Les membres fins de l'étalon claquaient au rythme de son pas rapide. Ses sabots ferrés sonnaient clair et sa respiration n'était qu'un doux concert de ronflements inquiétants. L'encolure arquée, il passait de droite à gauche, bousculant parfois cet inconnu de palefrenier qui le menait avec appréhension. Sa robe dorée brillait délicatement dans le matin d'hiver. Le ciel, d'apparence blanc car si pâle, était dégagé de tous nuages et un soleil vif et blanc faisait jouer des reflets d'or et de nacre sur le corps tout en muscle du beau pie. Élégant parmi les élégants, Danger releva la tête, galopa sur place et se cabra, hennissant. La raison de cet énervement? Il venait de croiser un étalon et en étalon de caractère qu'il était devenu, il se permettait de montrer à son rival qui il était. L'autre cheval se réfugia derrière un homme et le paint retoucha le sol, trottinant en grondant. Le calme était passé.

L'étalon caracola fièrement jusqu'aux paddocks. Il humait l'air, mais ne sentait que la fraîcheur et les effluves des autres étalons. Une effluve bien plus fraîche et agréable pour lui était encore cachée. Il n'avait, en effet, pas senti l'odeur sucrée de sa jument. Cendrillon était revenue, et il n'en savait rien. L'homme qui le menait, l'air terrorisé, le mit dans un paddock, un peu au hasard. Dois-je dire qu'il s'agissait-là d'une mauvaise idée? Mettre l'étalon américain dans un paddock à proximité d'autres chevaux était une mauvaise idée, invariablement, encore plus lorsqu'une planche de la barrière était cassée et qu'il n'y avait plus qu'un mètre vingt bien tassé à sauter. Il avait beau être fourbe, cet étalon n'en était pas moins un bon sauteur et un dresseur hors pair, lorsqu'on le prenait dans le bon sens. Son courage faisait de lui une valeureuse monture de complet.

Enfin. Le fauve était libre. La seconde erreur du garçon fut de lui enlever totalement le licol, et le fourbe détala sans demander son reste, partant de sauts de moutons en allongements spectaculaires finis par des stop glissés tout à fait exceptionnels, du moins dans la mesure où il était l'un des rares chevaux de l'académie à être dressé pour le western, de par la base de sa formation. L'étalon hennissait et ronflait des naseaux, on ne pouvait que le localiser. Et Danger ne s'arrêta qu'une fois que ses membres furent plus lourds à faire rebondir. Dressé sur ses aplombs au centre du paddock, l'encolure dressée, la tête fièrement portée, il ajoutait à sa prestance naturelle un léger port de la queue, qui voletait comme une bannière de crème au vent. Il huma l'air deux fois et son regard s'illumina d'une manière qui n'avait pas été depuis des mois. Il hennit, doucement, un appel tendre et plein d'espoir. Était-elle là, ou n'était-ce qu'un mirage?

Tous les muscles de l'étalon frémissaient. Était-ce elle, ou encore l'un de ces mirages? Il n'y avait pas de réponse. Il n'entendait pas son hennissement doux et féminin qui avait toujours été leur réponse. Son cœur se serra et il huma plus fort l'air. Pourtant, si, elle était là, il en aurait juré. Il ferma les yeux, serra les paupières. Trop d'espoir tuait-il l'espoir? Il était prêt à tenter le pari que non. Il espérait de tout son être qu'elle était bel et bien là. Il ne pouvait guère s'imaginer qu'il s'agissait une fois de plus d'une illusion. Il deviendrait fou. Il s'apprêtait à rouvrir les yeux, anéanti, lorsqu'un hennissement si reconnaissable claqua à ses oreilles. Il ouvrit le yeux et redressa plus la tête, pour hennir plus fort, l'appelant, se cabrant de toute sa hauteur pour chercher à l'apercevoir.

Enfin, il l'avisa. A peine plus loin. Le corps doré, et immaculé selon les endroits, de l'étalon frémit et il prit le galop, battant des antérieurs le sol. Il frappait, on l'entendait rebondir à chaque foulées. L'étalon cherchait une échappatoire à sa prison. Son cerveau était en ébullition et son cœur semblait prêt d'exploser. Il avisa alors la barrière, plus basse. Ses muscles se tendirent et il se prépara à prendre de l'élan. Il bondit, droit sur la barrière. Les oreilles plaquées contre la nuque, l'encolure dressée, il ne prit pas peur. Son équilibre bascula d'un seul mouvement sur ses postérieurs. Il se ramassa et ses muscles se dessinèrent plus fort sous sa peau fine. Sa robe luisante s'alluma d'un seul reflet d'or. Il frappa le sol plus fort, plia les antérieurs, poussa des postérieurs. Son corps entier se décolla, il étendit le mouvement vers l'avant, prenant de la hauteur et enfin ses postérieurs quittèrent le sable clair du paddock. Il étendit l'encolure, les genoux hauts, les postérieurs pliés sous son corps. Une seconde, il vola.

