J’étais dans mon box lorsqu’un palefrenier est venu me chercher, une pomme à la main, j’hennis et il me tendit un quartier du fruit. Placide, je dégustai ce délice, délectant le gout sucré. Il prit un licol jaune délavé et usé qui autrefois devait être électrique. Il me l’enfila et plaça la longe salie par le temps dans sa main. Il vint m’attacher à côté de mon box et me brossa pour mon plus grand plaisir. Je poussai un soupir de bonheur. Il faisait beau et pourtant l’air était humain et la légère brise piquante.

L’homme au pull bleu sombre s’en alla un instant et revint avec un cure-pied. Sage et non agressif, je me laissai faire sans rechigner. Pas une seul fois je tentai de mordre. On m’apportait un tapis flambant neuf, noir et bleu profond. Un selle neuve aussi, encore jamais servie, noir ainsi qu’un filet lui aussi neuf, noir. On avait donc prit soin d’assortir mon ensemble et j’étais assez fier dedans. Il m’installa tout ça sur le dos mais finalement retira la selle pour mettre un amortisseur en mouton blanc. Il replaça la selle et me détacha.

Il me mena jusqu’au manège, en silence, il faisait assez froid et tout le monde devait être réfugié dans le club house. Je secouai légèrement la tête et avança doucement, tête basse et allongée, trainant un peu les pieds. Je regardais mon nouvel environnement autour de moi. De nombreuses carrières, j’en reconnaissais une d’obstacle et l’autre sans doute de dressage. Mais non, nous nous allions dans le manège. Pas plus mal j’ai envie de vous dire, dehors il fait assez frais … Il me posta simplement au centre du manège et attendit. Quelqu’un ou peut être quelque chose.

Finalement quelqu’un entra, je le regardai, le détaillant rapidement. Pas très grand, j’étais sans doute un peu plus petit au garrot. Un blond aux yeux bruns. Je restai calme, il n’y avait aucune raison de s’exciter et je soufflai de l’air chaud créant une fine bué dans l’air frais de Normandie. Je le regardais, le suivait de mon regard sombre, profond et lorsqu’il mit le pied à l’étrier, soupira. Je le laissai gentiment monter sur mon dos. Je ne promets pas d’être aussi sage le temps du travail mais je préférai toujours faire bonne impression. Il me demanda le pas. Je réagis aussitôt en me redressant d’un seul coup. Je trottai un peu et me remit à marcher normalement. Mon pas était assez actif, j’avais de l’énergie à revendre. Il faut dire que depuis mon arrivée, personne ne m’avait encore monté.

Je zig-zagaies dans le manège à sa demande. Un peu comme un pantin de bois sur lequel on tire les ficelle pour le faire tourner et tourner à sa guise. Comme cette petite voiture télécommandée, qui ne choisis pas son chemin. Je suis manipulé par un homme, que j’aurai pu rejeter dès son arrivé. Je suis plus fort que lui et le je soumets. Le mors au dent, je marche sous ses ordres. Depuis longtemps dominé, très peu osent se rebeller. Moi, je suis désagréable à ma manière. Désagréable car je n’aime pas me soumettre, obéir. La seule chose qui me plait, c’est me sentir grand, quand je gagne mes concours. Tour le monde tourne son regard vers moi, je me sens important, fort. Roi.

Je pris ensuite le trot, sans attendre d’ordre, habitué à la même rengaine toujours et encore, très peu de variante. Même départ, à chaque fois, le cœur change. Pas toujours les même sujets, pour paraitre moins monotone, pas toujours les même demande, mais toujours les même gestes. Répétés répétés répérés. Again. Je restais au trot, petit trot pour l’instant et au fil des secondes laissait la cadence accélérer la machine. Du petit trot je passais au trot moyen. Le refrain se répétait.

Il essayait de me reprendre, je trouvais ça un peu violent. Je tentais de resté calme mais lorsqu’il donna une pression sur le mors, j’arquai l’encolure et me mit à reculer. Je soufflai et me remit en marche au pas puis au trot. Je sentis que l’humain restait assis dans la selle, on allait dresser aujourd’hui. Il me demanda un trot léger et, le chanfrein à l’horizontal, je commençai silencieusement à décomposé mes foulées. Ça devait être agréable là-haut. Doux, bercer comme un bébé. On n’entendait que le bruit de ma respiration, Horse Beautiful était calme ce jour-là.

J’espérai que bientôt les choses bougeraient, en attendant, je répondais à ses demandes distraitement, sans y mettre vraiment de cœur, gardant le rythme pourtant. Il était léger sur mon dos, je ne sentais presque rien. Simplement ses aides légères qui me demandaient de faire un cercle puis une volte. Je suivais ses instructions à la lettre, sans rechigner pour le moment.

Il me demanda un départ au galop, je le pris en toute légèreté alors que dès la détente je commençai à baver sous l’effort que me demandai de rester sur la main. On travailla d’abord sur un cercle puis sur l’ensemble du manège aux deux mains. Sous ses ordres, j’exécutai calmement mes allongements. Le bruit de ma respiration rythmait mes foulées.

Les secondes filai achevant les minutes. Pas encore une heure, à peine un quart d’heure. Laisse le temps courir, on ne peut le rattraper, espère juste qu’un jour il se fatiguera et tu pourras l’attraper. Il s’échappera comme à chaque fois, car jamais le temps ne s’arrête. Il se ralenti juste au moment où tu voudrais qu’il accélère. Parfois le temps s’ennuie et te fais penser, qu’à toi il ne te reste plus beaucoup de temps et qu’il faut en profiter.

C’est qu’il n’est pas si con le p’tit blond. Il était léger sur la selle j’avais l’impression de ne rien porter et pourtant je sentais ses aides sur le côté. C’est pour ça que je travaillais. Oui, c’était le principe. Travailler et ne pas se rebeller. Je n’étais pas du genre à me rebeller, je faisais simplement savoir mon mécontentement avec certaine action ou alors simplement j’obéissais. Si une forte pression de jambe demandait le galop, je prenais alors le galop rapidement ! Trop rapidement apparemment pour certain, mais ça, ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre. Qu’est-ce que j’en ai à faire que vous mangiez le sable Moi je fais mon boulot à vous de faire le vôtre !

Sérieusement, vous croyez que ça m’amuse de faire un départ au galop selon vos désirs ? Non pas du tout, alors je donne de ma personne, à vous de savoir monter, de bien s’adapter au cheval que vous montez. On n’est pas là pour vous mâcher le travail.

Je repassai au pas, les aides légères et l’action douce des mains ne me gênait pas, je me sentais serein pour le moment. J’exécutai simplement. Je marchai doucement et le simple frottement des talons au rythme de mon pas suffisait à me stimuler pour ne pas m’arrêter. Mais je ne me foulais pas, je marchai simplement sur la piste, suivant un cheval imaginaire qui me disait d’aller droit et de ne pas me prendre la tête pour la cavalier.