Nouvelle ville, nouveau départ. J'étais toujours le fils de mon père, un de Bressac, et c'était presque écris sur ma tête bien que j'essaye de me fondre dans la masse. La belle Audi restait garée et ne bougeait plus, bien que je continue mes déplacements professionnels. J'avais des jambes, autant qu'elles servent. Et puis il y avait pas mal de transports en commun dans la région. Sans compter que du boulot, je n'en avais pas des masses. J'avais bien un client à défendre, mais c'était un cas mineur, et mon petit speech était déjà rôdé. Sans rentrer dans les détails, mon client était accusé d'avoir commis un gros excès de vitesse avec une berline noire d'immatriculation donnée, or sa voiture était une petite citadine rouge et il était en réunion de travail – avec une vingtaine de témoins sous la main – à l'heure du délit.

Et oui, il nous fallait monter un dossier pour cela. Parce que ce n'était pas simplement une amende qu'il risquait, mais la suspension de son permis de conduire et en étant commercial et donc toujours sur les routes, c'était vraiment compliqué. Donc il avait mis toutes ces chances de son côté pour que la faute soit avérée et qu'il soit disculpé. Et un jeune avocat débutant – et pour autant compétent – coûte moins cher qu'un avocat chevronné surtout que ce n'était pas vraiment une nécessité d'avoir un as. Tant qu'on montait le truc normalement...

Enfin bref, j'avais un boulot qui me passionnait tellement que je m'étais réveillé en y pensant. Pas le genre de réveil en sursaut parce qu'on a oublié quelque chose ou un truc du style, non, plutôt un réveil en douceur juste parce qu'il était temps et que les pensées revenaient immédiatement. Je me tournais de côté pour voir l'heure. Les chiffres du réveil-matin indiquaient six heures. Il n'avait donc pas encore sonné. Encore une heure et demi, songeais-je alors. Mais pour être franc, je n'avais aucune envie de lézarder sous la couette une minute de plus. J'étais bien trop réveillé pour cela à l'instant. D'un geste distrait, j'éteignis dans l'engin avant qu'il ne sonne. Je pris le temps de m'étirer un peu avant de sortir du lit.

Pour tout vous avouer, il ne faisait pas fort chaud... L'appartement dans lequel je vivais était même glacial, pour tout vous avouer. J'enfilais donc un jogging et un pull en laine avant de sortir de ma chambre. L'heure était au petit-déjeuner. Je fis donc couler le café tandis que je mettais en même temps à griller du pain. Un petit déj' qui tenait bien pour la journée, c'est pas forcément un petit déj' énorme, c'est un petit déj' suffisant. Et... Oui je sais ça disjoncte. Six heures dix affiché sur mon téléphone. On est pas sorti de l'auberge ma parole. Enfin voilà, mon repas du matin serait composé comme suit : café au lait sucré, pain beurré avec du miel. Moi, aimer le sucré ? Sans blagues ! On ne peut pas avoir que des qualités.

Dois-je vraiment m'attarder sur ma façon de prendre mon déjeuner ? Je ne crois pas non. Une fois donc après avoir mangé, ce fut l'opération salle de bain qui débuta. Déjà, j'allais mettre en route le petit chauffage d'appoint et aussi commencer à faire couler un bain chaud. Non mais se détendre n'a jamais tué, vous savez... Pendant que tout filait droit, j'allais choisir ma tenue dans ma chambre. Bon, qu'est-ce que j'avais au programme aujourd'hui déjà ? Ah oui, opération courses et boutiques parce que j'allais devoir songer à me rhabiller. Non mais parce que c'était bien beau, mais mettre un costard hors de prix – offert par papa, évidemment, je n'aurais jamais mis ce prix-là dans un costume, même en aimant les belles fringues – pour passer la journée aux écuries sans monter, merci mais non merci. Je ne tenais pas à être catalogué petit snob qui débarque non plus.

Il me fallut me creuser les méninges mais je pris un jean un peu foncé que j'aimais beaucoup, une chemise blanche avant de décréter que le pull que j'avais sur le dos serait très bien. Direction la salle de bain pour un bon bain bien chaud, histoire de me délasser et de vraiment attaquer cette journée du bon pied. Non pas que je sois d'humeur morose mais mieux ça partait et mieux je me porterais, mine de rien. C'est donc avec plaisir que j'entrais dans l'eau. J'y restais jusqu'à la sentir fraîche sur ma peau et que donc le froid me pousse à sortir. Entre temps, j'avais lavé mes cheveux. Non mais quand je m'y mettais, j'étais définitivement pire qu'une fille ! Vingt minutes plus tard, néanmoins, j'étais totalement prêt.

Il était quand même quelque chose comme sept heures et demi je vous dirais, sans regarder l'heure. Donc trop tôt pour commencer à proprement parler la journée. J'allais donc dans le petit salon – petit parce que vraiment petit, et non pas parce que j'étais habitué à bien plus grand, quoi que cette option soit aussi vraie – pour allumer la télévision et me mettre dans le canapé. Le négatif, c'est qu'à une heure pareille, il n'y a vraiment rien à regarder à part les clips musicaux à la mode ces derniers temps ou Télé Matin. Autant dire que j'avais quand même pris la première option. Je n'étais pas un grand fan des chansons actuelles, mais disons que c'était mieux que rien. Oh, il y en avait qui passaient très bien avec moi, mais ce n'était pas légion au milieu de tous ces clips un peu trop sexy. Oublierait-on qu'il n'y avait pas que des adultes qui appréciaient les chansons de la nouvelle génération ?