Puis il remonta l'encolure, ses antérieurs se déplièrent et s'étendirent vers l'avant. La réception appuya cinq cents kilos sur les articulations qui amortirent le tout, et l'étalon reprit sa galopade. Il rua, deux fois, hennissant de cette liberté prise. Lorsque les barrières étaient cassées et ne dépassaient guère le mètre vingt, il était aisé pour tout cheval - sauf exception notable - de s'échapper; Danger l'avait prouvé. Il galopa alors jusqu'au paddock de la belle, ronflant des naseaux, le regard luisant. Là, il fut contraint de s'arrêter dans une glissade, puisque l'édifice était trop haut pour lui. Il piaffa, ardent, ronflant des naseaux. Il était là, pour elle, sa princesse de retour.

“Tu sais, je n'ai pas peur d'aimer... J'ai juste peur que tu m'oublie, et que j'en crève.”

Elle avait oser. Et tandis que la jument, espérer fortement, d'avoir une réponse, elle sentait peu à peu son cœur raidir, elle n'entendait plus rien... Silence radio. La jument ouvrit un œil, et un second, rien en vue... Soudainement perdue, elle se mit à le chercher, mais toujours rien. Elle lâchait un long soupire, et reculer doucement, sans même s'en rendre compte elle le cherchait toujours, tandis que ses membres se mirent à reculer et finalement, elle tournait la tête pour se mettre au pas vers le fond du paddock... Et dans une fin d'espoir, elle entendit un hennissement, et finalement, un bruit de galopade, se précipitant de tourner la tête, il était là ! Lui* ! Les yeux écarquillés, elle était en effet surprise, et choquée.

Le regard doux, on aurait pu voir dans son regard le soulagement, ça lui avait peser sur le coeur, le corps, l'esprit même ! Elle hésiter, ses membres tremblés, mais elle se mit au petit galop, rejoignant alors rapidement la barrière pour tendre généreusement l'encolure, essayant de le toucher du bout du nez, elle voulait le sentir, reconnaître son odeur, sa peau... Si elle était dans son dernier souffle, la seule personne qu'elle voulait voir, c'était lui ! Donnant des coups fort dans la barrière, mais léger pour celle-ci, nerveuse elle n'arrivait même plus à parler... Elle chuchotait juste, soulagée et peinée à la fois.. Une larme vint perler sa joue blanche et mince.

“Là... Tu est ... là...”

Le cœur du puissant mâle s'emballait à mesure qu'il approchait de la clôture de sa belle. Son corps n'était que feu, il brûlait d'énergie et de hargne. Cette barrière trop haute, cette dernière fortification qui le séparait de la petite grise le mettait en rogne. Il grondait, les oreilles contre la nuque, furibond. Il avait l'air si fou, si violent... Pourtant, les pas dansant de la petite jument l'apaisèrent et il tendit son encolure massive, aussi loin, aussi fort qu'il le put. Il cherchait à embrasser le corps délicat aussi fort qu'il le pouvait. La douce Cendrillon était sa raison d'exister, de rester vivant.

Et enfin, le contact. L'étalon ferma les yeux devant tant de bien-être. Il soupira, détendit les muscles. Son corps et son âme semblaient apaisés. Il couvrait les chuchotements de la jument de de son souffle puissant, s'enivrant de son odeur entre pêche et vanille, divinement sucrée, lui chatouiller les naseaux. Il était le plus heureux. De son timbre bas, grave, fort, capable de faire vibrer les corps et chavirer les cœurs par tant de chaleur, de puissance, il murmura à son tour, rouvrant les yeux.

« Je suis là, toujours... Pour toi... J'ai eu si peur de ne jamais te revoir... »

Ses antérieurs battaient la barrière, dans l'espoir de la faire tomber, de l'abîmer, simplement. Mais rien n'y faisait. Et il savait parfaitement, l'animal fou, qu'il serait incapable de sauter. Il savait que sa force et son adresse ne le conduiraient pas aussi haut et qu'il y risquait très, très cher.

