Bon bah apparament il faisait un plat monumental avec ses vannes à deux balles. Oui, vous l'aurez remarqué, il avait pas mal de mal avec l'humour. Mais quand on est un ado' qui broie du noir tout le temps, solitaire et pas sociable, on a généralement pas besoin d'avoir un sens de l'humour très développé quoi... Et puis zut à la fin! Il n'avait pas à se justifier sur la nullité de certains de ses propos qu'il voulait amusants. C'est pas comme s'il était comique de métier non plus! Il voulait devenir moniteur d'équitation classique. A cheval, au moins, il était relativement doué. Il avait le feeling avec les chevaux et montait naturellement avec beaucoup de classe et de sang-froid. Il avait une tenue à cheval impressionnante, très en place, très posé, une position naturelle très verticalisée sur cette fameuse ligne tête - épaules - bassin - chevilles. Grâce à cela, il ne sortait jamais de sa selle et il était extrêmement rare qu'il tombe de cheval. Oui, je m'égare, ce n'est pas le sujet, pardonnez-moi.

Océane s'était assise sur la plage, et voilà qu'elle proposait de marcher. Jess' la regarda et prit sa main pour se relever. D'accord, c'était juste pour la forme, parce qu'il n'attendait pas qu'elle le tire vers le haut non plus! La pauvre crevette, elle n'aurait jamais réussi à le lever! Comme s'il était léger, sous ses apparences! Il n'était certes pas épais, mais il avait quand même sacrément pris du poids! Enfin, de la masse musculaire surtout. Bon, elle avait dit "on marche", non?

« Bonne idée. »

Jesse, tais-toi, tu t'enfonces sérieusement! Pourtant, il la suivit avec un sourire. Au fond, il n'était pas très à l'aise...

Ils étaient étonnants, tous les deux, mine de rien. Un jour ils se chamaillaient, le lendemain ils se baladaient tranquillement sur la plage comme deux adolescents. Surtout avec Océane qui essayait de foutre Jesse à la flotte. Enfin... Disons que le jeune homme la repoussait gentiment de l'épaule en riant quand elle réussissait à le déstabiliser ou quelque chose du genre. Mais c'était juste gentil. D'ailleurs par moments Jess' se contentait de s'écarter pour éviter une "attaque" de la jeune fille. Jusqu'à ce qu'elle finisse par se rater toute seule au final. Le garçon n'eut pas le temps de la rattraper et elle se retrouva dans l'eau. Il n'eut pas besoin de retenir un rire, il n'en eut pas envie. Il esquissa juste un léger sourire à la phrase qu'elle eut.

« Bah c'est pas nouveau... Il y en a qui naissent chanceux, d'autres non... C'est la dure loi de la vie, malheureusement. »

Au fond, lui-même n'était pas plus chanceux. Mais c'était une autre malchance qu'il connaissait. Il n'avait pas écopé des même soucis que l'américaine. Mais il devait avouer qu'Océane n'avait pas du tout du tout de chance! Elle faisait presque pitié. Non, pas pitié, ce n'était pas le terme mais... En la voyant si souvent tomber sans le faire exprès, Jesse avait souvent un pincement au cœur. Il la laissa pourtant fulminer un peu, sans pointe d'amusement, et finit par l'aider à se relever. Il lui avait tendu la main pour qu'elle prenne appui sur autre chose que son pantalon, question de... disons de précautions. Il avait alors senti qu'elle était gelée. Si elle n'avait pas encore viré au bleu, c'était pure chance!

« En plus d'être trempée, tu es gelée! »

Il espérait qu'elle se laisserait faire lorsqu'il l'attira contre lui pour la réchauffer. Du coup il serait trempé lui aussi mais ça, il s'en contrefichait pas mal! Tant que la jeune fille n'était pas complètement gelée... Enfin bon. Si jamais il prenait un vent magistral - chose si probable qu'il ne s'en étonnerait pas même une seconde - ils reprendraient le route sans rien changer, sûrement. Il laisserait un sourire sur ses lèvres et puis tant pis. A moins que la jeune fille veuille des explications et là ce serait simple: il avait juste voulu la réchauffer. D'une simplicité déconcertante non? Enfin, c'était à Océane de voir, de trancher.

Il s'y était attendu. Même si un moment elle s'était laissé faire - ou relativement on va dire -, Océane avait fini par s'écarter, prétextant qu'elle allait lui donner froid parce qu'elle avait trempé ses vêtements. Jesse eut un rire léger et franc en la regardant. Il était vraiment amusé. Bien sûr, il ne se moquait pas, et cela se voyait. C'était juste qu'il avait le cœur léger en compagnie de la jeune fille. Elle le rendait joyeux par sa simple présence. Dire qu'il avait passé des années sans la voir, à s'enfermer dans une humeur massacrante qu'il avait encore, quasiment tout le temps... Il était heureux de la revoir. Il lui répondit doucement:

« Comme si... Tu penses vraiment que je vais te laisser avoir froid? Allez, viens, on marche. »

Un sourire - chose rare - illuminait son visage encore jeune. Qu'elle proteste ou non, il lui passa un bras autour des épaules. C'était purement amical. Ou ça pouvait passer pour purement amical. Parce que, bien sûr, le dire ne serait que confirmer le visible: le blond n'avait jamais, pas même un instant, abandonné ses sentiments envers la brune. Enfin, d'après lui, elle ne l'aimait plus d'amour, comme naguère, mais elle le considérait juste comme un ami. Alors, pour ne pas la perdre, Jess' se contentait d'amitié. C'était ça ou rien, il prenait donc le peu qui lui était offert sans rechigner. C'était assez pour lui, pour peu qu'elle soit heureuse ainsi. Il étouffa lentement un soupir.

