courir, alors pourquoi lui poser la question ? Il me regarda, puis me dit que j’avais eu la même idée que lui et je hochai la tête, tentant de me rattraper en disant que c’était plus marrant de courir à plusieurs plutôt que toute seule. Bon, assez nul mon rattrapage, même très nul ! Mais bon. Je lui demandai alors d’oublier ce que j’avais dit, puisque je m’enfonçais comme pas possible, mais visiblement, le jeune homme préféra continuer à me parler. Tant pis pour lui, il allait se faire chier toute une matinée, voir plus longtemps, avec moi maintenant ! En plus, j’étais d’humeur massacrante à la base, alors je n’allais pas être de très bonne compagnie. Pourtant, quand il m’invita à aller courir avec lui, un large sourire étira mes lèvres et je lui répondis donc, toujours un peu gênée mais avec enthousiasme quand même :

« Ca serait génial ! » en réalisant que je m’emballais un peu trop, je rougis, puis ajoutai : « Enfin… ce serait bien »

C’est dingue comme je me sentais à la fois trop mal et trop bien. Trop mal parce que je racontais n’importe quoi, et trop bien parce que j’allais avoir de la compagnie – sympathique, en plus de ça – en courant. Sans plus attendre, je me mis donc en route, marchant, d’abord, aux côtés d’Alexey. Par contre, même si j’étais sportive, j’espérais arriver à le suivre parce qu’il avait de longues jambes, beaucoup plus longues que moi et il irait donc plus vite, puis c’était aussi un homme et surtout… Je boitais toujours un peu suite à mon accident, donc je ne pouvais pas me permettre de courir trop longtemps, même si j’avais une bonne condition physique. Tout en marchant, je me tournai vers le jeune homme et lui fis part de mon souci, pour éviter d’avoir à m’expliquer par la suite.

« Vous savez… je risque de trainer un peu de temps en temps parce que… » je me mordis la lèvre en me rappelant mon accident, puis poursuivis : « Je suis tombée d’un rocher en l’escaladant, la corde à laquelle j’étais accrochée a lâché et… » je soupirai, puis, ne voulant plus continuer à en parler, je me mis à courir. J’empruntai un chemin menant vers le bois, vérifiant que le jeune homme me suivait toujours. Pour changer de sujet, je lui demandai : « Vous m’avez l’air sportif, vous faites un autre sport à part le footing ? »

Retour du sourire, s’il vous plaît. Et même presque de la bonne humeur ! Il fallait que j’essaye d’oublier le coup de fil du matin, parce que si je continuais à me le rappeler toute la journée, ça n’irait plus. Donc voilà, sors de ma tête, le cousin, et fous moi la paix !

Cassiopée & Alexey