“Tu sais, je n'ai pas peur d'aimer... J'ai juste peur que tu m'oublie, et que j'en crève.”

La chaleur de l'étalon, même très peu, pouvait la réchauffer, l’apaiser, la rassurer mais surtout, avoir conscience de ses doux sentiments à l'égard de l'étalon. Son corps était aussi mou que le marshmallow, et je ne vous parle même pas de sa tête ! La petite grisette voulait certainement pouvoir rester à ses côtés autant de temps qu'ils ne le pourrait, mais ce n'est que rêve. Car, même si ils se retrouvaient encore cette fois-ci, elle le savait au fond, qu'un jour il serait séparé... Que ce soit dans la même Académie, ou que l'un de deux équins doivent partir, à l'étranger ou bien... Bien trop haut, dans le ciel ! La jument ne voulait cependant pas se peiner pour rien, ou du moins pour le moment, alors elle savourerait chaque moment avec son bel étalon.

Celui-ci, essayait tant bien que mal de briser la barrière qui se m'était entre eux, mais elle ne céderait pas... Ou du moins, pas maintenant et aujourd'hui ! Alors, pour détendre l'atmosphère, la jeunette se mit à faire la pitre, en passant la tête entre deux barrières et dire avec un ton plus ou moins humoristique, pour " amuser la galerie " comme on pourrait dire

“ Je peux toujours passer par là ! ”

Évidemment, elle savait que même si elle était aussi petite, elle ne pourrait pas passer entre deux barrières. Pour ce qui est du saut, elle pourrait la sauter, certes... Mais imaginez-vous, qu'elle n'a pas été entrainer depuis bien deux semaines, et que même si celle-ci est une championne de renommé mondial, elle ne pourrait pas maitriser sa force pour sauter une barrière aussi haute, sachant que de l'autre côté, on ne peux être sûr d'un bon atterrissage ! En tout cas, elle passait la tête pour la mettre sur la barrière, et regarder de ses yeux de biche l'étalon et lui dire doucement :

“ J'aimerai pouvoir t'avoir à mes côtés tous les jours, et toutes les nuits... Mais, je peux que rêver de toi, tant que je n'oublie pas ton visage, cela me va pour le moment. Il faut vivre avec, même si c'est à tes côtés que j'aimerais passer mes nuit et mes rêves. ”

L'étalon était apaisé par la présence de la petite grise. Lorsque cette dernière passa la tête entre les planches, il colla sa tête colorée contre celle de sa belle et émit un bruit de gorge affectueux. Il n'était que trop heureux de la présence de sa belle, ici, aujourd'hui. Ils avaient vécu tous les deux tant de choses... Leur pouliche, Désirée, était elle aussi partie. Elle avait été une pépite dans la vie de son père. Fine et gracieuse comme sa mère, tachetée comme son père... Une véritable petite princesse. Disparue, du jour au lendemain, tout comme la grisette. Danger s'obligea à repousser ces pensées sombres en posant en antérieur au sol pour mettre son regard impair dans celui plus sombre de sa belle.

« Je crois que tu as oublié de grandir... »

Il se redressa d'un seul bond, bandant ses muscles fins. Il tourna la tête vers les écuries, une seconde, s'assurant qu'il n'avait pas été vu. Son regard était farouche pour les hommes, mais passionné pour sa belle. Son corps entier frémissait. Un éclair fou passa dans ses yeux, illuminant ses prunelles d'un éclat sauvage.

« Je refuse de te perdre une fois de plus. Sans toi je meurs, je refuse de les laisser nous séparer. Je ne vis qu'avec toi. »

Son corps fut secoué d'électricité et il frappa plus fort la barrière, espérant entendre craquer le bois.

“Tu sais, je n'ai pas peur d'aimer... J'ai juste peur que tu m'oublie, et que j'en crève.”

La grisette essayait tant bien que mal de faire bonne impression, montrer qu'elle était calme... Mais l'étalon quant à lui, essayait de briser la barrière qui les séparés.. Ce qui pouvait être une impacte, si les humains le voyait ! La jument un peu paniquée, lui soufflait :

“ Dan...Danger arrête... Si ils te voient, je ne sais même pas si nous pourrions nous revoir un jour, tellement que ta punition sera dure ! ”

Elle s'écartait au moment où l'étalon y laissait un coup de sabot bien dure pour la barrière, qui se briser, faisant un bruit monstre. La jument abasourdie aurait pu se taper un sabot sur le front, pour montrer du désespoir mais bon.. Elle soupirait et lui dit alors, doucement :

“ Tu sais que, je suis ici maintenant... Ne précipite pas trop les choses, il vaux mieux ce voir d'en de bonnes circonstances.. ”

La jument allongeait son encolure pour atteindre les oreilles de l'étalon et lui mordiller, comme elle l'aurait fait à sa fille, leur fille, Désirée.

