♦ Après avoir déposé mes valises et mis en ordre les papiers nécessaires, on m'avait montré mon futur cheval. Celui que j'allais monter, panser, aimer. C'était une petite jument appaloosa, du nom de Brume Éternelle. On m'avait dit qu'elle était joueuse, attachante et amicale, mais qu'elle pouvait aussi n'en faire qu'à sa tête. En fait, elle me ressemblait assez. On m'avait expliqué aussi qu'elle était forte en dressage, endurance et cross. C'est ce que j'aimais aussi, mais j'étais quand même un peu déçue qu'elle n'aime pas trop le saut d'obstacles. Dans le fond, c'était peut-être bien ma discipline préférée et je trouvais ça dommage de ne pas pouvoir la pratiquer. Enfin, j'essayerais sûrement de sauter de petits obstacles au début, et de la faire progresser au fur et à mesure. J'étais pleine de projets pour cette petite jument, avec laquelle je m'entendrais sûrement très bien.

Je m'approchai du box, curieuse et heureuse de pouvoir commencer si tôt déjà à travailler un cheval. J'avais prévu de lui faire un long pansage et de la travailler un peu en liberté ensuite. Brume avait entendu le bruit de mes pas, et sortait joyeusement la tête de son box. Elle hennit en me voyant, ce qui me faisait chaud au coeur. Postée devant son box, je lui caressai le chanfrein, la joue, pour finir par le bout du nez.

- Salut toi !, dis-je en souriant. Alors c'est toi la jument qu'ils m'ont confiée ? Tu es vraiment magnifique.

J'ouvris la porte de son box en restant attentive, malgré la bonne humeur de Brume. Je ne la connaissais pas, peut-être était-elle imprévisible. Je continuai de la caresser, sur l'encolure cette fois-ci. Je l'inspectai, pour voir si elle n'avait pas d'éventuelles blessures à signaler. Rien de tout ça à première vue, j'étais ravie.

- Eh bien, tu as l'air en pleine forme ma belle !

Je souris, contente qu'elle aille bien. Je pris ma boîte de pansage que j'avais ramenée dans les écuries et pris le cure-pied, le lui fit sentir. Ensuite, je lui curai les pieds en faisant bien attention à ses réactions. Ses pieds étaient presque pas sales, juste de la paille coincée dedans, que je réussis rapidement à enlever. Je pris l'étrille, l'étrillai, frottai les tâches brunâtres de sa robe. Elle s'était sûrement roulée, et je ne réussis pas à enlever complètement les taches.

- Il fait beau, on ira à la douche après !

J'aimais parler aux chevaux. J'avais l'impression qu'ils me comprenaient, et même si c'était pas le cas, ils m'écoutaient. Je savais qu'ils ne me trahiraient pas, et cela me rassurait. Je continuai à la panser, bouchon, brosse douce, époussette, éponge pour enfin terminer par les crins. J'avais passé au moins une heure à la panser, mais rester avec un cheval dans le box ne me dérangeait pas le moins du monde, au contraire, cela m'apaisait et me rendait heureuse. Après avoir terminé mon pansage, je continuai à la caresser, lui frotter le garrot et à lui parler.

- Alors miss, ça te dirait de passer aux choses sérieuses ? dis-je en lui souriant. Sourire était sûrement la meilleure chose à faire pour faire bonne impression devant un cheval. Cela le mettait en confiance, et on m'avait dit que ça marchait sur presque tous les chevaux, même les plus chauds.

♦ Cette jument était, comment dire, excitée. Je ne savais pas ce qui lui était arrivé juste avant, peut-être avait-elle passé des heures enfermée tout comme moi dans mon avion, ou alors c'était juste dans sa nature. En tout cas ça me fit bien rire. Elle me donna un petit coup de nez dans le dos, et je me retournai en souriant et en lançant un petit "Hé!". Elle me surveillait en secouant la tête, joyeusement. Je devais vraiment être LA personne dont elle avait besoin, tellement elle semblait être amusée. Lorsque j'allai chercher la boîte de pansage, elle s'animait de plus en plus et me lança un hennissement encore plus joyeux que tous les autres. Amusée par tant d'enthousiasme, je lui dis en rigolant :

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'es complètement folle ma petite !

En lui curant les pieds, elle me souffla dans les cheveux, chose que j'adorais. J'aimais sentir le souffle chaud d'un cheval dans ma nuque, sa présence me faisait sentir en sécurité. En me relevant après avoir terminé le cure-pied, je vis la petite jument qui tenait une brosse dans sa bouche.