Ah, au moins, elle ne s'était pas échappée, loin de là! La jeune fille avait même posé sa tête contre l'épaule du jeune homme. C'était un moment rêvé pour lui. Elle lui demanda alors s'il n'avait vraiment pas froid. Amusé, il se retint de la taquiner mais répondit pourtant:

« Mais non, ne t'en fais pas pour moi va! »

Comme si! Il était un peu plus résistant que cela tout de même! Puis dans ce moment de rêve, un chien débarqua et tout s'effondra. La jeune fille s'écarta, récupéra la laisse du chien et se demanda visiblement où était le propriétaire de l'animal. Et c'est là qu'une gamine débarqua en courant comme une cinglée. Elle s'excusa - encore heureux! - mais cela ne l'empêcha pas d'essuyer le regard assassin du jeune homme. Non mais quoi encore? Elle lui avait carrément cassé son truc quoi... Enfin. Il fit un sourire à Océane avant de repasser son bras autour de ses épaules. Ben si elle avait apprécié... Puis elle entama une phrase, sans la finir. Jesse en fut étonné, presque inquiété. Surtout qu'elle se remit en marche, le regard fuyant. L'étudiant la regarda alors avec insistance en marchant à sa hauteur.

« Quoi? Qu'est-ce que je suis sensé savoir? »

Il avait parlé doucement, d'une voix... pas élevée et simplement... posée? Le terme m'échappe.

Jesse le sentait, quelque chose n'allait pas trop pour Océane. Elle lui faisait dos, et cela, il ne le comprenait pas. Il l'écouta avec attention et eut l'impression qu'un pan du monde s'écroulait, près de lui. Qu'avait-elle de si grave à lui annoncer? Lorsqu'elle se retourna et que son regard d'ado' se planta dans celui du jeune homme, ce dernier sentit comme un malaise, qu'il aurait voulu dissiper en disant quelque chose, n'importe quoi. Il ouvrit la bouche, pour parler, mais n'en eut pas le temps, car elle reprenait. Il eut, cette fois, l'impression que tout s'écroulait autour de lui. Il était prêt à lui faire répéter ce qu'elle venait d'avouer. N'avait-elle pas dit qu'elle l'aimait? Si, elle l'avait dit, et il en resta comme abasourdi.

Elle marqua une pause et le garçon capta son sourire. Il tenta d'en faire autant mais... Ce n'était pas simple du tout. Il s'était presque renfermé sur lui-même à l'annonce qu'elle lui avait faite et il aurait presque reculé d'un pas. Mais il ne voulait pas lui paraître distant. Alors, quand elle changea de sujet, pour éviter qu'un malaise ne s'installe, Jess' lui attrapa lentement la main. C'était à son tour de dire ce qu'il avait sur le cœur. Et c'était d'autant moins facile pour lui qui préférait parler peu. Il se lança pourtant.

« Quand tu es parti, ça m'a laissé une sensation de... vide. Mais c'est juste que... Me dire que tu étais peut-être mieux avec un autre... Ça m'a brisé, je crois. Parce que je suis resté amoureux de toi. Et ça n'a pas changé, pas même aujourd'hui. Mais je pensais... Je pensais que tu avais passé l'éponge, toi. Alors quand je t'ai revu... Je t'en ai voulu, parce que je pensais que tu m'avais oublié et puis... Finalement, je n'ai rien dit, rien fais parce que... Enfin, si jamais tu étais plus heureuse sans moi, c'était tout ce qui comptait, pour moi. Je ne veux pas non plus te perdre... Rien que de te perdre de vue, une fois, ça a été... Horrible et... »

Il cherchait ses mots, manquant d'assurance. Il avait lâché la main d'Océane et désormais, il la regardait. Enfin, quand son regard d'azur ne fuyait pas vers la plage quasi-déserte.

C'était... Compliqué, pour Jesse. Il ne savait plus trop où il en était, ce qu'il devait, faire, penser, croire... Il était totalement perdu. Il avait tellement cru qu'Océane n'était plus amoureuse de lui. Et au final, c'était elle qui croyait que lui ne l'aimait plus! C'était juste bon à s'embrouiller. C'était... Étrange, comme situation, et Jess' s'avouait totalement paumé. Lorsqu'elle lui reprit la main, il retint un mouvement de recul et la regarda, l'air simplement perdu. Il cherchait ses mots, mal assuré dans ses paroles.

« C'est juste que... Enfin... Je sais plus trop où j'en suis, au final... Cette situation est... Trop compliquée. C'est pas que ça me gêne mais... Où on va, selon nos décisions. On sait tous les deux ce que sera le résultat, au final, rien n'aura changé. »

Il eut un pâle sourire. Après tout, non, rien n'avait changé, entre eux deux... Ce serait la même chose, le même refrain. Est-ce que ça valait le coup, au final, de se faire du mal, de se brûler les ailes? Le monde n'avait pas changé. Il n'y croyait plus, à ce bonheur qu'on promettait souvent. Enfin... Si Océane trouvait les bons mots, pour lui enlever ses craintes, alors... Alors peut-être, oui, n'aurait-il plus peur de se lancer. Il fallait le comprendre. Une fois, déjà, avec elle, il avait eu mal. Et même s'il l'aimait encore, même s'il ne lui en voulait pas, il n'était pas prêt à se jeter la tête la première dans une histoire qui, peut-être, n'aurait pas de lendemain. Il la regarda s'éloigner et il ne bougea pas. Elle sembla finalement l'attendre et il la rejoignit d'un pas un peu plus lent que d'habitude, regardant autour de lui. C'était à elle de trancher, de toute manière. Il lui avait dis ce qu'il pensait, sans rien cacher. Voulait-elle s'engouffrer quand même? A elle de le dire.