Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

Bon, ça faisait quand même assez longtemps que je n’étais pas sorti hein ! Trop longtemps. J’avais passé ma tête à travers la grille de mon box, guettant avec attention le moindre mouvement des écuries. Si seulement ils venaient me chercher. Même si c’était pour travailler, peu importe, je serais partant ! J’avais juste besoin de me dégourdir les jambes, de pouvoir évacuer mon énergie parce que ça, j’en avais beaucoup trop. Je vis un palefrenier arriver et une lueur d’espoir traversa mon regard. Venait-il pour moi ? Oh, je l’espérais tellement ! Il s’approchait de plus en plus et tout à coup, je vis qu’il avait mon licol à la main. J’hennis joyeusement, tellement content de pouvoir sortir. En plus, il n’avait pas l’air d’avoir apporté une selle, ce qui m’enchantait encore plus ! Je n’allais pas devoir travailler.

Il s’approcha donc de mon box, comme prévu, ouvrit la porte et m’enfilais mon licol. Je me laissais bien faire, après tout c’est le palefrenier qui venait m’apporter un peu de liberté. Je le bénissais. Tout joyeux, je le suivis sur le chemin du pré, regardant curieusement autour de moi, la tête haute. Oui, je le la pétais un peu avec mes fières allures mais bon, j’étais over-content de sortir et je voulais que tout le monde le sache. Le palefrenier me fit une petite caresse sur l’encolure, puis m’enleva le licol et à moi la liberté ! Je me mis à galoper fièrement dans toute la prairie, en ruant et en faisant des petits sauts de mouton. Soudain, je vis que je n’étais pas seul. Une magnifique jument partageait mon pré. Je m’arrêtais net, glissant un peu sur l’herbe et poussais un hennissement puissant. Elle m’avait remarqué. Méfiante, elle s’approcha de moi. Moi, je ne bougeais pas, j’attendais qu’elle fasse le premier pas. Elle s’arrêta à quelques mètres de moi, allongea l’encolure et colla ses naseaux contre les miens. Je la reniflais lorsqu’elle me demanda qui j’étais. Je levais la tête et lui répondis :

« Moi, c’est Fair Play. »

Pas besoin qu’elle en sache plus, pas pour l’instant. Je me remis à trotter fièrement en allongeant bien les membres, la queue en panache. Oui, je frimais mais je voulais montrer qui était le plus beau. Tout en trottant, je reniflais l’air frais de la Normandie et en expirant, quelques nuages blancs sortirent de mes naseaux. Il ne pleuvait pas, c’était déjà ça. Je me remis à galoper en ruant de temps en temps, puis m’arrêtais près de la jument et baissais la tête pour brouter.

« Tu t’appelles comment, toi ? »

Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

Oui, j’étais un frimeur, et alors ? Tout le monde devait voir à quel point j’étais beau gosse. Surtout avec une jument dans les parages, impossible de ne pas me faire remarquer ! Après avoir fait un tour dans le pré, je m’arrêtai à côté de la jument et me mis à brouter. Elle se présenta. Une Chance ? Drôle de nom, mais il me plaisait bien. Je ne lui répondis rien me contentant de la regarder en broutant. Elle baissa également la tête, puis la releva après quelques instants et me demanda si j’étais ici depuis longtemps. Ah, en réalité, je ne savais même plus combien de temps ça faisait que j’étais arrivé ici, peut-être … Un mois ? Je n’en avais aucune idée.

« Je sais pas. Je ne suis pas là depuis très longtemps, en tout cas. Toi non plus j’imagine, je ne t’ai encore jamais vue ici. »

Soigneusement, je cherchai les meilleures touffes d’herbe et laissai celles qui m’avaient l’air moins bonnes. Soudainement, j’entendis quelqu’un crier. Tout en mâchant, je levai la tête et la tournai en direction des écuries, d’où provenait le bruit. Près de la barrière se trouvait un petit enfant qui tentait de nous faire venir en criant « Chevaaaal ! » et en nous tendant la main. Hm, je misais sur une friandise ! Je tournai la tête vers la jument qui se trouvait à mes côtés et lui dis :

« Ca sent les friandises, par là ! Viens, on y va. »

Je me dirigeai donc vers le petit être humain en trottant gracieusement – ben oui, même aux humains je devais montrer qui était le plus beau – et stoppai net devant la barrière. La petite fille recula de quelques pas en me voyant arriver comme ça mais s’approcha à nouveau lorsque je lui tendis l’encolure pour sentir ce qu’elle avait dans la main. Je la flairai, ça sentait bon la carotte. Du bout des lèvres, j’essayai doucement d’ouvrir sa main pour obtenir la friandise. Finalement, elle se décida enfin à me la donner et je pris la carotte, faisant bien attention de ne pas choper ses doigts avec. Ben oui, une main d’enfant, c’était tellement petit, pas facile de calculer son coup pour ne pas la bouffer avec ! Rapidement, j’avalai le bout de carotte et me mis à sentir son manteau pour trouver une autre friandise. Je tournai enfin la tête vers Une Chance et lui fis signe que si jamais la petite fille avait une autre friandise, ce serait pour elle. Bah ouais, frimeur mais gentlemen quand même hein !

Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

Elle me répondit qu’elle non plus ne savait pas trop depuis quand elle était là, mais elle pensait que ça devait faire environ deux semaines. Ah, c’était une petite nouvelle, alors. C’est vrai que je ne l’avais pas encore vue, avant ! Et voilà qu’elle se trouvait dans le même pré que moi. Boh, elle avait l’air sympa, alors ça ne me dérangeait pas trop. Quelques brins d’herbe en moins, m’enfin bon. Tout à coup, un cri retentit et la jument fit un brusque écart. Moi, je me contentai de lever la tête et de regarder la jument d’un air bizarre. Bah, qu’est-ce qu’elle avait ? Ce genre de bruits, on les entendait souvent ici, et les petits n’enfants adoraient nous donner des friandises. Tant mieux pour nous, en même temps ! Mais pourquoi elle avait eu si peur ? Tout de suite, je l’invitai à venir avec moi chercher des friandises mais elle refusa. Elle était toute tremblante en plus, mais qu’est-ce qu’elle avait, sérieusement ? C’était pas la fin du monde, quand même. Bon ben, tant pis pour elle. En trottant gracieusement, je me dirigeai vers la petite fille qui criait pour qu’on vienne. Rapidement, je mangeai la carotte qu’elle tenait dans sa main, et fis signe à la jument que la suivante serait pour elle. Mais pourquoi ne venait-elle pas ? Elle se contenta de baisser la tête et de continuer à brouter. Bon, d’accord. J’avalai la deuxième carotte que me tendait la jeune fille et enfouis mon nez dans son cou pour la faire rire, et pour la remercier, aussi. Bon, j’en avais eu assez, des carottes, fallait pas exagérer non plus.

Je me dirigeai donc au petit galop, tête plutôt haute vers la jument et m’arrêtai près d’elle. Je me remis à chercher les meilleurs brins d’herbes et à les avaler avec appétit. Bon, là, je voulais vraiment savoir pourquoi elle n’était pas venue. Parce que là, c’était vraiment très bizarre, quand même !

« Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi t’es pas venue avec moi ? Elles étaient superbes, les carottes. Bien fraîches. »

J’avais l’eau à la bouche rien que d’y penser. Bon, j’avoue. J’avais beau faire mon frimeur, être beau gosse et tout, un de mes très vilains défauts était que j’étais vraiment très, très gourmand. Mais bon, deux bouts de carotte, c’est pas la mort hein ?

Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

Lorsque je demandai à la petite jument pourquoi elle n’était pas venue, elle me répondit qu’elle n’avait pas envie. Pfff, genre. C’était pas crédible du tout, ça, si elle voulait vraiment trouver une excuse, qu’elle trouve autre chose que ça, nan mais. Elle me prenait pour le roi des imbéciles là, j’avais l’impression. Enfin, je me contentai de secouer la tête et continuai à brouter à ses côtés. Elle se coucha alors dans l’herbe, continuant à en grignoter quelques brins, même en étant couchée. Ca montrait clairement qu’elle était elle-aussi gourmande, ce qui rendait son explication encore moins crédible. M’enfin bon. Je restai debout à côté d’elle, comme pour la protéger, même s’il n’y avait aucun danger, ici. C’est vrai, il ne se passait rien du tout dans ce coin paumé, y’avait jamais d’action et tous les jours se ressemblaient. On nous sortait au pré, on nous rentrait, on nous donnait à manger, on nous travaillait de temps en temps et hop, au box les petits chevaux ! Non pas que c’était grave, non, on avait une belle vie mais c’était vraiment très monotone quand même.

Pour une fois, il faisait beau ici, le soleil brillait sur ma robe et il me donna une agréable sensation de chaleur. Je me sentais assez bien là, surtout que j’avais de la compagnie. Une jument, qui plus est. Bon, elle était assez trouillarde n’empêche hein ! Et elle me prenait pour un con, aussi. Mais bon. Je ferais avec. Tout à coup, une idée illumina mon esprit. J’en fis part à la jument.

« Hey cocotte ! Tu crois qu’on pourrait sauter la barrière ? »

Oui, j’étais un grand fou, c’était pas nouveau. Mais c’était la première fois que cette idée me traversa l’esprit et je dois vous avouer que ça me tentait vraiment. On aurait enfin un peu d’action, ce serait assez marrant, non ? Pourquoi pas tenter le coup ? En tout cas, moi j’étais partant. Encore fallait-il que la petite jument n’ait pas peur, mais bon, à mes côtés, il ne pouvait rien lui arriver !

Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

A ma plus grande surprise, lorsque je lui demandai si on arriverait à sauter la barrière, la jument se leva et se secoua, puis me lança un regard joyeux. Ah, mon idée lui plaisait ! Et elle semblait vraiment avoir envie de le faire, en plus ? Où était passée la grande trouillarde ? Etrange, quand même ! Bon ben, au moins, je sentais qu’on allait s’amuser et cette idée m’enchanta. Elle fit un bond et partit au galop, à un rythme cadencé, pas trop rapide ni trop lent. Au lieu de la suivre, je restai là, histoire de voir comment elle s’en sortirait. Elle s’approchait de plus en plus de la barrière, et je me mis à souffler de plus en plus fort. L’adrénaline était vraiment forte, et j’adorais ça. A environ un mètre de la barrière, elle se lança, sauta la barrière avec un peu de marge et fit une réception parfaite.

Je secouai la tête, joyeusement et me préparai à mon tour. Je me mis à piaffer un peu sur place – ben ouais, j’aimais frimer hein – et pris ensuite un galop parfait pour aller sauter. Je m’approchai de la barrière et soufflai fortement par les naseaux. Mon jour de gloire était arrivé ! Pile au bon moment, je m’appuyai sur mes postérieurs de toutes mes forces et franchis la barrière avec encore plus de marge que la jument. J’étendis bien mon encolure et passai mon dos le mieux possible, histoire de faire un saut plus que magnifique. J’atterris de nouveau au sol et secouai la tête à nouveau, fier de moi.

« Beau coup de saut, miss ! »

Elle se mit à marcher le long du chemin et je la suivis, encore un tout petit peu essoufflé. Ca avait vraiment été un gros saut et des sauts comme ça, on n’en fait pas tous les jours. En même temps, sans cavalier, c’était déjà beaucoup plus facile, on se sentait plus léger et on volait beaucoup plus haut. Bon, et maintenant ? J’avais bien envie de poursuivre l’aventure. On avait quand même pas fait tout ça pour rien ?

« On va où cocotte ? Je t’emmènerai au bout du monde, si tu le veux ! »

Bien sûr, je rigolais et je ne pouvais pas m’empêcher de frimer un peu. Après tout, ça n’avait pas trop l’air de déranger la jument, tant mieux pour moi. Je m’arrêtai rapidement pour arracher un brin d’herbe bien frais avec mes dents et poursuivis ensuite mon chemin. Fallait pas qu’on aille au milieu des écuries, on nous remarquerait et ce serait notre fête ! Mais je me sentais tellement bien là, je me sentais vraiment libre, pour une fois. Ca faisait longtemps que je n’avais plus éprouvé un tel sentiment de bonheur. En plus, je n’étais pas tout seul à faire ça alors c’était d’autant plus génial, quoi !

Et un p'tit tour au pré !
→ Fair Play et Une Chance

Après mon super saut, je m’étais approché de la jument en trottant gracieusement, chose que je savais vraiment bien faire. Tout à coup, la jument me demanda si je n’étais pas un peu frimeur. Frimeur, moi ? Non, pas du tout Enfin si, mais chut hein, je préférais mourir plutôt que de l’avouer ! Je tirai une tête genre et lui répondis :

« Pas du tout ! »

Je la complimentai alors sur sa façon de sauter, et elle me répondit que moi aussi je sautais bien. Les compliments, voilà de quoi me mettre de bonne humeur ! Pour finir, je lui demandai où elle voulait aller, et pour rire, j’ajoutai également que je l’emmènerais au bout du monde s’il le fallait. Elle me répondit qu’on irait dans l’écurie, et que je n’avais qu’à l’emmener dans la réserve de nourriture. Ah ben, pas trop mal, l’idée ! Sauf que si on se faisait prendre – ce qui serait sûrement le cas – ce serait notre fête. Enfin, tant pis, c’était un risque à prendre et je le prenais avec plaisir.

« Okay miss, on y va ! »

Je me mis donc en route vers l’écurie et y entrai. Je savais exactement où se trouvait la nourriture, le nombre de fois que les palefreniers en étaient sortis avec des seaux remplis ! L’eau me montait à la bouche rien que d’y penser. Je fis signe à la jument de me suivre et nous entrions donc dans la caverne d’Ali Baba. Immédiatement, je fourrai mon nez dans un des sacs et me mis à grignoter quelques carottes bien juteuses. On prenait vraiment de gros risques là, mais en tout cas, c’était juste génial. Avec appétit, je continuai à manger les carottes et de temps en temps, je regardai la jument. J’étais vraiment tombé sur la bonne juju hein, au moins, elle osait !