- Hé ! C'est ma brosse ça ! lui dis-je en tirant puérilement la langue.

Je pris mon étrille, l'étrillai et ma brosse dure, ensuite. Quand je passai enfin à la brosse douce, j'ai passé au moins cinq bonnes minutes à essayer de l'attraper. La petite coquine n'avait pas l'intention de me la rendre !

- Brume ! lui dis-je fermement.

Elle me rendit ma brosse presque immédiatement. Bien sûr, je ne la grondais pas pour de vrai, mais c'était le seul moyen de récupérer ma brosse à moitié mâchouillée. Je finis de panser à la brosse douce, et je lui dis qu'on allait aller à la douche. Comme si elle m'avait comprise, elle hennit joyeusement. Je la regardai d'un air étonné, à moitié convaincue. La tête que je faisais en ce moment faisait rire beaucoup de gens, apparemment il trouvaient ça drôle de me voir ainsi. Après avoir terminé entièrement son pansage, elle me poussa un tout petit peu et alla boire à son abreuvoir. C'était un automatique, chose que je trouvais bien pratique. Je sortis du box pour aller chercher son licol et ma longe, et à mon retour la belle piaffait dans son box et tournait en rond. Dieu, qu'elle était impatiente !

- Oui oui, t'inquiète pas, on sort ! lui dis-je en souriant.

Je lui passai son licol vert pomme, y attachai ma longe et nous sortîmes en route vers le rond de longe. J'avais prévu de la longer pendant une dizaine de minutes, puis de passer au travail en liberté pendant une vingtaine de minutes. Mes projets concernant cette jument pourraient débuter. Arrivés dans le rond de longe, je lui ordonnai de marcher sur la piste. J'espérais qu'elle avait déjà appris les bases à la longe, sinon ma voix ne servirait à rien, pour l'instant.

♦ La petite jument observait chacun de mes mouvements, attentive à mes moindres gestes. Lorsque je rentrai de la sellerie, elle avait la langue sortie. Je ris, n'ayant encore jamais vu un tel cheval, si joueur et si ... enfantin ! Je m'approchai d'elle, lui mis le licol et la longe et la sortit doucement du box. Je la fis marcher à mes côtés, en la testant. Arrêt, départ, arrêt, départ. Elle faisait la belle en se plaçant, alors que je ne l'avais aucunement demandé.

- Hé, le placer c'est pour après, ça ! dis-je en riant.

A pieds, c'était un ange. Monté, cela restait à voir, bien que je pense qu'elle ne serait pas très capricieuse, à part peut-être quelques petites bêtises mais rien de très grave. En arrivant dans le rond de longe, je lui demandai de marcher. Elle me regarda pendant un tiers de seconde puis partit au galop rond et souple, pour se dégourdir les jambes. Je ne la retins pas, je ne savais pas où elle avait été juste avant mais si elle sentait qu'elle avait besoin de courir, elle avait le droit. La belle jument ayant fini de s'échauffer au galop, elle se remit au pas, docilement, et je ne pus m'empêcher de sourire.

- Trotter ! lui dis-je sur un ton énergique, pour qu'elle comprenne mieux mon intention.

J'observai la jument, toute brillante grâce à mon pansage - et aussi un peu grâce au soleil, je l'avoue -. La lueur dans ses yeux m'inspirait confiance, elle semblait décontractée et heureuse de pouvoir bouger. Elle avait bonne mine, aussi, mais je ne doutais pas des soins qu'apportait ce centre à ses chevaux. Ce cheval m'étonnait, d'un côté à cause de son enthousiasme - plutôt rare chez un cheval de club - et de l'autre côté à cause de sa confiance envers moi, qui était rare chez le cheval tout court. On aurait vraiment dit qu'elle avait passé 24 heures enfermée, voir plus, tellement elle était excitée. Cela ne me déplaisait pas, au contraire. J'aimais les chevaux ayant du peps, et je me réjouissais de pouvoir la monter bientôt. J'étais aussi la seule à m'en occuper vraiment à part les palefreniers, et à la monter, et j'aimais ça. J'avais l'impression qu'elle était à moi - bien qu'elle ne l'était pas - et j'avais toujours rêvé de posséder un cheval. Trouvant qu'elle avait assez trotté, je la fis repasser au pas à la voix. Je m'approchai d'elle, et lui ôtai la longe.

- Voyons voir comment tu te débrouilles en liberté !

