Deux semaines. Deux semaines déjà dans ce trou perdu de Bretagne, où il était sûr que les gars de la Mara ne viendraient pas me chercher. Peut-être qu'à force de chercher, ils allaient me trouver, mais pour l'instant Étretat était très bien et ils y regarderaient à deux fois avant de venir ici. Apparemment, il y avait d'autres gars qui avaient fait de la rue en bande. Je les avais croisés et toisés sans plus de cérémonie, mais pas d'humeur à me battre, je n'étais pas allé plus loin. J'en avais assez de la violence à laquelle j'avais pris part il y avait seulement trois semaines encore, et j'étais ici pour trouver la paix. Quelle ironie lorsqu'un gars vous dit ça alors qu'il garde toujours une arme blanche et une arme à feu sur lui, même pour dormir ! Réflexe pour un ex-membre de gang. Bref, j'avais fait le tour de mon nouveau lieu de vie, studio, centre équestre (où je n'avais pas l'intention de monter), ville d'Étretat... Là, je repérais surtout les ruelles. Pour voir où je pourrais traîner lorsque je m'ennuierais ou si je trouve une bande où m'intégrer. Même si là j'en avais pas envie. Passons à autre chose vous voulez bien, ça commence à me rendre nerveux de parler gang
Donc les ruelles... Je m'y sentais chez moi désormais, à force d'en avoir fréquenté pendant longtemps. Et si certains les trouvaient lugubres et peu sécurisantes, je les préférais pour pouvoir rester invisible et observer sans être vu. Même si parfois, ce n'était pas vrai et qu'on m'observait dans le dos. J'étais pour ainsi dire inoffensif, et attaquer n'était pas dans mes idées. À moins qu'on ne me cherche, mais ça n'était pas fréquent. J'aimais bien regarder les passants et m'imaginer leur vie, ce qu'ils allaient faire et à quoi ils pensaient. Ados qui discutaient entre eux avec animation, adultes au téléphone et à l'air pressé... Ah tiens, en voilà une, d'adulte, qui ne faisait pas comme les autres ! Elle fixait le sol, mais pas comme une ado en crise, plutôt pour poser les pieds dans les carrés formés par les pavés sans dépasser. Certaines personnes la toisaient d'ailleurs comme si c'était une attardé. L'ombre d'un sourire un peu sombre se fixa sur mon visage, et, calé dans l'ombre qui m'allait si bien, je la suivis sans qu'elle s'en aperçoive ni même que des gens me voient. Elle avait des cheveux cuivrés et un teint mat, l'air malicieux d'une enfant. Elle contrastait avec toutes ces femmes à l'air trop sérieux et aux sourires de façade.
Finalement, et à ma grande surprise, elle bifurqua pour entrer dans l'une des ruelles. Tiens, elle voulait jouer ? On allait jouer. Je la suivis sans faire de bruit et sans me faire remarquer dans l'allée froide et étroite. Elle n'allait pas pouvoir m'échapper, la petite blonde. Et avec ses talons aiguilles avec lesquels elle semblait être en équilibre précaire, il allait lui être dur de fuir alors que je portais des baskets. Amusons-nous mes amis, amusons-nous ! Je continuai de la suivre sur plusieurs mètres d'un pas félin et habitué aux irrégularités du sol, jusqu'à ce qu'elle tombe dans un cul-de-sac. Hasard ou fait exprès, je ne le savais pas. Je jouai la comédie et un ricanement glacial m'échappa, donnant l'impression de refroidir encore plus l'atmosphère déjà fraîche à cause de la soirée qui commençait. Mal lui en avait pris de jouer les aventurières, et elle allait le sentir... Mais non je n'allai rien lui faire, vous m'aviez pris pour un sadique ou quoi ? Je jouais un rôle, celui du mec dangereux, c'était tout.
« Tu ne savais pas qu'il était dangereux de s'aventurer dans les ruelles ? »
Tout ça dit dans un murmure, et j'étais toujours dans l'ombre bien que mes yeux brillent d'une lueur faussement malsaine. J'avais bien envie de jouer avec ses nerfs avant de changer d'attitude. Bisounours, hein ? Et bah là, non.

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