Nous ne sommes jamais que ce que nous sommes... [BUFFY]

Nous ne sommes jamais que ce que nous sommes...

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Une journée comme les autres. Reprises le matin, pause de midi pour gratter deux chevaux maintenant que ces stupides côtes ne me faisaient plus mal – un hématome c'est long, je ne vous dis même pas ! – et puis de nouveau reprises l'après-midi. Nous étions mercredi, il était dix-sept heures trente et les galops cinq-six-sept avaient enfin fini de détendre. Il fallait dire que les chevaux pouvaient être passablement énergiques, quand ils le voulaient. Alors entre les quatre ans qui explosaient en l'air, les huit ans sur lesquels on avait perdu le frein à main et la direction assistée et les douze ans qui n'avançaient pas et nous envoyaient voler les cavaliers quand ils prenaient leur petit coup de stick... Il y avait de quoi se tirer les cheveux. Le CSO, ce n'était peut-être pas la meilleure idée qu'on pouvait avoir, mais soit, c'était le programme du jour. À ce niveau-là, ils étaient théoriquement capables de gérer. J'ai bien dit théoriquement. Parce que dans la pratique, c'est toujours beaucoup moins simple.

C'était donc un travail plus pointu que d'habitude pour moi, parce que j'étais sensé anticiper un peu pour mes cavaliers, en leur évitant la georgette qui fait bouchon de champagne ou le taxi qui met au stop. Sans compter que je leur donnais des parades contre les treuillages en express ou alors les dérobades dans des trous de souris. Franchement, des fois, les chevaux avaient la connerie dans l'air, sérieusement... Alors après le troisième gadin j'avais franchement commencé à en avoir marre de ce bordel. Non mais parce qu'en plus, les cavaliers aussi, ils étaient complètement à la masse ! Pas un pour rattraper l'autre, et ça partait en fou rires, et ça n'écoutait pas les consignes, et ça ne s'appliquait pas. Et moi j'avais l'impression de ne servir à rien, planté au milieu de mon manège. Jusque là j'étais resté calme et patient, mais on allait finir par avoir un accident. Coup de gueule en beauté pour les rappeler à l'ordre. S'ils montaient à ce niveau-là, c'était pour évoluer. Et à un moment, il fallait arrêter de jacter et se concentrer un minimum. Écouter ce que disait le moniteur, qui ne racontait pas que des conneries. Essayer de faire pour faire évoluer la reprise dans le bon sens. Surtout quand les chevaux avaient cette patate-là et que ça devenait dangereux. Je n'avais donc pas d'intérêt pour ce qui se passait autour.

Par chance, la reprise finit dans le calme, avec la concentration des cavaliers. Et bizarrement, les chevaux étaient tout de suite moins bêtes. Mais s'il y avait bien quelque chose que je détestais, quand je travaillais, c'était d'être obligé de hausser le ton pour obtenir quelque chose de mes cavaliers. Et puis à un moment il fallait qu'ils deviennent autonomes, aussi... A ce niveau, il fallait un minimum de rigueur. Ce qui ne voulait pas non plus dire arrêter de s'amuser et faire silence total pendant une heure... Mais surtout se concentrer un minimum pour pouvoir bien concentrer comme il le fallait son cheval et pour se faciliter la suite de la reprise. En somme, il fallait rendre les chevaux agréables pour pouvoir prendre plaisir par la suite. Et ça passait par un minimum de rigueur. Mais bon, finalement, j'étais content de ma petite cavalerie, quand même. Les choses étaient mises au clair dès le début de la saison et ça promettait sûrement de futures bonnes reprises. J'avais pris le temps de ramasser les derniers crottins qui traînaient et de pousser les barres de pied sous les pare-bottes lorsqu'une voix familière me fit tourner la tête. J'eus un sourire.

« Oh,salut Marie ! Comment tu vas ? »

J'étais surpris de la voir. C'était mon ex-femme, mais c'était moi qui avais demandé le divorce. Un peu étrange dit comme ça ? C'était pour vous expliquer pourquoi nous étions restés en bons termes. J'avais divorcé parce que je ne l'aimais pas assez pour construire un mariage solide. Je ne voulais pas risquer l'adultère, risquer de la blesser d'une quelconque façon. Nous nous étions donc séparés, mais au final, elle continuait à avoir sa place dans mon cœur. Une autre place que celle d'une épouse, mais aujourd'hui, je n'étais pas mécontent de la voir. Même si cela soulevait quelques questions et que ça sentait les complications...

« Je ne m'attendais pas à te voir ici... Tu es de passage à Etretat ? »