Je la fis rejoindre la barrière, et la fit marcher. Ensuite, je lui ordonnai de passer au galop, pour enfin lui demander de passer au trot, puis au pas. Je l'appelai et lui fis un signe de la main, pour qu'elle vienne. Je me mis à marcher dans la petite piste, en espérant qu'elle me suive. J'avais une envie folle de la monter. Plus le temps d'aller la seller... Je mis ma bombe sur la tête, que j'avais prise au cas où, et lui rattachai la longe. En un geste habile, je montai sur son dos, la félicitant en la caressant et la mis au pas. Je ne ferais rien d'autre que du pas, aujourd'hui, c'était tout de même une jument que je ne connaissais pas.

♦ Lorsque je lui demandai de trotter, elle s’exécuta presque immédiatement. Elle fit la belle en trottant légèrement, la queue en panache, voulant m'impressionner. Un petit sourire s'afficha sur mon visage, décidément je ne comprenais rien à cette jument. Elle avait l'air tellement facile, heureuse de vivre que ça en devenait effrayant. Je tentai de me remémorer son âge, 5 ans, il me semble. Elle avait le caractère d'un cinq ans, mais elle me semblait bien trop facile. Cela me faisait un peu peur, puisqu'elle me réserverait sûrement un sale petit coup. Enfin, je n'en savais rien, peut-être que cette jument était tout simplement une petite sainte, plus compréhensive que les autres. Elle trotta en regardant vers l'extérieur, elle avait l'air de découvrir les lieux pour la première fois. Personne ne m'avait dit depuis quand elle était là, d'ailleurs, et je n'avais même pas pensé à le demander.

Brume repassa au pas à ma demande, et je m'approchai d'elle pour lui enlever la longe. Elle s'éloigna, et s'excita à nouveau. Elle me suivit jusqu'à la barrière, où je déposai ma longe. Je la fis marcher sur la piste, puis galoper. Elle s'amusait à m'effleurer avec ses naseaux, à s'approcher un poil trop près à mon goût. Elle me faisait rire, mais il ne fallait pas non plus exagérer, c'était toujours moi le chef.

- Brume, non ! Retourne à la piste, dis-je sur un ton limite sévère. Elle était jeune, en pleine crise d'adolescence, et c'était mon devoir de l'éduquer comme il se devait.

Obéissant immédiatement, elle cessa ses âneries et se contenta de m'écouter.

- C'est bien ! l'encourageai-je.

Je la fis repasser au pas, et l'appelai. Au début, elle ne semblait pas comprendre, mais finit par me suivre malgré tout. Je souris, puis m'arrêtai pour la caresser. En passant, je lui donnai un petit coup de bombe, sans le faire exprès.

- Oh, désolée ma belle. C'est bien, t'as tout compris, dis-je en lui caressant le bout du nez. Je souris, pour bien lui faire comprendre que j'étais contente d'elle.

J'allai chercher la longe, la lui attachai, pour enfin monter sur son dos. Je la caressai, et elle se décontracta. Je la fis marcher au pas, mais elle ne semblait pas du tout contente. Ça faisait maintenant vingt minutes que je la travaillais, pour une cinq ans une demi-heure, c'était déjà beaucoup, mais elle n'était toujours pas fatiguée. Au bout d'un moment, en ayant marre, elle passa au petit trot, mais je la retins presque aussitôt. Je l'avais laissée galoper au début de la séance parce qu'elle le voulait, mais il ne fallait pas exagérer.

- Non Brume, pas cette fois-ci ! lui dis-je sur un ton léger, gentil.

Elle tourna la tête vers moi, mais je ne compris pas exactement ce qu'elle me voulait. Je réfléchis - en fronçant les sourcils, comme d'habitude - à ce que je pourrais bien faire. Un grand galop sur une vaste étendue me tentait, mais elle n'avait pas de selle, et si jamais il m'arrivait quelque chose, ce serait pas gagné. Mais elle avait tellement besoin de courir ... Finalement, je décidai de la faire trotter, puis galoper pendant un petit moment dans le rond de longe, histoire de la fatiguer et de la défouler un peu. Je la mis au galop, en arrivant étonnamment bien à rester en équilibre. La jument étant plutôt ronde, ça me facilitait la tâche.

♦ Une fois sur son dos, Brume fit un petit saut de mouton, ce qui me déséquilibra un peu, mais je me repris aussitôt. La jument tourna la tête, comme pour vérifier si j'étais toujours présente sur son dos, ce qui était le cas. Malgré tout, à cru, j'avais un peu de mal à rester en équilibre, mais je m'appliquais un maximum. Je lui demandai de trotter, elle me refit un petit bond, et je manquai de tomber. J'avais complètement basculé, mais je réussis quand même à me remettre en position. Je souris, car malgré ma peine à rester dessus, son jeu m'amusait. Il ne fallait pas que ça devienne une habitude, mais pour l'instant, je laissai faire.