La fougue de l'entier contrastait durement avec le calme de la jument. Elle s'inquiétait que les hommes ne viennent les séparer, lui ne s'inquiétait que de pouvoir coller son corps puissant contre sa frêle aimée. Alors le fait qu'il batte cette barrière en y mettant tant de force, non, ce n'était en aucun cas étonnant. Sa force brutale fit d'ailleurs céder, dans une sinistre bruit de bois qui craque, la barrière inférieure. Il pensa avec amusement qu'Arlequin, un shetland et le seul compagnon qu'il acceptât au paddock, aurait pu passer dans le trou qu'il venait de ménager dans les planches. Il pensa aussitôt avec amertume qu'il était bien trop grand et imposant, lui, l'étalon d'or et de neige. Il frotta doucement la tête contre sa belle.

« Ne t'en fais pas pour moi, ils ne viendront pas à bout de moi, plus maintenant. Tout ce que je veux, c'est être avec toi... Ce que tu ne sais pas, c'est qu'eux ne nous laisserons plus jamais la chance d'être à deux, comme avant. Je prends ma chance tant qu'il est encore temps. »

Mais il s'apaisa, jusqu'à clore les yeux et ne plus bouger lorsque la jument commença à jouer dans son long toupet qui lui cachait les yeux. Elle mordilla alors ses oreilles et il allongea l'encolure jusqu'à elle avec tendresse pour lui lécher le cou, juste sous l'encolure avec toute la gentillesse qu'il avait enfuie depuis un moment déjà. Celle-là, c'était la sienne et il était incapable d'imaginer ses vieux jours sans la tendre grisette à ses côtés.

“Tu sais, je n'ai pas peur d'aimer... J'ai juste peur que tu m'oublie, et que j'en crève.”

Si on posait la question à Cendrillon, qu'elle as était son meilleur moment aux côtés de Danger... Elle pourrait vous répondre très certainement et avec conviction que tous les moments, toutes les minutes avec lui furent un pure bonheur, et qu'aucun regret d'avoir pu être à ses côtés était présent. En effet, Cendrillon pouvait énumérer tous les moments ; Le manège, le box, le paddock... Autant de souvenirs gravés, que la jument ne pouvait même pas tous les cités, ça durerait surement l'éternité. Même si on va paraître fleur bleue, Danger fut l'une des choses au quelle elle ne peux regretter ! Et pourtant... Combien de fois s'était-ils presque éclater la gueule ? Je ne peux même plus les compter...

“ Pourtant... Nous les savons, que nous sommes ici. Pour moi, savoir que tu est en bonne santé me met de bonne humeur Danger. Tant que tu est heureux, tout me vas. ” avouait la jument.

Un petit soupire, elle levait le sourcil et reculait, pour partir au petit trot, panachant la queue comme dans les temps où elle essayer sans trop faire d'efforts de le séduire ( je ne dirais pas comme une pimbêche, mais presque.. ) elle s'arrêtait pas trop loin, les postérieurs vers lui, elle passait la tête sur ses flancs et lui tirait la langue. Cendrillon n'avait pas perdue son caractère gamin et amusant, non, et elle ne le perdrait jamais.

Vous ne me croirez pas, mais la jument se retournait, fermant les yeux pour dire deux mots dans le vide... Partir au trot, et accélérant d'un coup au galop. L'idée de sauter la barrière lui avait évidement traverser la tête, et avant d'arriver face à celle-ci, elle vidait son esprit pour ne pas être tenter de ralentir et ne pas la passer...

Elle arrivait à seulement quelques mètres de celle-ci, elle mit un coup de pression de son postérieur et regroupa ses antérieurs à son passage de sangle, faisant un énorme bond, comme on ne l'aurait jamais vu de la grisette. Elle était confiante, jusqu'à ce qu'elle entendit son sabot taper à la barrière, elle perdit équilibre instantanément... Et tombait par terre lamentablement, sans trop se casser la gueule. Elle regardait à droite et à gauche, puis Danger... Elle lui dit d'un coup :

“ J'ai bien cru que je n'arriverais pas entière de l'autre côté ! ”
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