PRÉSENTATION UNDERCO'

C'était la fin d'une matinée ensoleillée, à Etretat. Rien n'avait changé, dans la petite ville de bord de mer. La campagne était juste plus éveillée, alentours. L'académie Horse Beautiful, comme toujours, grouillait d'activité. Les palefreniers s'affairaient autour des cavaliers et des chevaux, le tout avec des habitudes bien rodées. Ça faisait du bien d'être de retour chez soi. C'était tout de même étrange que je considère l'académie comme mon chez-moi. J'étais né de l'autre côté de l'océan, pourtant. Los Angeles ne m'appelait plus comme naguère. J'avais fini par préférer la France aux Etats-Unis. Pour quelle raison? Mais pour la raison évidente, voyons! Cette raison avait un nom, et elle s'appelait Camilla.

OK, c'était tendu avec la miss depuis quelques jours. Mais il fallait dire que pour une fois il n'y avait pas que mon sale caractère qui avait tout fait clasher. En fait, je crois que ça remontait d'une mauvaise idée de ma part, mais je n'avais pas prévu ce déroulement là.

~ J'étais parti aux States pour tourner dans un petit film. J'avais un rôle qui me demandait d'y passer trois mois, avec deux semaines complètes sans tourner, au bout d'un mois. Camilla était donc venue avec moi, à mon plus grand plaisir. Et comme on tournait à Los Angeles, où vivaient toujours mes parents et mes amis, j'avais décidé de présenter ma chère et tendre à toutes les personnes qui comptaient encore pour moi, outre-atlantique. Lorsqu'elle avait, dans un premier temps, rencontré mes amis, tout c'était passé comme sur des roulettes et ça avait accroché plus ou moins, surtout plus d'ailleurs, de quoi la présenter à mes parents plus sereinement. Bien entendu, et je le comprend, elle était réticente à l'idée de rencontrer mes parents. Je mis cela sur le compte de l'anxiété. Et ce fut sans compter sur mon adorable mère qui fit tout pour monter au clash: cela ne tarda guère. Autant vous dire que Cam' prît le premier avion en direction de la France, en avançant son retour après une dispute magistrale. Cela faisait donc quinze jours nous étions pas donnés de nouvelles. ~

J'avais donc laissé un message sur son téléphone quelques heures plus tôt et, finalement, j'arrivais devant son appartement. Un peu nerveux à propos de nos retrouvailles, j'inspirai un bon coup, balayant tout sentiment parasite de manière à entrer sereinement chez la jeune femme. La porte était fermée, bien entendu, et je me munis de ma clé pour rentrer. Elle était absente, ça, c'était certain. Une certaine jalousie m'étreignit en repensant au message qu'elle m'avait laissé. Il n'y avait pas idée... Puis, finalement, j'entrais afin de déposer un bouquet dans un vase. Bon, d'accord, très vieux jeu le bouquet de fleurs mais c'était l'intention qui comptait, non? Je m'installais dans le salon en attendant patiemment son retour. De toute manière, je n'avais pas le choix.

Bien entendu, ce fut un bruit de serrure qui me fit tendre l’oreille. Je pris le temps d’une inspiration et d’un soupir, histoire de bien prendre contenance. Hors de question de me retrouver tout flap devant Cam’. On avait à parler à propos de sujets importants. J’avais juste besoin d’explications, au fond.

Camilla finit par entrer. Elle remarqua vite les fleurs. Enfin, heureusement d’ailleurs, parce que bon, elles étaient quand même en plein milieu de la pièce et puis ce n’était pas un petit bouquet non plus ! Elle arriva donc à pas mesurés vers moi. Je la sentais tendue, tandis que je restais relativement calme. Je m’étais fabriqué un masque impassible et sans froidure ni quelconque sentiment négatif pour autant. Disons que, pour faire simple, je restais neutre. Oui, voilà, c’est plus simple.