Ne me prenez pas pour un critique, ce n'était pas du tout ça, le truc. Juste que là... Il fallait meubler un peu quoi. Et que je refusais de faire de la pub pour untel ou unetelle en dénigrant machin ou machine. De toute manière vous devez vous douter de mes préférences musicales, assez proches de celle dont le cerveau disjoncte à l'instant même où elle écrit ça depuis derrière son clavier. Bref, on a bien meublé, on a fait un paquet de lignes pour ne rien dire depuis le début et donc maintenant on attaque vraiment, voulez-vous ? Je me levai du canapé et éteignis la télé sur les coups de neuf heures approximativement. Ne rien faire pendant aussi longtemps c'était juste exceptionnel de ma part. Je me dirigeais donc vers la cuisine, attrapant au vol une feuille et un stylo. Il était temps de faire le tour des placards et du frigo pour voir s'il ne manquait rien de vital, parce que mine de rien il valait mieux que je prévienne un peu le coup, sait-on jamais que je suis subitement un peu trop occupé.

Résultat, mis à part un pack d'eau et à la limite des biscuits, il ne me manquait rien, puisque ma charmante maman m'avait fait venir un ravitaillement digne d'un camp entier de militaires. C'était vraiment usant d'être le petit dernier d'une famille bourgeoise, mine de rien. M'enfin, je n'avais pas franchement de quoi me plaindre non plus, au moins maintenant j'étais quand même moins envahi qu'en vivant sous le même toit versaillais que mes adorables parents et la fratrie, j'ai nommé mon aîné et mon aînée. Je vous dis, pas facile tous les jours d'être le petit dernier quand même les deux grands ne sont pas comme soi... Donc je me contenterais d'aller m'acheter de quoi m'habiller pour tous les jours. Il paraissait qu'il y avait quelques boutiques bien branchées au centre commercial. Parce que bon, j'avais beau vouloir rentrer dans le même moule que monsieur tout le monde et me fondre dans la masse, très peu pour moi l'idée d'aller m'habiller avec des trucs vraiment bas de gamme. Niveau vestimentaire, c'était peut-être bien les seuls choses que je tenais de mon père. J'appréciais la classe. Bon, sans être non plus super guindé, mais avouez qu'un mec avec un polo super polo Gaastra c'est quand même mieux qu'un mec avec un polo rien du tout. Argent quand tu nous changes...

J'attrapais donc ma veste en feutre noire ainsi que mes papiers et mon argent. J'hésitais une seconde avant d'attraper les clés de la voiture. De toute manière, je n'avais pas trop le choix non plus pour aller dans une endroit aussi excentré. Sinon j'avais trois changements de bus, et encore, le bus, fallait encore qu'il passe pour aller par là. Donc la voiture s'avérait sûrement le seul moyen recevable pour aller là-bas. Et une voiture, je n'en avais qu'une, un vrai petit bijou. Une Audi A5, Sportback, noire. Une vraie tuerie. Quoi que j'aurais pu m'en passer, mais là encore cadeau de papa... Il allait vraiment falloir que je me détache une bonne fois pour toute de la famille moi... J'étais justement en train de monter dans mon petit bolide lorsque mon téléphone sonna. Maman, bien entendu. Je passais l'appel en Bluetooth pour me mettre en route, une fois ma ceinture de sécurité mise. Échange de banalités, vous vous y intéressez ? Non ? Alors parfait, on continue.7

En voiture, je suis du genre prudent, sans aller dans les extrêmes. Et avec une voiture de cette puissance, je respectais scrupuleusement les limitations de vitesse. Non mais franchement, un avocat qui commet des excès de vitesse pour l'amusement, vous trouvez cela crédible ? Pas moi, personnellement. Il me fallut donc un peu moins d'une dizaine de minutes pour arriver au centre commercial. En sortant de la voiture, je fis abstraction des regards braqués sur moi, baissant la tête. Il pleuvait, pour changer, et je me dépêchais d'entrer à l'abri entre les murs de la grande surface. J'entrais directement dans la galerie marchande. Regardant rapidement les enseignes, j'entrais dans la boutique de vêtements la plus proche, car elle proposait généralement des marques que j'affectionnais particulièrement. Vous saviez qu'on pouvait faire des rencontres tous les jours ? Oui, ça, vous le saviez. Ce que vous ne saviez sûrement pas, c'était que le monde était vraiment tout petit, mine de rien... Et oui, je venais de voir – du moins me semblait-il – une connaissance de ma période américaine. Et cette connaissance se nommait Sacha. Je ne m'attendais franchement pas à le voir ici. Quoi que, en prime je n'étais pas sûr que ce soit lui. Je ne m'avançais donc pas directement vers lui. Mon regard se porta, pour m'éviter de le dévisager, sur quelques pulls exposés.