Je la mis au galop, non sans m'inquiéter un peu, j'avais peiné à rester dessus au pas et au trot, mais je voulais quand même essayer l'allure supérieure. Elle me refit un petit saut, mais comme cette fois-ci je m'y attendais, je n'eus pas de mal à rester sur son dos. Elle ralentissa, accéléra, approcha du centre et s'en éloigna. Son jeu ne m'amusait plus, je tentais en vain de la ralentir pour la remettre au pas. Finalement, elle s'arrêta brusquement au centre du rond de longe, et ce qui devait arriver arriva. Je fis un vol plané au-dessus de son encolure et de sa tête, pour atterrir lourdement dans le sable. Je me redressai et m'assis dans le sable.

- Viens là, toi ! dis-je sur un ton sévère. Voilà les conséquences de ton petit jeu. J'suis pas contente de toi, tu sais !

Elle ne comprendrait pas mes paroles, mais elle comprendrait le ton sur lequel je les avais prononcées. Je remontai sur son dos, pour ne pas m'arrêter sur une défaite, la fis galoper deux, trois tours dans le calme, puis m'arrêtai pour finalement descendre.

- Voilà qui était mieux.

Je lui donnai un morceau de sucre puis la caressai, ne pouvant pas lui en vouloir à cause de son enthousiasme. Cette jument était douce et affectueuse, juste un peu excitée. Mais maintenant, je pense qu'elle avait compris sa leçon, il fallait m'obéir, malgré son excitation. Je détachai la longe d'un côté du licol et menai la jument vers la douche. Il faisait une trentaine de degrés, ce qui était assez chaud pour la doucher entièrement. Je l'attachai, et commençai par doucher les membres. Ensuite, je remontai peu à peu et la savonnai doucement. Après ça, elle brillerait comme un sou neuf ! En plus, elle semblait adorer. J'allais avoir du boulot avec cette jument, mais je l'aimais déjà beaucoup.

♦ Mon vol plané la fit sursauter, et quand je lui demandai de venir, elle ne bougea pas. La petite jument était toute tremblante et semblait s'excuser pour son comportement. Lorsque je m'approchai d'elle, elle se raidit, et elle me fit vraiment pitié. Je remontai sur son dos sans dire quoi que ce soit, sans la corriger, elle avait déjà eu assez peur comme ça. D'ailleurs, je n'aimais pas corriger les chevaux, c'était une des choses que je détestais le plus dans le monde de l'équitation. Malgré tout, certains en avaient besoin et il fallait donc bien leur faire comprendre que leur comportement n'était pas le bon. Je la fis galoper quelques tours, et Brume s'exécuta sans discuter. La petite jument était incertaine et semblait ne plus avoir de vie. Cela me fit de la peine, donc je lui fis une petite caresse pour l'encourager.

- N'aie pas peur ma belle, tu peux t'amuser mais pas tout le temps.

Encore une fois, elle ne comprendrait pas, mais l'intonation de ma voix lui ferait comprendre que je n'étais pas fâchée. Car non, je ne l'étais pas, il avait juste fallu faire semblant pour lui apprendre sa leçon. Je descendis après l'avoir mise au pas, la caressai et lui donnai un morceau de sucre. Lorsque je l'emmenai à la douche, elle redevenait déjà plus joyeuse, ce qui me fit plaisir. Je souris en la voyant reprendre vie, je préférais quand même la voir comme ça. Elle m'effleura les cheveux, comme elle l'avait déjà fait souvent, puis étendit l'encolure pour avoir un peu d'eau sur la tête. Rares étaient les chevaux qui voulaient ça, c'est pourquoi je ne l'avais pas fait. Mais lorsque je compris que c'était ce qu'elle désirait, je lui mouillai encore un peu la tête, en faisant bien attention aux oreilles et aux yeux. Après avoir terminé de la laver, elle brillait comme un sou neuf, et je souris, fière de moi. Je la séchais, puis me décidai de l'emmener brouter un peu. Si je la laissais au pré maintenant, l'effet de la douche se serait dissipé immédiatement, et elle reviendrait toute sale. Je la menais vers un petit coin d'herbe, et m'assis contre un arbre, la tenant du bout de la longe.