En revoyant ma compagne, j’eus du mal à me rappeler pourquoi nous nous étions disputés, mine de rien. Je finis par me lever, histoire de la prendre par la taille en douceur. Il fallait bien que je lui montre que je n’étais pas prêt d’exploser de colère. Puis elle avait parlé. C’était avec un sourire résigné que je fis un pas en arrière, histoire de commencer la discussion.

« Oui, en effet, on a à… »

Bingo la porte ! Mais qui ça pouvait bien être pour m’interrompre comme ça ? Un mec. Un mec qui ouvrit de lui-même la porte alors que Cam’ allait seulement s’y diriger. Je dus prendre sur moi pour ne pas le flanquer dehors à coups de pieds au cul celui-là. Il se prenait pour qui, ce gars ? Il débarquait chez ma copine, la bouche en cœur, toquait à peine, finissait par entrer… Heureusement pour lui qu’il n’entrât pas et qu’il resta sur le seuil de la porte. Je le fusillais littéralement du regard. Mes prunelles chocolat brûlaient de rage. J’allais exploser, c’était sûr. Et comme j’étais du genre à utiliser la force avant de parler. J’aurai été capable de le réduire en pièces, ce type.

Bien entendu, Camilla alla récupérer son sac. Je me demandais d’où cela lui venait. Elle l’avait oublié chez lui ? Une bouffée de jalousie m’étouffa. Oui, j’étais jaloux. Je me sentais mis en danger par ce mec. Je savais ce qui plaisait, chez un homme, et lui, c’était certain, il plaisait. Alors voir ma chère et tendre aller droit sur lui ça m’énervait. Je fis demi-tour, histoire de regarder par la fenêtre, espérant me calmer. Peine perdue. Les explications allaient être pour le moins délicates. Lorsque j’entendis la porte se refermer, je ne quittais pas la fenêtre des yeux.

« J’espère au moins avoir le droit à des explications. »

Ma voix était froide. Mon ton était cinglant. Qu’elle n’espère pas m’amadouer trop facilement. Je l’avais mauvaise. Elle avait mis mes nerfs en pelote. Je me montais un scénario dans la tête. Si plausible avec tout ce qui c’était passé, dernièrement. J’étais trop énervé pour réfléchir. Et à ce rythme-là, j’allais déraper et faire une connerie.

Alors comme ça je faisais peur ? Je n’en savais rien à vrai dire. J’étais juste furax. Quelques mots ne suffiraient pas à me calmer, loin de là. Si ce type n’était pas venu… Peut-être que tout serait rentré dans l’ordre à une vitesse fulgurante, dans ce cas-là. Mais j’étais jaloux. Maladivement jaloux. Et ce n’était pas nouveau. Ce n’était pas juste avec Cam’. Mais c’était juste pour elle maintenant. J’en voulais à mort à ce type. J’aurai pu aller le tuer lorsqu’il était passé. Je fulminais.

J’entendis Camilla s’assoir. Le silence était total dans la pièce. Les mains dans le dos, les poings serrés, on pouvait voir mes tendons se tendre, mes articulations se blanchir. Flippant, je dois l’avouer. Surtout que je n’étais pas un petit gabarit. Je ne voulais pas me retourner vers la jeune femme avant d’avoir réussi à me calmer. Sait-on jamais. Non, je ne pourrais pas lui faire de mal mais… Je refusais de tenter le diable. C’est alors qu’elle prit la parole. Cela n’avait rien pour me calmer.

Alors comme ça elle savait de quoi ça avait l’air ? Encore heureux ! Vu ma réaction heureusement qu’elle avait compris, le contraire aurait été effrayant. Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre. Allait ça y était, c’était l’opération explications qui allaient m’énerver encore plus. Je ne dis rien, ne me retournant même pas. Je restais impassible, comme inanimé. C’était dur. Finalement, je me retournais. Attention chaud devant. J’étais furieux. Et ça se voyait, ça oui ! Comme le nez au milieu de la figure. Je fixai alors Camilla, les yeux lançant des éclairs. Je lui répondis, cinglant :

« Ca c’est sûr ! Des amis qui entrent comme ça, ça court les rues ! »

D’accord, c’était possible. Mais j’étais trop furieux pour penser normalement. Il n’y avait qu’une chose de nette dans mes pensées : la jalousie. Pourtant j’essayai de réfléchir, de me calmer. C’était peine perdue. Je bouillonnai. Chaque seconde supplémentaire était pire. De nouveau, je l’écoutai et un sourire mauvais se dessina sur mes lèvres. J’allais dire quelque chose que j’allais amèrement regretter mais je partais sur les pentes d’une décision douloureuse. Alors un peu plus ou un peu moins… Autant cracher tout ce que j’avais sur le cœur tout de suite.

« Ouais j’ai compris. Je n’étais pas là alors tu m’as remplacé en attendant mon retour ? »

Ma voix était venimeuse, pour lui faire comprendre ce à quoi je songeai. Je rageai.

C’était comme dans un mauvais film. Les répliques étaient violentes, ça ne pouvait pas être nous. Ça ne pouvait pas être notre couple solide et beau. Nous dont les tabloïds ne cessaient de trouver des photos à afficher, des articles à écrire. Nous qui faisions rêver tant de personnes. Nous qui nous aimions. Pourtant, moi aussi, j’avais passé ce pas entre l’amour et la haine, aussi facilement que j’aurai passé le seuil de sa porte en entrant. C’était trop simple et j’en viens à une simple question : l’avais-je seulement aimé ? Une question cruelle. Je sentis mon cœur se déchirer, m’offrir avec violence l’implacable réponse. Oui, et plus que j’aurai du. Pourtant, s’était fini. Et, pour le moment, sans regrets. Le ton monta pour ma part. Le moment de contenir ma rage était fini. Je me refusais pourtant à lui hurler tout ce que j’avais envie de lui dire.

« J’espère que tu rattraperas vite le temps que tu as perdu à m’attendre. »

J’étais cinglant. S’en était fini de nous deux. Désormais, ce ne serait plus « mon cœur » ou « ma chérie », mais mon ex. Ça sonnait beaucoup moins bien. Je repris, fulminant.

« Ce n’est pas moi qui ai fui sans donner la moindre explication. Je n’ai pas changé. Je suis désolé que ton conte de fée soit fini. C’est sans regrets pour ma part. »

Refusant plus d’explications, je repris ma veste – la seule chose que j’avais rapportée aujourd’hui – en me dirigeant à grands pas vers la porte. Je ne reviendrais pas. Jamais. Je posai la clé de chez elle sur la table. Mon regard s’attarda sur une photo de nous deux, dans un coin. J’y lançais un regard presque dégoûté, avant de sortir. Je ne pris pas même le temps de claquer la porte derrière moi. S’en était trop. Je fonçai vers ma voiture. Le moteur ronronna lorsque je tournai la clé pour le mettre en marche. C’était de l’inconscience pure de prendre la route dans mon état. Pourtant, seule la vitesse et l’espace me calmeraient. Mon cœur saignait. Le sang battait à mes tempes. Les derniers mois s’écroulèrent autour de moi comme un château de cartes dans le vent. Nous avions rompu. De manière violente. Il nous avait suffis de quelques instants pour briser ce que nous avions construit.

Longtemps je roulai sans but précis. A une vitesse folle. Je n’avais plus que faire de la prudence. Car quoi que j’ai pu lui dire, même le plus affreux, il n’en demeurait pas moins que j’en étais follement et irrémédiablement amoureux. Je repartirais le lendemain aux Etats-Unis, pour ne pas ressasser tout cela ici, désormais seul. Je songeai même un instant à quitter la France. Plus rien ne me retenait ici. Ce serait peut-être moins douloureux de partir. Et en aucun cas de la lâcheté.